La Colombie, l’Indonésie, la Russie et l’Afrique du Sud font partie des principaux exportateurs de charbon au monde. 

Madrid, 9 décembre 2019 – “Le charbon qui est extrait ici part pour l’Europe, j’ai vu comment il arrive à Gijón (Espagne). Nous n’avons plus de ferme, et 5000 enfants sont morts de malnutrition.” explique Diego Alejandro Rojas, du collectif Arbelaez (La Guajira, Colombie). 

Expropriations, pollution, restriction de l’accès à l’eau, persécution, criminalisation ou répression du droit à la manifestation sont quelques unes des violations des droits humains qui persistent dans les régions minières en Colombie, en Indonésie, en Russie et en Afrique du Sud.

À l’occasion de la journée internationale des droits humains (10 décembre), en collaboration avec l’Information Centre on Business and Human Rights, Greenpeace dévoile un rapport intitulé  ‘Les blessures du charbon : violations des droits humains dans les importations espagnoles.’ (The wounds of coal. Violations of human rights in Spanish imports) lors d’une conférence de presse à la COP25 afin de dénoncer les dommags causés par l’industrie du charbon non seulement à l’environnement (la combustion du charbon étant la principale responsable du changement climatique, en raison de ses émissions de CO2), mais aussi à l’être humain. 

Selon Tatiana Nuño, responsable de la campagne sur le changement climatique pour Greenpeace Espagne, “la combustion du charbon est la principale cause de la crise climatique à travers le monde et cause de sérieux dommages à notre santé, tandis que son extraction coûte très cher à l’environnement et aux droits de ceux qui vivent dans les régions minières. La crise climatique est une crise des droits de l’humain, et le charbon est responsable des deux.” 

En Colombie, l’exemple le plus significatif est celui de la société minière de Cerrejón, située à La Guajira. Il s’agit de la plus grande mine à ciel ouvert au monde : elle s’étend sur 69 000 hectares, extrait 108 000 tonnes de charbon par jour pour l’exportation et a fait déplacer plus de 20 000 personnes à travers le territoire. “L’activité de la mine consomme plus de 30 millions de litres d’eau par jour, alors qu’ici, des gens meurent de soif.” précise Rojas.  

Au cours des 15 dernières années, la production indonésienne de charbon a augmenté de façon exponentielle et le pays est devenu l’un de plus grands exportateurs au monde, résultant en une croissance chaotique des licences d’exploitation minière. Selon JATAM, une organisation environnementale installée à Jakarta, environ 43% de la superficie de la région du Kalimantan oriental, à Bornéo, a été confiée à des sociétés minières.

En Russie, le rapport souligne que les entreprises exploitent intentionnellement du charbon à proximité des centres de population, plutôt que dans des endroits moins peuplés. Cela permet de réduire le coût des infrastructures et facilite l’accès à la main d’oeuvre. “Il y a des cas comme celui de la ville de Kiseliovsk, dont les frontières ont été franchies par une mine à ciel ouvert. De la neige noire est tombée là-bas. C’est peut-être dur à croire, mais des gens vivent là.” s’indigne Vladimir Slivyak, de l’organisation russe Ecodefense.

En Afrique du Sud, où le charbon est la deuxième source de revenus du pays, les violations des droits humains sont systématiques, tout particulièrement dans la province de Mpumalanga, dans le nord est du pays, une région riche en carbone dans laquelle 83% du total produit nationalement est extrait.  

Dans tous les cas, les femmes ont tendance à souffrir différemment des impacts de l’extraction. Leur invisibilité doit être combattue dans le processus de négociation des territoires et dans les problématiques de compensation, afin de reconnaître leur rôle capital dans le maintien du tissu social et de garantir leur protection physique et psychologique de cette dynamique sociale qui perpétue les violences envers elles.

“J’ai reçu plusieurs menaces. En 2013, ils sont venus me chercher à la maison, mais mes chiennes m’ont prévenue et j’ai pu me cacher. Ils m’ont attendu toute la nuit et ont tué mes chiens avant de partir. Récemment, ils ont lancé des pierres sur ma maison, parce qu’ils veulent que je parte.” explique María Cristina Figueroa Bouriyu, conseillère à l’Organisation Indigène Nationale de Colombie. 

Les centrales thermiques au charbon sont toujours opérées en Espagne ; pour être exact, en 2018, 14,1% de la production électrique était issu de la combustion du charbon, générant près de 40 millions de tonnes de CO2 (soit quatre fois les émissions annuelles de Madrid toute entière). Au total, l’importation de charbon en Espagne est montée à 16,5 millions de tonnes du minéral. Les régions des Asturies et de la Galicie sont celles qui en ont importé le plus. Depuis 2019, la Colombie, l’Indonésie, la Russie et l’Afrique du Sud sont devenues les principaux fournisseurs de charbon en Espagne et figurent également dans le top européen et mondial.

Les fournisseurs d’électricité qui achètent du charbon à faire brûler dans leurs centrales sont responsables de l’identification et de la prévention des dommages causés aux droits humains tout au long de leur chaîne d’approvisionnement. Pourtant, aucune des cinq plus grands fournisseurs et producteurs d’électricité espagnols (Endesa, Iberdrola, EDP, Viesgo et Naturgy) consultés pour la recherche n’ont fourni de données sur l’origine et les quantités de charbon importé utilisés dans leurs centrales.

Avec ce rapport, Greenpeace demande à ce que les gouvernements définissent une date de fermeture des centrales à charbon au plus tard pour 2030 en Europe et 2025 en Espagne. Le monde entier doit les réduire d’au moins deux tiers d’ici 2030, d’après le rapport du GIEC, afin de ne pas augmenter la température moyenne globale au-delà de 1,5°C.

L’Europe devrait également revoir son engagement de réduction des gaz à effet de serre à la hausse, en passant à 65% de réduction d’ici 2030 afin d’atteindre le zéro net en 2040. Un modèle d’énergie à 100% renouvelable et démocratique, qui ne viole pas les droits humains et respecte les principes d’une justice sociale et environnementale doit être mis en oeuvre. Nous demandons aux gouvernements d’établir des mécanismes efficaces et d’assurer leur devoir de vigilance et de contrôle en obligeant les entreprises à garantir le respect des droits humains tout au long de leur chaîne d’approvisionnement.

Notes : 

Résumé du rapport (en anglais) disponible ici

Rapport complet (en espagnol) disponible ici

Des photos de la mine ouverte de Cerrejon en Colombie sont disponibles ici