Preserved Forest Area in the Realidade District.
Preserved Forest Area in the Realidade District, Humaitá, Amazonas © Greenpeace Brasil

Depuis une semaine, des négociations de haut niveau se déroulent à Sharm El-Sheikh, en Egypte afin d’obtenir un engagement significatif en faveur du climat et faire en sorte que les pays déjà touchés par la crise climatique obtiennent les financements et l’aide auxquels ils ont droit.

La deuxième semaine de la COP 27 est déjà entamée et un sujet clé est sur le point d’être abordé lors de la «Journée biodiversité»: les liens entre le changement climatique et la perte de biodiversité. Bien qu’elles soient profondément liées, ces deux urgences sont généralement abordées séparément, et les traiter en vase clos est une occasion manquée d’adopter une approche holistique de notre crise planétaire.

Voici cinq raisons pour lesquelles nous devons regrouper la lutte pour la protection du climat et de la biodiversité :

1. Le changement climatique est un facteur clé de la perte de biodiversité 

En raison de l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère depuis le milieu du 19e siècle, la planète s’est déjà réchauffée de +1,2°C en moyenne. Cela se traduit par des phénomènes météorologiques plus extrêmes, tant sur terre qu’en mer, avec des effets néfastes sur la nature. Selon le dernier rapport du GIEC, la modification du régime des précipitations due au réchauffement climatique fait qu’un quart des paysages naturels de la planète sont désormais « confrontés à des saisons d’incendie plus longues ». La chaleur extrême des océans entraîne le blanchiment des coraux à une échelle inquiétante. Depuis 1998, la Grande Barrière de corail en Australie, la plus grande du monde, a connu six épisodes de blanchissement massif, le dernier en date s’étant produit cette année et ayant touché 91 % du récif.

Pire encore, un récent rapport des Nations Unies sur les émissions a révélé que nous sommes sur la voie d’un réchauffement de +2,8°C, avec des conséquences de plus en plus graves et imprévisibles pour les humains et la planète. Au-delà de cela, les points chauds de la biodiversité sont déjà très menacés. En 2019, l’IPBES (l’homologue du GIEC pour la biodiversité) a révélé qu’un million d’espèces sont actuellement menacées d’extinction dans le monde – le chiffre le plus élevé de l’histoire humaine. Un réchauffement de la planète va certainement mettre la faune et les écosystèmes en péril.

En bref, le changement climatique agit comme un multiplicateur de menace pour la perte de biodiversité, et les recherches indiquent qu’il pourrait devenir la plus grande pression sur la biodiversité d’ici 2070.

2. La perte de biodiversité aggrave les effets des changements climatiques

Le lien entre la biodiversité et les changements climatiques est bidirectionnel car tandis que la crise climatique entraîne la dégradation de la biodiversité terrestre et marine, la perte de biodiversité aggrave les effets de la crise climatique. Inversement, protéger la biodiversité contribue aux mesures d’atténuation des changements climatiques. Cela démontre que la protection et la restauration des écosystèmes sont des moyens d’atténuer la crise climatique. 

Tout d’abord, la biodiversité est un élément crucial de la séquestration du carbone. Ainsi, des sols et des tourbières en santé, des écosystèmes marins riches et des forêts diversifiés permettent un meilleur stockage du carbone. Ces écosystèmes jouent aussi un rôle crucial dans l’absorption de la chaleur, contribuant ainsi à atténuer les bouleversements climatiques.

Mais le rôle des écosystèmes sains ne s’arrête pas là puisqu’ils améliorent aussi la capacité de résistance aux catastrophes naturelles. Ainsi, les récifs de coraux et les mangroves protègent les littoraux face aux événements extrêmes en milieu marin, tandis que les superficies boisées assurent une protection contre les glissements de terrain en milieu terrestre.

La protection de la biodiversité doit donc être centrale face à la crise climatique.

3. Les deux crises ont des causes communes

Le système colonial extractiviste, qui libère des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, est le même que celui qui entraîne la destruction des écosystèmes, avec des conséquences néfastes sur les droits et les moyens de subsistance des populations. 

L’exploitation du pétrole, par exemple, est ancrée dans un héritage d’appropriation de terres, de déplacements forcés, d’atteintes aux droits des peuples autochtones et de violations des droits humains. De même, l’agriculture industrielle, qui est l’un des principaux facteurs du recul de la nature, s’est considérablement développée en raison de l’accaparement des terres au niveau mondial – en d’autres termes, en dépossédant les communautés autochtones et rurales de leurs terres pour faire place aux monocultures et à l’élevage. 

Non seulement ces industries violent les droits humains et les droits des peuples autochtones, mais elles accélèrent simultanément le changement climatique et la destruction de la nature. Les projets de combustibles fossiles, qui représentent la grande majorité des émissions anthropiques de CO2, dégradent les habitats naturels et contaminent le sol, l’air et l’eau. La déforestation à grande échelle – le deuxième facteur d’émission de CO2 – nuit aux écosystèmes et menace la survie des espèces. 

Les crises climatique et de la biodiversité ont des moteurs communs qui ont contribué à l’accumulation de profits et de richesses dans le Nord, dans un système qui repose sur l’exploitation des terres et du travail dans de nombreux endroits du Sud. Pour les combattre, il faut donc placer la justice au centre de nos actions.

4. Une approche holistique est essentielle

Actuellement, les changements climatiques et la biodiversité sont discutés à des tables séparées dans les négociations internationales. Pourtant, les scientifiques soulignent la nécessité de reconnaître les synergies entre les deux crises afin de les résoudre. 

S’attaquer ensemble aux changements climatiques et à la perte de biodiversité signifie que nous devons traiter leurs causes profondes. Le colonialisme a longtemps joué un rôle dans la destruction de la nature et l’exacerbation des effets du changement climatique. Un exemple nous ramène aux feux de brousse destructeurs de 2019-2020 qui ont ravagé les communautés rurales et les écosystèmes de l’Australie. Ces incendies ont été non seulement intensifiés par la crise climatique, mais aussi amplifiés par le « déplacement colonial des peuples aborigènes » qui a perturbé les pratiques traditionnelles de gestion des terres.  

L’adoption d’une optique de justice climatique permettra de nous attaquer au colonialisme, une cause profondes de ces deux crises et d’élaborer des mesures d’atténuation holistiques axées sur les droits humains, la souveraineté autochtone et le leadership des communautés locales. 

5. La justice est essentielle pour faire face à ces crises planétaires

Sur une période de deux mois, la COP 27 sur les changements climatiques et la COP 15 pour la biodiversité souligneront l’urgence d’agir pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et protéger et restaurer les écosystèmes. Comme nous l’avons souligné, pour réussir à faire face à ces multiples urgences, nous devons les aborder ensemble. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une approche unificatrice et systémique qui relie de manière bidirectionnelle la conservation de la biodiversité à la justice climatique.

Lors de la COP 27, les gouvernements doivent reconnaître le rôle essentiel de la nature dans l’atténuation des effets des changements climatiques mais aussi réaffirmer que la préservation de la nature n’est pas un substitut à l’élimination des combustibles fossiles. Iels doivent aussi se rappeler que nous faisons nous-mêmes partie de la nature, à travers nos liens culturels et spirituels, et nos relations avec la faune et la flore.

La protection de la nature et la lutte contre le changement climatique doivent aller de pair. C’est la seule façon de parvenir à la justice climatique.