Sept jeunes à la tête de l’affaire Mathur et al. c. Ontario, un procès historique mené par des jeunes sur le climat qui revient devant la Cour d’appel de l’Ontario le 15 janvier 2024. Photo de Tilly Nelson, conception du décor par Kendra Martyn & Kira Evenson.

Partout dans le monde, les jeunes se mobilisent pour inciter leurs gouvernements à agir sur les changements climatiques afin d’assurer leur avenir et celui des générations futures. Cette lutte a gagné les rues et les salles d’audience dans le cadre d’un nombre croissant d’affaires juridiques liées au climat. Ce type particulier de litiges climatiques menés par des jeunes qui réclament de meilleures lois sur le climat a attiré l’attention du public, car les procès menés par la jeunesse gagnent en ampleur – et se soldent par des victoires!

Selon les Nations Unies, environ 34 actions en justice (et ce n’est pas fini!) ont été intentées par ou au nom d’enfants et de jeunes de moins de 25 ans dans des pays comme l’Autriche, l’Indonésie, le Brésil, l’Équateur, l’Australie, l’Allemagne, le Portugal, la Colombie, l’Inde et le Pakistan. Ces affaires sont prises au sérieux car elles ne mènent pas à des déclarations vides de sens de la part des tribunaux, mais à des décisions qui obligent les gouvernements concernés à prendre des mesures concrètes pour lutter contre les changements climatiques au lieu de se cacher derrière des discours creux et des politiques inefficaces.

En 2018, année où le Canada a connu un nombre record d’incendies de forêt, le gouvernement de l’Ontario a annulé la législation provinciale sur le climat et l’a remplacée par des objectifs beaucoup moins ambitieux pour 2030 (que Greenpeace Canada a contestés dans le cadre de notre propre action en justice). Ces cibles moindres permettent d’émettre davantage de gaz à effet de serre, ce qui renforce les conséquences liées aux changements climatiques comme les vagues de chaleur, les maladies infectieuses, les inondations et, bien entendu, les incendies de forêt. L’année suivante, un groupe de sept jeunes personnes courageuses ont intenté une action en justice particulièrement audacieuse. Cette dernière visait à contester ces changements législatifs en faisant valoir qu’ils nuiraient à la santé des jeunes et des générations futures, enfreignant ainsi la Charte des droits et libertés du Canada. Bien que l’affaire ait été initialement rejetée, c’était la première fois dans l’histoire du Canada qu’un tribunal reconnaissait que les changements climatiques étaient susceptibles de porter atteinte aux droits garantis par la Charte. La décision de la Cour comprenait une critique cinglante des objectifs climatiques faibles et dangereux de l’Ontario, et affirmait que les tribunaux peuvent intervenir sur de telles questions de législation climatique. Jamais auparavant un tribunal n’avait établi un tel parallèle entre les droits fondés sur la justice climatique et les droits constitutionnels au Canada. Depuis, un autre tribunal canadien lui a emboîté le pas. Dans l’affaire historique La Rose, la Cour d’appel fédérale a également reconnu ces droits, ouvrant une fois de plus la porte à 15 jeunes qui poursuivent le gouvernement fédéral en raison de son incapacité à lutter de manière adéquate contre les changements climatiques.

Le 15 janvier 2024, la Cour d’appel de l’Ontario entendra l’affaire Mathur et al. c. Ontario. Greenpeace Canada soutient cette action en justice en agissant en tant qu’intervenant avec Urgenda/Climate Litigation Network (CLN) et de nombreuses organisations de la société civile, qui soumettent d’importantes observations à la Cour afin de permettre une meilleure compréhension de ce domaine juridique complexe et en pleine évolution. Notre intervention vise à établir si les efforts gouvernementaux de réduction des émissions entrent dans le cadre de ce qu’un tribunal est autorisé à déterminer. Nous ferons valoir que les tribunaux devraient être autorisés à déterminer si les gouvernements font leur juste part pour réduire les émissions. La mise en place d’un mécanisme de contrôle judiciaire pour évaluer la responsabilité des gouvernements peut préparer le terrain en vue de responsabiliser les entreprises de combustibles fossiles. Si les tribunaux obligent les gouvernements à fixer des objectifs plus ambitieux en matière de réduction des émissions, à adopter des lois climatiques plus strictes ou à éliminer complètement les émissions, la pression exercée sur les entreprises fossiles pour qu’elles contribuent aux efforts mondiaux de lutte contre les changements climatiques sera accrue, favorisant ainsi leur pleine participation leur pleine participation à une transition rapide, équitable et juste. Si la Cour d’appel estime que les droits constitutionnels des requérant·es ont été bafoués, cela pourrait conduire à l’annulation de la législation inadéquate de l’Ontario et à l’élaboration d’une nouvelle loi climatique plus stricte par la province.

Il devient presque indéniable que les tribunaux statueront que l’incapacité des gouvernements à réduire et à éliminer progressivement les émissions de combustibles fossiles constitue une atteinte aux droits de la personne, et qu’il leur sera désormais impossible d’ignorer leurs obligations. La science est sans équivoque et les voix des générations futures sont sans compromis. Les gouvernements ne devraient pas attendre d’être visés par des procès pour protéger notre avenir collectif. Mais s’ils n’agissent pas, la détermination de nos jeunes et ce type d’affaires de plus en plus fréquentes garantiront qu’ils devront rendre des comptes.