Un cimetière de déchets nucléaires aux frontières du Luxembourg ?

Luxembourg/Bruxelles, le 14 Novembre 2018 – ​​Ce matin, une vingtaine d’activistes de Greenpeace Belgique ont bloqué l’entrée principale du siège d’Engie Electrabel pour rappeler le principe du pollueur –payeur à appliquer pour les déchets nucléaires en Belgique. Devant les différentes portes d’entrée, les activistes ont déposé de l’argile, installé des fûts nucléaires et déployé des bannières rappelant : « ​Ce sont vos déchets ​».

« ​La menace que ce soit aux citoyens de régler la facture des déchets nucléaires est de plus en plus palpable »​ ​, s’inquiète Eloi Glorieux, expert nucléaire de Greenpeace Belgique. ​« ​Engie doit conserver l’entière responsabilité financière de ses déchets et le gouvernement belge doit imposer des garanties absolues afin que suffisamment d’argent soit disponible dès que nécessaire. ​»​

Un rapport d’experts indépendants a récemment montré que le fonds Synatom n’offrait pas de garanties suffisantes. Selon eux, le scénario le plus sûr pour éviter aux citoyens belges de mauvaise surprise provenant de cette multinationale française est la création d’un Fonds national pour les provisions nucléaires, alimenté par l’opérateur mais indépendant de lui. [1]

Centre de stockage dans les Ardennes ?

Jusqu’à présent, l’ONDRAF avait toujours été en faveur du stockage géologique dans l’argile de Boom. L’ONDRAF mène des recherches depuis 30 ans dans la couche d’argile du sous-sol campinois (nord-est de la Belgique), notamment dans le laboratoire souterrain HADES. À la demande du gouvernement fédéral, l’ONDRAF vient changer sa stratégie [2] et ne propose plus que le principe du stockage géologique, sans désigner l’argile de Boom comme roche hôte préférée.

« ​Cela signifie que, théoriquement, l’ensemble du territoire belge est à nouveau susceptible d’accueillir les déchets radioactifs de haute activité et/ou de longue durée de vie. Donc la couche d’argile d’Ypres et les couches de schiste dans les Ardennes – non loin du Luxembourg – ne sont pas exclus pour accueillir ces déchets hautement radioactifs »​ , déclare Roger Spautz, expert nucléaire de Greenpeace Luxembourg.

Une vingtaine d’activistes de Greenpeace Belgique ont bloqué l’entrée principale du siège d’Engie Electrabel

Une vingtaine d’activistes de Greenpeace Belgique ont bloqué l’entrée principale du siège d’Engie Electrabel

La question de la gestion de ces déchets nucléaires inquiète également la société civile. Une analyse critique publiée aujourd’hui par Bertrand Thuillier, professeur associé à l’université de Lille, démontre que l’enfouissement géologique irréversible tel qu’actuellement imaginé par le gouvernement belge n’est pas une solution tenable à long terme.​ [3]

« ​Il n’existe en fait aucune solution assez sûre aujourd’hui pour gérer les déchets nucléaires à long terme. Or, nous ne pouvons pas emprisonner les générations futures dans les limites de nos connaissances actuelles”​, plaide Eloi Glorieux. ​“La priorité doit donc être de sécuriser le stockage temporaire et de garantir l’application du principe que le pollueur paye. Et, ici, le pollueur, c’est Engie. »​ ​[4]

Notes :

[1] Rapport commandé par Greenpeace et​ ​réalisé par les experts de Zero Emission Solutions​.
[2] “​Cette proposition de gestion à long terme des déchets de haute activité et/ou de longue durée de vie repose sur le principe du système de stockage géologique sur le territoire belge. Le système de stockage géologique est un ensemble composé des déchets radioactifs proprement dits, des barrières artificielles et des barrières naturelles y afférentes, à savoir la formation géologique hôte et l’environnement géologique de celle-ci.” (Extrait du communiqué de presse de l’ONDRAF du 9 février 2018)
[3] Analyse commandée par Greenpeace et réalisée par le professeur Bertrand Thuillier.
[4] Ce principe est très pertinent dans le cas du secteur nucléaire. Le plutonium (Pu-239), ​par exemple​, est un élément radioactif artificiel qui n’est produit que dans les combustibles usés des centrales nucléaires. Extrêmement radioactif, l’inhalation de 7 microgrammes à peine provoque notamment le cancer du poumon. Le plutonium doit donc, pour des raisons de sécurité sanitaire, être écarté de la biosphère près d’un quart de million d’années (244.000 ans). Or, sans énergie nucléaire, cette matière n’existerait pas.

Contact :
Roger Spautz, Chargé de Campagne nucléaire, Greenpeace Luxembourg; [email protected]​ , Tel :​ (+352) 621 233 361