Il existe enfin un soutien interpartis pour que le gouvernement fédéral empêche les banquiers de jeter de l’huile sur le feu et d’alimenter davantage la crise climatique (parce que les banquiers ne vont pas le faire par pure bonté d’âme). 

Le député libéral Ryan Turnball, avec le soutien des députés néo-démocrates, bloquistes et verts, a présenté aujourd’hui une nouvelle motion demandant au gouvernement fédéral «d’utiliser tous les outils législatifs et réglementaires à sa disposition pour aligner le système financier du Canada sur l’Accord de Paris conclu par la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques [COP].»


Cette mesure pourrait avoir des répercussions importantes à l’échelle mondiale, car les banques canadiennes sont des contributeurs hors pair à la crise climatique mondiale. Selon le dernier rapport Banking on Climate Chaos, RBC a été le principal financier du charbon, du pétrole et du gaz dans le monde l’année dernière, tandis que la Banque Scotia, la TD, la BMO et la CIBC se sont toutes classées parmi les 15 premières. Collectivement, elles ont fourni plus de 1 000 milliards de dollars canadiens aux entreprises de combustibles fossiles depuis la signature de l’Accord de Paris sur le climat.

    

Les activistes de Greenpeace Canada ont bloqué les entrées du siège social de RBC à Toronto dans le cadre d’un appel lancé aux cinq grandes banques canadiennes pour qu’elles cessent de financer les combustibles fossiles et qu’elles respectent les droits des peuples autochtones. Pourtant, les grandes banques canadiennes sont toujours parmi les plus grands bailleurs de fonds des combustibles fossiles dans le monde, alimentant ainsi la crise climatique, détruisant la biodiversité et bafouant les droits des peuples autochtones.

Malgré ce rôle surdimensionné dans l’alimentation de la crise climatique, ou peut-être en raison des profits qu’il procure à notre industrie bancaire très concentrée et politiquement puissante, le bureau du vérificateur général du Canada a constaté que le Canada est à la traîne par rapport à ses pairs mondiaux en ce qui concerne la réglementation du secteur financier en matière de changement climatique. Cette constatation a été reprise par une étude des Nations unies, qui a conclu que le Canada est «une juridiction à faible réglementation» qui s’appuie sur des mesures volontaires pour aligner les investissements des entreprises sur des actions responsables en matière de climat. 

Cette situation pourrait commencer à changer. Les régulateurs bancaires canadiens font partie du réseau mondial des banques centrales qui réévaluent leur rôle dans la crise climatique. La Banque du Canada prépare des scénarios normalisés que les institutions financières pourront utiliser pour évaluer les risques liés au climat et a divulgué sa propre exposition aux risques liés au climat.  En mars 2023, l’organisme fédéral de réglementation bancaire (le Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF) a publié de nouvelles lignes directrices relatives à la gestion des risques liés au climat.

Cependant, ces lignes directrices visent à rendre les banques plus résistantes aux perturbations liées au climat et ignorent le rôle que jouent les banques dans l’alimentation de la crise climatique. Interrogé sur ce dernier point par le commissaire fédéral à l’environnement et au développement durable (qui fait partie du bureau du vérificateur général), le BSIF a déclaré qu’il ne pensait pas que son mandat législatif lui permettait d’aborder le rôle des banques dans le changement climatique, mais seulement de veiller à ce que les marchés financiers puissent continuer à fonctionner normalement lorsque des risques financiers importants liés au climat surviennent.

Le commissaire n’est pas d’accord avec le BSIF: «Bien que le mandat du BSIF n’ait pas changé, le paysage juridique canadien a changé, en particulier en ce qui concerne les objectifs du Canada en matière d’environnement et de développement durable». Selon lui, ce nouveau paysage juridique exige que le BSIF soutienne la transition des industries à forte intensité de carbone, telles que le pétrole et le gaz, car une économie à faible intensité de carbone soutiendrait en fin de compte la stabilité financière à long terme.

La motion présentée par le député Turnbull, et soutenue par les trois autres partis, pourrait constituer une étape importante pour dissiper cette confusion. Il ne s’agit toutefois pas de la première étape, car on a déjà beaucoup réfléchi à la manière d’aligner le financement privé sur nos objectifs en matière de climat.

La sénatrice Rosa Galvez a présenté un projet de loi d’initiative parlementaire, le Climate Aligned Finance Act, qui fait de l’alignement sur le climat une obligation prioritaire pour les régulateurs et intègre des mesures visant à imposer aux institutions financières des objectifs fondés sur des données scientifiques, dans le but d’assurer une plus grande résilience climatique dans l’ensemble de notre écosystème financier.  

Parallèlement, des groupes de défense de l’environnement et d’investisseurs ont rédigé une feuille de route pour un système financier durable au Canada. Le pilier central de cette feuille de route est l’obligation pour les institutions financières, les entités fédérales et les entreprises d’adopter un plan climatique crédible qui formalise, normalise et étend les engagements que de nombreuses institutions financières canadiennes ont déjà pris dans le cadre d’initiatives volontaires.

Le fait que le financement des combustibles fossiles par les banques canadiennes soit plus élevé aujourd’hui qu’il ne l’était lors de l’entrée en vigueur de l’Accord de Paris sur le climat est un signe clair que nous ne pouvons pas compter sur les banquiers pour faire ce qu’il faut de manière volontaire. Il existe désormais un soutien multipartite en faveur d’une action fédérale visant à obliger les banques à aligner leurs prêts et leurs investissements sur un avenir sans danger pour le climat, alors faisons en sorte que cela se produise.

Plus d’informations à ce sujet prochainement…