Chaque jour autour du monde, de nouvelles voix s’élèvent pour demander la protection de l’environnement et le droit à respirer de l’air pur et à boire de l’eau fraîche. Malheureusement, les entreprises de combustibles fossiles emploient leur force pour continuer à extraire et à polluer, et nuisent ainsi aux populations, à la nature et au climat, tout cela au nom d’un profit à court terme dont ne profiteront que quelques personnes. 

Cependant, à mesure que les crises se succèdent, la pression augmente sur les gouvernements pour qu’ils demandent enfin des comptes aux multinationales et aux institutions financières. De plus en plus de gens attendent de ces dernières qu’elles cessent de porter atteinte à la santé et à l’environnement, et qu’elles s’engagent concrètement auprès de leur personnel, des populations et de la société civile pour œuvrer en faveur du bien commun. Et cela concerne également les fonds de pension !

Pourquoi les fonds de pension sont-ils importants dans la lutte pour la justice climatique ?

Avec plus de 46 000 milliards de dollars d’actifs à travers le monde, les fonds de pension se classent dans le top des plus grands investisseurs institutionnels des combustibles fossiles. Comme le souligne Climate Safe Pensions près de 30 % des actions de l’industrie fossile sont détenues par des fonds de pension. En finançant ce type d’entreprise, ils permettent au secteur de continuer à extraire et brûler plus de charbon, de pétrole et de gaz, et augmentent ainsi les émissions de gaz à effet de serre, à l’heure où le monde devrait faire l’exacte inverse, c’est-à-dire les réduire de toute urgence.

Les fonds de pension comptent également parmi les principaux bailleurs de fonds de la course à l’expansion des combustibles fossiles sur le continent africain. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils sont la cible de la campagne stop EACOP, qui milite pour que les banques et les investisseurs à travers le monde cessent de financer TotalEnergies et son projet dévastateur d’oléoduc traversant l’Afrique de l’Est (East African Crude Oil Pipeline, aussi connu sous le nom de Uganda–Tanzania Crude Oil Pipeline).

Des activistes de Greenpeace Luxembourg ont placé deux panneaux d’avertissement de grandeur humaine avec le message “Attention – Greenwash” à l’entrée principale du siège du fonds de pension national luxembourgeois, pour protester contre la poursuite des investissements dans les combustibles fossiles.

Les fonds de pension devraient, au minimum, ne pas nuire aux générations actuelles et à venir. Cela signifie qu’il faut cesser de financer les entreprises et les projets liés aux combustibles fossiles, à l’origine de violations des droits humains et de la pollution de l’environnement. Imaginez si toute cette puissance financière était investie dans les énergies durables et dans les solutions climatiques !

Les fonds publics pourraient faire partie de la solution au lieu de financer le problème

Les entreprises publiques, telles que les fonds de pension souverains, détiennent une responsabilité d’autant plus forte d’agir conformément aux normes internationales et devraient donc siéger parmi les fers de lance de la finance durable. En adoptant des stratégies qui protègent le droit des personnes à vivre dans un environnement sain, elles pourraient mener la transition vers un secteur financier plus responsable et contribuer ainsi aux efforts internationaux de désinvestissement des combustibles fossiles.

La pression publique a permis de prendre des mesures qui vont dans la bonne direction. En 2015, par exemple, l’un des deux fonds souverains de la Norvège, le Government Pension Fund-Global, retire ses investissements dans le charbon en fonction des critères strictes en matière de désinvestissement. En 2019, ce même fonds a annoncé qu’il cesserait de financer les entreprises qui recherchent de nouveaux gisement de gaz et de pétrole. Ces décisions successives de désinvestissements ont mené à l’exclusion de 88 entreprises climaticides de l’univers d’investissement de GPFG. En 2020, la caisse de retraite néerlandaise pour les fonctionnaires et les salarié·es de l’éducation (ABP) a annoncé mettre un terme aux investissements dans les combustibles fossiles et vendre ses participations dans les entreprises du secteur. Enfin, en février 2024, toujours aux Pays-Bas, c’est le fonds de pension pour les travailleurs du domaine de la santé (PFZW) qui a vendu la plupart de ses actifs dans le gaz, le charbon et le pétrole. Parmi les multinationales exclues par ces deux fonds, on retrouve des majors du carbone tels que Shell, TotalEnergies et BP.

