Quelques heures seulement avant le coup d’envoi de la 28e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP28), je me suis retrouvée devant le bureau du ministre de l’Environnement Steven Guilbeault. Le fond de l’air était frais et saisissant : un contraste flagrant avec les semaines enfumées de l’été, marquées par des feux de forêt record. Je me souviens vivement de ces jours chauds d’été quand Montréal figurait parmi les villes les plus polluées. Je vérifiais régulièrement les alertes de smog avant de sortir au parc avec mes enfants. Cette réalité, lourde de sens, me rappelait que pour de nombreuses personnes à travers le monde, vivre au quotidien avec les effets dévastateurs de la crise climatique sur leur santé est souvent la norme. Parfois même, c’est bien pire.

Ce sont justement ces images dévastatrices des incendies, inondations et sécheresses que j’avais en tête alors que je me joignais à d’autres activistes de Greenpeace devant le bureau du ministre canadien de l’Environnement pour transmettre notre message, fort et clair : Faites payer les pollueurs.

À la COP 28, il sera crucial pour les chefs d’État de s’attaquer à l’une des causes principales de la crise climatique : les énergies fossiles. La présence du ministre Guilbeault au sommet signifie qu’il est temps pour le Canada de montrer l’exemple en matière de leadership climatique et de défendre des mesures ambitieuses pour demander des comptes à l’industrie fossile.

Mais que veut-on réellement dire par « faire payer les pollueurs » ?

Les entreprises de combustibles fossiles, qui ont bâti leurs richesses en alimentant la crise climatique, doivent maintenant contribuer à aider les personnes qui subissent déjà ses impacts. C’est dans cet esprit que le Canada, lors de la COP28, doit prendre l’initiative de proposer une taxe à l’industrie pétrolière canadienne des combustibles fossiles pour les dommages climatiques. Cette mesure obligerait l’industrie canadienne des combustibles fossiles à contribuer de manière significative au fonds des Nations Unies pour les pertes et dommages. Cette démarche dépasse la simple idée de compensation : il s’agit de demander des comptes à ces entreprises pour des années de destruction environnementale. Le principe est simple et juste : qui casse, paie. Le défi n’est pas l’absence de fonds, mais plutôt l’absence d’une action gouvernementale déterminée à faire payer l’industrie fossile et les autres grands pollueurs.

Joignez votre voix à la nôtre pour demander des comptes aux grands pollueurs qui ont alimenté la crise climatique.

Dans un monde où le climat change à une vitesse alarmante, causant des pertes et des dommages sans précédent, l’industrie des combustibles fossiles, elle, enregistre des profits record. Les inondations au Pakistan de l’an dernier ont engendré des pertes estimées à plus de 40 milliards de dollars canadiens, avec des besoins de reconstruction de plus de 20 milliards, selon la Banque mondiale. Parallèlement, en 2022, les bénéfices cumulés des cinq plus grandes entreprises pétrolières et gazières canadiennes ont atteint 38,3 milliards de dollars canadiens. Dans cette ère où l’industrie fossile connaît une prospérité sans précédent, ceux qui sont en première ligne des impacts climatiques vivent des conséquences dévastatrices, se préparant pour des jours encore plus sombres.

Avec cette édition de la COP28 se tenant à Dubaï et présidée par un haut dirigeant du secteur pétrolier, maintenant plus que jamais, tous les regards sont tournés vers l’éléphant fossile dans la pièce, se demandant notamment comment il sera tenu responsable.

C’est le moment de vérité : la COP28 doit être un tournant.

Les politiciens doivent reconnaître que pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement à 1,5°C, il est nécessaire de mettre fin à l’utilisation et à l’expansion des plus grands destructeurs du climat : le pétrole, le gaz et le charbon. Pourtant, actuellement, le gouvernement canadien continue d’augmenter sa production, se classant comme le quatrième plus grand producteur de pétrole et de gaz dans le monde en 2022, et en voie de devenir le deuxième plus grand développeur de nouvelles extractions de pétrole et de gaz de 2023 à 2050. Pour atténuer cette crise, nous avons besoin d’une prise de conscience qui force les pollueurs des combustibles fossiles à non seulement arrêter de forer, mais aussi à commencer à payer pour réparer la crise qu’ils ont causée.

La crise climatique ne sera jamais résolue lors d’une seule réunion. Mais chaque réunion de l’ONU a le potentiel de faire avancer les solutions clés dont le monde a si désespérément besoin – à la fois au niveau mondial et national. Les résultats de la COP peuvent fournir des outils puissants et envoyer des signaux au monde entier, notamment grâce à leurs poids pour les législateurs, les tribunaux, l’opinion publique, les entreprises et les investisseurs dans le monde entier. 

Dès le début, la présence de la société civile mondiale a été primordiale pour pousser de véritables solutions, exposer le greenwashing politique et corporatif et mettre la pression sur les gouvernements qui ne respectent pas leurs engagements.

Si nous nous unissons, nous pouvons apporter un véritable changement lors de ces réunions. Vous pouvez faire votre part en disant au Canada que nous devons sortir des combustibles fossiles et que les pollueurs doivent payer pour les dommages qu’ils ont causés, en particulier aux communautés vulnérables gravement affectées par la crise climatique.