Le traité détruit la forêt tropicale et d’autres écosystèmes
De gigantesques surfaces de terres forestières sont déjà défrichées en ce moment même en Amérique du Sud, afin de gagner de la place pour les pâturages et les terres cultivables. Si l’importation de produits agricoles tels que la viande de bœuf, le soja pour l’alimentation animale et le bioéthanol issu de la canne à sucre devenait plus avantageuse pour l’UE grâce à l’accord UE-Mercosur, le commerce de ces biens augmenterait inévitablement. Une étude commune de Greenpeace et Misereor montre que les quotas d’importation de viande de bœuf et de poulet seraient ainsi augmentés de 50%. Pour le bioéthanol (produit en Amérique du Sud principalement à partir de canne à sucre), l’étude prévoit même une multiplication par six des quantités importées jusqu’à présent. Conséquence : la forêt amazonienne, mais aussi d’autres écosystèmes importants comme les forêts sèches du Gran Chaco argentin et les forêts de savane du Cerrado brésilien, seraient davantage sacrifiées pour d’autres pâturages et champs de soja.

Certes, l’UE a voté une loi (EUDR) qui doit empêcher que certains produits issus de la déforestation puissent être vendus dans l’UE. Mais, d’une part, l’UE a récemment reporté son entrée en vigueur d’un an, à la fin de cette année. D’autre part, le règlement ne garantit pas qu’un accord tel que l’UE-Mercosur en devienne inoffensif. En effet, l’accord promeut des produits non inclus dans le règlement de l’UE sur la protection des forêts, tels que la viande de poulet ou la canne à sucre. De plus, le règlement de l’UE ne protège que les forêts et exclut les autres écosystèmes (savanes et marais notamment), également détruits pour des terres agricoles.
En raison des incendies volontaires, la forêt amazonienne s’approche déjà d’un point de basculement qui, une fois atteint, est irréversible. Une pression accrue sur la forêt tropicale signifie que cet écosystème complexe qui s’auto-entretient pourrait s’effondrer et que de grandes parties de la région pourraient devenir désertiques. Cela aurait des conséquences catastrophiques — pour la population locale comme pour la faune, mais aussi pour la planète entière, car la forêt tropicale joue un rôle clé dans la régulation du climat mondial.
Le traité UE-Mercosur nous rend malades
Génial, des pesticides moins chers pour l’Amérique latine ! L’accord entraînerait une nouvelle hausse de la consommation de ces poisons agricoles et une augmentation des profits de l’industrie chimique, puisqu’il réduirait le coût des exportations de pesticides de l’UE vers le Mercosur. Dans l’UE, des procédures sont en place pour vérifier la toxicité des pesticides. En conséquence, certaines substances actives ne sont pas autorisées en raison de leur dangerosité et ne peuvent pas être utilisées ici. Les groupes pharmaceutiques et chimiques peuvent toutefois continuer à produire ces substances toxiques et à les exporter vers d’autres pays. Des entreprises comme BASF et BAYER vendent déjà de grandes quantités de pesticides non autorisés dans l’UE à l’Amérique du Sud, car la réglementation y est moins stricte. Avec l’UE-Mercosur, il est fort probable que les chiffres de vente augmentent encore, car les droits de douane sur les exportations de pesticides seraient en grande partie supprimés.
Ces pesticides ne nuisent pas seulement aux espèces animales et végétales : ils représentent également un risque important pour la santé, en particulier pour les personnes qui les utilisent dans les champs. Les habitant·es des villages et habitations en bordure des plantations et des champs souffrent souvent de la dérive des pesticides pulvérisés par les avions au-dessus des champs. Mais la population locale n’est pas la seule à être empoisonnée : les pesticides non autorisés finissent également dans notre assiette, puisque les États de l’UE importent des fruits comme les citrons verts et les mangues des pays du Mercosur. Les analyses de Greenpeace montrent que certains des fruits importés contiennent même des résidus multiples, c’est-à-dire un cocktail de différents pesticides.

Fin des voitures thermiques ? Pas pour l’UE-Mercosur
L’accord prévoit de réduire les droits de douane sur les voitures à combustion et les pièces détachées. Le pacte commercial favorise ainsi précisément le secteur qui compte parmi les grands responsables de la crise climatique. Une étude publiée en 2022 par Greenpeace Allemagne montre que l’industrie automobile européenne sera l’une des grandes gagnantes de cet accord, avec plusieurs milliards de dollars de bénéfices envisagés dans les pays du Mercosur, alors que la fin des moteurs à combustion a été annoncée dans l’UE. L’accord sape ainsi les efforts de réduction des émissions du parc automobile mondial dans son ensemble et fait obstacle à un véritable tournant en matière de mobilité.
L’UE-Mercosur favorise la production de viande
L’élevage d’animaux à grande échelle est une catastrophe écologique et environnementale, et ce sans même évoquer la question de la souffrance animale : leur élevage nécessite de grandes surfaces de terre défrichées et de grandes quantités de fourrage ; les vaches produisent du méthane, un gaz à effet de serre ; et enfin, les millions d’animaux qui vivent dans des élevages intensifs produisent d’énormes quantités d’excréments qui polluent les nappes phréatiques, le sol et les cours d’eau ;
En effet, l’élevage industriel est responsable d’environ 20% des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. Alors que de plus en plus de personnes à travers le monde en prennent conscience et se tournent vers des alimentations plus végétales, l’accord UE-Mercosur ne fait qu’encourager la production de viande et l’élevage.

