Action Solidarité Tiers Monde (ASTM) et Greenpeace Luxembourg ont chargé Nextra Consulting[1] d’analyser les investissements de 2020 du Fonds de compensation commun au régime général de pension (FDC) en termes de durabilité. Le FDC a déclaré être « conscient de ses responsabilités écologiques, sociales et de bonne gouvernance » en tant que gestionnaire d’actifs institutionnels.[2] Cependant, l’analyse menée par Nextra Consulting révèle que la pratique d’investissement du FDC est peu ambitieuse, insuffisante et non transparente. Au cours de l’année 2022, le FDC révisera sa stratégie d’investissement pour la période 2023-2028 – une occasion unique d’améliorer de manière significative sa performance en matière de durabilité. Dans ce contexte, ASTM et Greenpeace proposent des mesures concrètes en termes de gouvernance, de stratégie d’investissement, de désinvestissement et d’action gouvernementale pour faire progresser le fonds de pension souverain du Luxembourg sur la voie de l’alignement sur l’Accord de Paris et du respect des droits humains.

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L’amour du FDC pour les combustibles fossiles

Le FDC – une institution publique d’un pays qui a ratifié l’Accord de Paris – continue d’investir l’argent des citoyens dans l’industrie des combustibles fossiles. Les investissements du FDC de l’année 2020 sont associés à une augmentation potentielle de la température de 2,7°C d’ici 2050, deux compartiments se dirigeant même vers une trajectoire d’émissions de 6°C. Le FDC finance 1.001.741 tonnes d’émissions de carbone par le biais de son portefeuille, ce qui équivaut à 9% des émissions directes de gaz à effet de serre du Luxembourg. En outre, le FDC investit dans des entreprises liées à des pratiques controversées d’extraction d’énergie, telles que le forage dans l’Arctique, la fracturation hydraulique (fracking) et l’exploration des sables bitumineux ainsi que du pétrole et du gaz de schiste. Ces pratiques sont souvent liées à des dommages causés aux écosystèmes et à des violations des droits humains.

L’angle mort du FDC : les droits humains

Le FDC et les gestionnaires d’actifs mandatés ne tiennent pas compte des droits humains dans leur approche de durabilité et dans leurs décisions d’investissement. Bien que le FDC se réfère souvent à sa liste d’exclusion pour démontrer son engagement en matière de durabilité, ce mécanisme est non seulement non transparent, mais également insuffisant. L’analyse de Nextra révèle qu’au sein du portefeuille activement géré du FDC, 282 cas de non-respect à la diligence raisonnable en matière de droits humains ont été signalés en relation avec 196 entreprises. Le secteur financier est particulièrement concerné, puisque 30 de ces 196 entreprises sont des banques. Par ailleurs, en ce qui concerne leur impact sur les Objectifs de développement durable (ODD), 47% des entreprises du portefeuille du FDC présentent une notation ODD négative. Les investissements du FDC ont un impact particulièrement négatif sur l’ODD 8 (Travail décent et croissance économique), où 51% des entreprises ont un impact négatif, et sur l’ODD 12 (Consommation et production responsables), où 37% des entreprises du portefeuille ont un impact négatif.

Les risques financiers des décisions d’investissement du FDC

L’exposition du portefeuille d’investissement du FDC à des actifs potentiellement échoués (stranded assets) est inquiétante. La plupart des entreprises dans lesquelles le FDC investit ne présentent aucun plan concret et mesurable de transition vers un modèle économique durable. En investissant dans des combustibles fossiles et d’autres actifs à forte teneur en carbone, ainsi que dans des pays considérés comme des régions à risque au sens géopolitique, le FDC s’expose à des pertes financières potentielles. L’invasion de l’Ukraine par la Russie et les conséquences sur l’approvisionnement énergétique en Europe illustrent le risque que prend le FDC en investissant dans des entreprises qui ne parviennent pas à assurer la transition. La crise actuelle a également clairement montré comment les décisions financières et d’investissement peuvent être utilisées comme un levier pour atteindre des objectifs politiques.

Face à ces révélations inquiétantes, ASTM et Greenpeace appellent le FDC et le gouvernement luxembourgeois à assumer leurs responsabilités lors de la prochaine révision de la stratégie pour mettre en place un cadre légal ainsi que des politiques d’investissement ambitieuses pour un fonds de pension durable. Le mandat du FDC, tel que défini dans la loi du 6 mai 2004, doit être clarifié. Pour éviter toute contestation sur ce point, le mandat devrait inclure explicitement des critères de durabilité.

Pour que le FDC soit durable, il doit adopter et mettre en œuvre une stratégie d’investissement globale, cohérente et ambitieuse pour le fonds dans son ensemble, ainsi que pour les gestionnaires d’actifs et leurs compartiments mandatés (gérés activement et passivement). Tous les investissements doivent être alignés sur l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C ainsi que sur la Charte internationale des droits humains.


[1] Nextra Consulting est une société indépendante de conseil en affaires et en gestion, axée sur le développement durable (https://nextra-consulting.com/).

[2] Fonds de compensation (2020) : Rapport d’investisseur durable (https://fdc.public.lu/dam-assets/publications/Sustainable-Investor-Report-2020-final-web-version-.pdf)


L’analyse menée par Nextra Consulting est disponible ici.