(Le blog ci-dessous contient les réflexions personnelles d’un membre du personnel de Greenpeace sur la Journée internationale de la démocratie)

Le 15 septembre marque la Journée internationale de la démocratie. Une occasion de réfléchir à ce à quoi une véritable démocratie devrait ressembler par rapport à la démocratie telle qu’elle est vécue au Canada. C’est aussi une occasion d’évaluer comment les principes qui régissent notre démocratie, ou leur absence, affectent notre chère planète.

Mais pouvons-nous vraiment dire que nous profitons de cette occasion pour réfléchir à ces questions ?

Comme de nombreuses « journées internationales » sur commande, la Journée internationale de la démocratie n’est devenue qu’une date supplémentaire au calendrier destinée à nous rassurer sur notre laxisme à l’égard du concept même de démocratie. Le dictionnaire Merriam-Webster définit la démocratie comme « un gouvernement dans lequel le pouvoir suprême appartient au peuple et est exercé par lui directement ou indirectement au moyen d’un système de représentation impliquant généralement des élections libres organisées périodiquement. » Si l’on s’en tient à cette définition, peut-on vraiment dire que nous vivons dans un monde démocratique ?

Bon, d’accord. Le « monde » est un peu dramatique. Revenons au niveau national. De nombreux Canadiens et Canadiennes diraient en toute bonne foi que le Canada est une démocratie florissante et pourraient même aller jusqu’à dire que cela a toujours été le cas. Ils pourraient le dire et le penser véritablement, mais la vérité de chacun ne se conjugue pas toujours avec les faits.

Alors que vivre dans une nation démocratique autoproclamée semble être une réalité fantastique, la réalité est qu’il y a une pléthore de questions fondamentales auxquelles le système démocratique canadien est confronté et qui méritent d’être évaluées.

Si vous vous demandez par où commencer cette évaluation, rien de plus simple. Il suffit de commencer par le début. Selon les livres d’histoire écrits par les colonisateurs, ce début correspond à l’arrivée des premiers colons (puisque tout le monde sait qu’il ne s’est rien passé avant cela, n’est-ce pas ?)

L’avènement du système colonial qui a opprimé, et continue à bien des égards d’opprimer, les peuples autochtones est la genèse des problèmes démocratiques fondamentaux du Canada. Depuis des générations, les peuples autochtones sont systématiquement opprimés sur leurs propres terres ancestrales. Ironiquement, ces pratiques d’oppression ont commencé dès le début des pratiques démocratiques au Canada et se poursuivent encore aujourd’hui.

L’un des principaux instruments utilisés par le gouvernement canadien pour opprimer les peuples autochtones, sous couvert de démocratie, est la politique publique. Ce sont les  politiques publiques canadiennes qui sont à l’origine des événements historiques traumatisants, tels que le déplacement forcé des communautés métisses du sud vers le nord, la rafle des années soixante, la création du système des pensionnats, les politiques de relocalisation des Métis hors de la Rivière Rouge, et d’autres politiques dont nous pouvons tous convenir, avec le recul, qu’elles n’auraient jamais dû être pensées et encore moins mises en pratique. Bien que, ces dernières années, le gouvernement ait tenté à plusieurs reprises de s’excuser pour ces événements, la triste réalité est que l’histoire peut encore se répéter, compte tenu de la façon dont le système démocratique canadien est encore organisé.
Comment ? C’est simple. L’oppression des peuples autochtones sur leurs propres terres a toujours eu un coût. Ces dernières années, le prix à payer a été de permettre aux sociétés transnationales de tirer profit de l’exploitation de ces terres autochtones et, par conséquent, du monde naturel. Ce qui est encore plus tragique, c’est que lorsque ce comportement est dénoncé, il n’en résulte que la silenciation ou la répression des voix dissidentes.

Qu’est-ce que cela a à voir avec l’environnement, pourrait-on se demander ? En fait, beaucoup de choses !

Contrairement aux peuples colonisateurs, les peuples autochtones vivent depuis des siècles dans le respect de la nature qui les entoure. Leur capacité à vivre de la terre, avec les restrictions qu’ils s’imposent, et à gérer les ressources de manière appropriée explique pourquoi les territoires traditionnels autochtones représentent environ 80 % de la biodiversité mondiale.

Comme on peut l’imaginer, les politiques publiques canadiennes n’ont pas vraiment été attentives ni respectueuses de ces pratiques. En fait, les mesures prises par les peuples autochtones pour protéger la biodiversité, gérer les forêts et assurer la soutenabilité de l’agriculture n’ont pas toujours été en phase avec les intérêts capitalistes et la vigilance de la démocratie eurocentrique.

La silenciation historique et continue des peuples autochtones au Canada, malgré les valeurs que ce pays prétend défendre, est véritablement contraire aux piliers fondamentaux de la démocratie. Il appartient donc à toutes celles et ceux qui se sentent vraiment concerné·es par cette injustice de défendre les voix marginalisées.

Dans un récent rapport de Greenpeace Canada, intitulé « Protéger la nature, Protéger la vie », nous demandions l’adoption d’une loi fédérale sur la nature et la biodiversité. Certaines des recommandations formulées proposent de jeter les bases d’une démocratie beaucoup plus forte dans laquelle toutes les voix sont entendues et écoutées.  

Une démocratie canadienne forte et saine devrait par exemple être compatible avec le principe du consentement libre, préalable et éclairé (CLPÉ) tel qu’il est exprimé dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). Pour la protection de la biodiversité, par exemple, cela pourrait se traduire par une loi sur la nature et la biodiversité qui reconnaîtrait et autoriserait les droits souverains des peuples autochtones à gérer les zones protégées, à rétablir les espèces en péril ainsi qu’à gérer et et récolter les espèces revêtant une importance culturelle dans les territoires traditionnels.

Le vote est un moyen évident pour notre système démocratique de défendre ces voix marginalisées. Le chemin pour redresser les torts d’une histoire longue et complexe passera inévitablement par la seule activité qui sépare la démocratie des autres formes de gouvernement.

Alors qu’il peut sembler que les options réelles pour des politicien·nes dignes de confiance sont rares, il est important que les citoyen·nes restent les gardiens d’une véritable démocratie et fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour élire des dirigeant·es qui préservent notre démocratie et notre environnement. Comme nous le savons, cependant, le vote seul ne suffira pas.

Il convient de mentionner que tout projet visant à sauver le monde naturel des griffes d’un système gouvernemental oppressif est impossible sans la pression des personnes marginales, vous et moi. Alors que nous célébrons la Journée internationale de la démocratie, n’oubliez pas que si vous refusez d’exercer votre pouvoir, il n’y aura plus de démocratie à célébrer.

Sources:
https://journals.library.ualberta.ca/aps/index.php/aps/article/view/21709
https://redrivernorthheritage.com/first-nations-and-metis-people-of-red-river-settlement/
https://indigenousfoundations.arts.ubc.ca/sixties_scoop/
https://nctr.ca/education/teaching-resources/residential-school-history/