L’UE-Mercosur frêne la transition vers un autre modèle agricole
Le traité UE-Mercosur soutient davantage l’industrie agro-alimentaire que les petites exploitations locales et durables. Il consolide en Amérique latine un modèle agricole qui repose essentiellement sur les concepts de monoculture et de cultures génétiquement modifiées à haut rendement, le tout aspergé d’énormes quantités de pesticides, ainsi que sur du bétail dopé aux antibiotiques et aux hormones de croissance. Une telle approche ne profite qu’aux industries agro-alimentaire et pharmaceutique.
Pourtant, il existe déjà, ici comme en Amérique du Sud, des alternatives écologiques qui permettent de produire des aliments bons à la fois pour l’humain et la nature. Les agriculteurs biologiques qui travaillent avec des rotations de cultures variées et des approches écologiques verront leur compétitivité affaiblie, notamment à cause de l’accord. La pression sur les prix de l’agriculture européenne augmente, c’est pourquoi l’Autriche en particulier veut empêcher l’accord afin de protéger ses agriculteurs du dumping. L’accord UE-Mercosur mise donc sur un modèle agricole non durable et empêche la transformation socio-écologique urgente de l’agriculture – dans l’UE et en Amérique du Sud.

Le commerce d’égal à égal ? Pas avec UE-Mercosur
L’accord exploite et renforce des principes rétrogrades et néocolonialistes au sujet de la manière dont l’économie doit fonctionner, en allant chercher les matières premières ailleurs pour notre propre intérêt, au mépris du bien-être de ces pays lointains.

Ce néo-extractivisme est en effet problématique, car la production de matières premières implique souvent l’exploitation des humains et de la nature. Avec le traité UE-Mercosur, les petites exploitations agricoles et les cultures mixtes seront évincées par les grandes entreprises et les monocultures ; les forêts, les savanes et les zones humides sont transformées en plantations ; les réserves d’eau sont épuisées et privatisées, les populations locales délogées. Et lorsque les matières premières sont épuisées à un endroit, parce qu’une prairie a été surexploitée par exemple, il faut déboiser davantage de forêt tropicale pour créer de nouveaux pâturages. Et ainsi de suite.
Ce type de commerce renforce en outre la dépendance aux importations.
Si l’accord n’est pas conclu, cela ne fera-t-il pas le jeu de la Chine ?
L’une des craintes évoquées par celles et ceux qui défendent le traité est de prendre du retard par rapport à des pays comme la Chine, qui vont intensifier à la place de l’UE ses échanges avec les pays du Mercosur.
Nous n’avons cependant pas besoin d’accords commerciaux pour faire du commerce – l’UE fait déjà beaucoup de commerce avec les pays du Mercosur, tout comme la Chine. Le Brésil est déjà le deuxième partenaire commercial de l’UE en ce qui concerne les importations agricoles. Et l’UE est elle-même le deuxième partenaire commercial du Brésil en général. La situation est similaire pour les autres pays du Mercosur. Cela signifie que même sans cet accord, l’UE est un partenaire commercial stratégique et irremplaçable. Si nous achetons plus de bœuf ou d’autres produits agricoles d’Amérique du Sud, cela ne signifie pas pour autant que la Chine en achètera moins en retour. C’est pourquoi il est important de veiller à ce que nous ne concluions pas de mauvais accords qui aggraveraient la situation en Amérique du Sud. Nous ne soutenons durablement les pays du Mercosur que si nous proposons des partenariats d’égal à égal, par exemple par le biais de projets communs sur l’agroécologie et la protection des forêts ou le transfert de technologies pour la transition énergétique. Or, l’accord UE-Mercosur ne fait rien de tout cela et va à l’encontre de ces objectifs.
L’UE-Mercosur menace les droits humains
Le chapitre sur la durabilité de l’accord ne contient pas le moindre paragraphe au sujet des droits humains. C’est problématique, comme l’explique un avis de droit commandé par Greenpeace et Misereor, car sans obligations contraignantes dans les domaines du travail, de l’environnement et des droits humains, l’accord commercial manque d’équilibre d’un côté entre les objectifs et principes économiques et d’autre part les objectifs et principes non économiques. Dans sa forme actuelle, l’accord aura un impact négatif sur les communautés autochtones des pays du Mercosur. Les Guarani-Kaiowá, par exemple, dans l’État brésilien du Mato Grosso do Sul, souffrent déjà de la culture de la canne à sucre pour le bioéthanol. Leurs territoires ancestraux leur sont en effet arrachés pour les transformer en plantations. L’augmentation de la production de canne à sucre, conséquence de l’augmentation de la demande, menace d’autant plus ce peuple autochtone.

© Tuane Fernandes / Greenpeace