L’horizon de Montréal est photographié depuis le parc Jean Drapeau avec la fumée causée par les incendies de forêt, à Montréal, Québec, le 25 juin 2023. Montréal avait la pire qualité d’air au monde selon IQ Air. (Photo par Anne-Sophie THILL / AFP) (Photo par ANNE-SOPHIE THILL/AFP via Getty Images).

La version originale de ce texte a été publiée en exclusivité dans La Presse.

Encore cette lumière orange qui éclaire ma cours arrière typiquement Montréalaise, et cette odeur qui me rappelle les feux de camp que l’on fait l’été, avec des ami·es, durant une belle fin de semaine de camping. Sauf que l’odeur de feu de camp, elle me noue maintenant le ventre. Le feu de camp, c’est le Québec. Aujourd’hui encore, c’est le Québec qui brûle, de la Côte-Nord à la Mauricie, en passant par l’Abitibi et le Saguenay. Ce sont les flammes qui consument des hectares de bois et qui n’épargnent rien sur leur passage. Ni cette faune que j’aime tant observer quand je pars camper, ni les communautés qui doivent évacuer leur foyer laissant tout derrière elles, et que j’imagine le cœur lourd et le dos courbé par l’incertitude des jours à venir. Pour plusieurs d’entre nous, la crise climatique frappe à nos portes. C’est effrayant mais c’est notre réalité.

Moi, alors que je peux vivre relativement tranquillement mon éco-anxiété dans le confort de mon appartement, en fermant les fenêtres et en comparant en ligne le prix des purificateurs d’air sur un fond de musique classique “ambiance fin du monde chill”, je pense à toutes ces personnes pour qui la solution ne peut se résumer à simplement fermer les fenêtres. Je pense aux changements climatiques, au manque d’action des personnes qui détiennent du pouvoir, et à ce que l’on peut faire, collectivement, pour transformer son éco anxiété en actions qui auront un impact. 

“Météo qui ne collabore pas”, mentionne un sous-titre d’article. Peut-on aussi adresser l’éléphant au milieu de la pièce? Cette fumée est un miroir duquel on ne peut détourner le regard et qui nous oblige à regarder la réalité en face: “Humain qui ne collabore pas”, aurait été un sous-titre tout aussi légitime. Et par humain, je pointe précisément du doigt les personnes responsables des grandes orientations politiques, économiques ou sociales de ce pays. 

Je pense à Justin Trudeau et au gouvernement fédéral, qui continuent de soutenir lourdement les combustibles fossiles, principal moteur des changements climatiques selon les scientifiques et autres expert·es. 

La réalité et que nous, citoyen·nes, pouvons faire quelque chose. 

Je pense aussi au gouvernement de François Legault, qui n’est jusque-là pas enclin à organiser un BAPE pour tenir un vrai débat sur l’avenir énergétique du Québec. Je pense aussi à Dave McKay, PDG de RBC, la banque qui a financé le plus les énergies fossiles mondialement en 2022. 

L’équation au cœur de la crise climatique est la suivante : énergies fossiles = changements climatiques et non respect des droits des peuples autochtones = augmentation et aggravation des événements climatiques extrêmes (tels que les feux de forêts ou les inondations). 

Bien calfeutrée dans mon appartement rendu trop chaud, je m’inquiète aussi des impacts de cette crise sur la santé. Bien que les feux de forêt et la fumée représentent un risque pour la santé de la population dans son ensemble, ils ont un impact disproportionné sur les communautés autochtones et rurales, sur les personnes noires et racisées, LGBTQIA2S+, ou marginalisées. 

Passer à l’action, ça fait du bien. Et parfois même, ça change les choses. L’année passée, une activité festive devant l’Assemblée générale annuelle de la Banque Scotia a contribué à la fin du partenariat entre la banque et le plus puissant lobby d’énergies fossiles au Canada. En décembre, la mobilisation de personnes venues du monde entier pour la COP15 à Montréal a mené à l’Accord de Kunming-Montréal, dressant la table pour une réelle protection de la nature et pour la reconnaissance du rôle des territoires autochtones et traditionnels dans la réalisation de cet objectif. 

L’éclaircie, la vraie, elle viendra parce que nous l’aurons engendrée, réclamée collectivement. Ensemble, nous pouvons exiger des personnes qui détiennent un certain pouvoir, au sein par exemple des gouvernements ou des banques, qu’elles cessent de financer les énergies fossiles et investissent plus largement dans des solutions énergétiques durables et pilotées par les communautés. 

Les solutions pour lutter contre les changements climatiques et mettre en œuvre des mesures adéquates d’atténuation et d’adaptation pour les communautés confrontées à ces incendies existent. Que ce soit dans la nature, dans les savoirs et les modes de gouvernance autochtones, ou dans les connaissances générées par la société civile et scientifique, les solutions sont là et n’attendent qu’à être financées (ou définancées dans le cas des énergies fossiles) — et mises en place. Il est plus que temps pour les gouvernements fédéral et provincial de se regarder dans ce miroir de fumée et de passer à l’acte pour protéger la biodiversité, le climat, et les communautés.

Rainbow Warrior Open Boat in Melbourne
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