Malheureusement, il n’existe à l’heure actuelle aucune règle au niveau international qui obligerait les entreprises publiques, telles que les fonds de pension, à investir de manière responsable et conformément aux normes internationales en matière de climat et de protection des droits humains. Il reste donc difficile d’engager leur responsabilité pour les dommages qu’elles causent à la société et à l’environnement. Pourtant, il existe des possibilités d’action. Les lignes directrices de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour une conduite responsable des entreprises proposent un mécanisme qui permet de mettre en cause les fonds de pension devant une autorité indépendante. Étonnamment, à l’heure où sont rédigées ces lignes, cet outil n’a été utilisé que dans quatre pays pour remettre en question les pratiques des fonds de pension : la Norvège et les Pays-Bas (parmi les plus grands au monde), la Corée ainsi que le Luxembourg.

Le fonds de pension luxembourgeois est le dernier en date à voir ses investissements dans les combustibles fossiles placés sous le feu des projecteurs de l’OCDE. L’affaire portée par les militantes et militants pour la justice climatique pourrait contribuer à préciser la responsabilité des fonds de pension en matière de protection de la société et de l’environnement, non seulement au Luxembourg, mais aussi dans le monde entier. 

Le fonds de pension luxembourgeois alimente la crise climatique

Une recherche conduite par Greenpeace Luxembourg montre qu’en 2022, le fonds de pension national, le Fonds de Compensation (FDC), a investi dans pas moins de 558 entreprises déjà exclues par d’autres investisseurs institutionnels, y compris des caisses de retraite, en raison de leur contribution à la crise climatique. À l’heure actuelle, le FDC n’exclut aucune entreprise pour des raisons climatiques.

Les cotisations à la sécurité sociale, que payent les employé·es du secteur privé au Luxembourg, sont donc investies dans des entreprises, dont les principales majors carbones, qui détruisent l’avenir de la planète.

A l’approche des élections législatives, les activistes de Greenpeace Luxembourg manifestent devant le siège du fonds de pension souverain luxembourgeois pour dénoncer son “Greenwashing” et exiger une réorientation de ses investissements douteux.

Au total, le fonds de pension luxembourgeois a investi dans plus de 1 200 entreprises exclues par d’autres investisseurs, en raison de leur contribution au réchauffement climatique ou bien de leur implication dans des dommages environnementaux, des violations des droits humains et/ou dans la fabrication des armes controversées, telles que les mines antipersonnelles ou les armes nucléaires. 

Depuis 2015, Greenpeace Luxembourg et les organisations alliées n’ont eu de cesse de plaider en faveur d’une stratégie d’investissement ambitieuse et durable pour le fonds de pension, qui serait alignée sur les normes internationales en matière de climat et de droits humains, afin de garantir la sécurité et le bien-être des retraité·es actuels et futurs. Leurs recommandations sont toutefois restées lettre morte pour la plupart. 

Comment les fonds de pension peuvent-ils évoluer vers un comportement plus responsable ?

Afin de renouer le dialogue, Greenpeace Luxembourg a récemment déposé une plainte contre le FDC auprès du Point de contact national (PCN) de l’OCDE pour une conduite responsable des entreprises. Le PCN sert de mécanisme de réclamation extra-judiciaire et permet un espace de discussion en facilitant la médiation entre les deux parties.

La plainte allègue que les activités d’investissement du fonds de pension sont contraires aux principes directeurs de l’OCDE pour une conduite responsable des entreprises, qui reflètent les attentes gouvernementales en la matière.

Ces principes couvrent l’ensemble des domaines clés de la responsabilité des entreprises, notamment les droits humains et du travail, l’environnement, la lutte contre la corruption et la protection des intérêts des consommateurs et consommatrices, ainsi que la divulgation d’informations, la science et la technologie, la concurrence et la fiscalité.  En tant que fonds de pension national, alimenté par les contributions financières des citoyen·nes, le FDC doit agir de manière à respecter les normes internationales en matière de climat et de droits humains. 

Greenpeace Luxembourg demande que le fonds respecte les recommandations des lignes directrices de l’OCDE dans sa stratégie d’investissement et ses pratiques et qu’il fasse des choix d’investissement qui protègent et préservent notre avenir collectif face à la crise climatique croissante.

Si le Point de contact national accepte la plainte, la procédure pourrait contribuer à clarifier la responsabilité des fonds de pension en matière de protection de la société et de l’environnement, non seulement au Luxembourg mais dans le monde entier.

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