Des activistes appellent l’UE à ne pas considérer l’énergie nucléaire comme durable

© Victor Point / Greenpeace

Paris/Luxembourg, 12 octobre 2021 –  Ce matin des activistes de Greenpeace France ont disposé une quinzaine de fûts métalliques faisant figurer un symbole radioactif devant l’entrée du groupe nucléaire Orano à Châtillon, au Sud de Paris, pour protester contre le déversement de déchets nucléaires français sur un site dangereux à Seversk, en Sibérie. Une nouvelle enquête de l’organisation révèle que les exportations de déchets vers la Russie ont repris après une interruption de onze ans [1].

Des images satellites en provenance de Seversk montrent des milliers de barils exposés à l’air libre. L’exportation de déchets radioactifs de l’UE vers un pays tiers est soumise à des conditions strictes, notamment en ce qui concerne la sécurité et la bonne gestion de l’installation de destination [2]. 

Ces révélations au sujet de la reprise des exportations de déchets nucléaires français vers la Russie adviennent alors que dix pays de l’UE, dont la France, viennent de publier une tribune dans plusieurs journaux européens afin de demander l’inclusion de l’énergie nucléaire dans la « taxonomie européenne », c’est-à-dire les lignes directrices de l’UE pour les investissements verts [3].

« C’est un scandale et une violation flagrante du principe de “ne pas causer de dommages significatifs”. Les révélations de l’enquête prouvent une fois encore qu’il n’existe pas de solution écologiquement durable au problème toujours croissant des déchets radioactifs. L’UE ne doit pas accorder à cette énergie dangereuse qu’est le nucléaire un statut préférentiel via sa taxonomie. Cela ne ferait qu’aggraver le problème des déchets tout en détournant les investissements des vraies solutions comme l’efficacité énergétique, le stockage et les énergies renouvelables », estime Roger Spautz, chargé de campagne nucléaire pour Greenpeace France et Luxembourg. 

Selon les grands principes de la taxonomie, pour y être incluse, une activité ne doit pas « causer de dommages significatifs » à l’environnement. La Commission européenne ouvrira une consultation publique dans les prochaines semaines afin de déterminer si l’énergie nucléaire doit être intégrée à la taxonomie. 

Le président Emmanuel Macron devrait également annoncer aujourd’hui le financement de « petits réacteurs nucléaires modulaires » dans le cadre de son programme d’investissement « France 2030 ». 

Enquête

L’enquête de Greenpeace France révèle qu’en janvier et février 2021, Orano a expédié des centaines de tonnes d’uranium de retraitement à Rosatom, l’entreprise publique russe de l’énergie nucléaire.

Dans le port du Havre, en Normandie, des activistes ont assisté au chargement de matières radioactives sur un navire à destination de Saint-Pétersbourg. De là, les déchets ont été acheminés par train vers un site d’enfouissement dans la ville de Seversk, en Sibérie, anciennement connu sous le nom de Tomsk-7. Greenpeace n’a rien constaté qui pourrait suggérer l’amélioration de la gestion du site de Seversk depuis 2010, date à laquelle Orano (qui s’appelait alors Areva) a admis que les préoccupations environnementales avaient joué un rôle dans sa décision de cesser d’y exporter de l’uranium [4].

Orano a confirmé les nouvelles expéditions dans un email adressé à Greenpeace France. EDF, le plus grand fournisseur d’énergie nucléaire de France, a également signé un accord similaire avec Rosatom en 2018, mais ne semble pas avoir encore effectué de telles expéditions. Les deux entreprises sont en partie détenues par l’État français.


Notes aux rédactions : 

[1] Greenpeace France, 12 octobre 2021, “Déchets nucléaires français : aller simple pour la Sibérie
[2] En particulier l’Article 4 de la directive 70/2011/EURATOM du Conseil.
[3] La Libre Belgique, 10 octobre 2021, “Dix membres de l’UE publient une tribune en faveur du nucléaire” 
[4] En 2010, Areva (Orano) a cessé l’exportation de déchets radioactifs vers la Russie après un tollé public au sujet de l’impact environnemental du site de Severska. Voir : Rue89 / Le Nouvel Observateur, 28 mai 2010, “Areva cesse d’exporter ses déchets radioactifs en Russie” 
[5] Des photos de l’action devant le siège d’Orano, ainsi que des photos du transport d’uranium usé entre la France et la Russie en 2021, sont disponibles ici.