Au cas où vous n’en auriez pas entendu parler, les grandes banques canadiennes continuent de financer la crise climatique. Depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015, les cinq grandes banques ─ RBC, TD, Banque Scotia, BMO et CIBC ─ ont collectivement versé plus de 900 milliards de dollars à l’industrie des combustibles fossiles, et rien ne laisse présager une quelconque interruption de ces financements.

Cette manne financière permet à l’industrie des combustibles fossiles d’être en mesure d’extraire des quantités massives de pétrole, de gaz et de charbon dont la combustion est la principale cause de la crise climatique, une crise qui ne cesse de s’aggraver. Tant que nous n’aurons pas engagé l’élimination progressive des combustibles fossiles et de leur financement, des catastrophes climatiques meurtrières et dévastatrices comme les inondations et les feux de forêt qu’a connu la Colombie-Britannique l’an passé continueront de se produire et d’empirer.

Les inondations en Merritt, Colombie-Britannique en 2021
Les inondations en Merritt, Colombie-Britannique en 2021

Le Canada dispose d’un organisme de réglementation bancaire, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), qui a la capacité et le devoir d’intervenir pour protéger le public contre le surfinancement imprudent et destructeur du secteur des combustibles fossiles par les banques. Mais jusqu’à présent, cette autorité n’a pas réussi à agir et à empêcher les banques de jouer avec le feu.

C’est pourquoi, cette semaine, des activistes de Greenpeace ont rendu visite aux bureaux du BSIF à Toronto afin de livrer un message : « Ne laissez pas les banques ajouter de l’huile sur le feu! ».

Des activistes de Greenpeace livrent un message : « Ne laissez pas les banques ajouter de l'huile sur le feu ! »
Des activistes de Greenpeace livrent un message : « Ne laissez pas les banques ajouter de l’huile sur le feu ! »

Les activistes ont accompagné leur message des fragments carbonisés d’une tasse retrouvés sur le site de Lytton, ce village de Colombie-Britannique ravagé par les flammes durant la vague de chaleur inédite de 2021. L’espoir est que Peter Routledge, le surintendant du BSIF, et d’autres membres de cet organisme, conservent ce souvenir ─ pour ne pas oublier leurs responsabilités envers le public et les terribles préjudices causés par l’exploitation et le financement des combustibles fossiles ─ et que cela les incitera à agir.

Des activistes de Greenpeace livrent des fragments carbonisés d'une tasse retrouvés sur le site de Lytton, ce village de Colombie-Britannique ravagé par les flammes durant la vague de chaleur inédite de 2021
Des activistes de Greenpeace livrent des fragments carbonisés d’une tasse retrouvés sur le site de Lytton, ce village de Colombie-Britannique ravagé par les flammes durant la vague de chaleur inédite de 2021

Il se trouve que le BSIF a récemment présenté une ébauche de lignes directrices liées à la gestion des risques climatiques à l’intention des banques. Mais ces orientations sont sérieusement inadéquates. D’une part, parce que des lignes directrices ne constituent pas des règles contraignantes qui obligeraient les banques à cesser de financer les combustibles fossiles et, d’autre part, parce que bien que ces lignes directrices demandent aux banques d’élaborer des plans climatiques, elles n’exigent pas que ceux-ci soient alignés sur l’objectif de maintien du réchauffement en deça de 1,5˚C ni que les banques prennent des mesures spécifiques pour réduire leur financement de la pollution due aux combustibles fossiles. Ce ne sont pas les seuls défauts que comporte cette ébauche, mais ces lacunes illustrent l’incapacité générale des régulateurs bancaires à intervenir et à contraindre le secteur à cesser de financer la crise climatique.

Que devrait faire le BSIF? Obliger les banques à éliminer progressivement leur financement des combustibles fossiles au rythme nécessaire pour maintenir le réchauffement en deçà de 1,5˚C, et contribuer à ce que les activités de financement des banques soient compatibles avec le respect des droits des peuples autochtones.

Comment devrait-il s’y prendre? Les éléments clés que Greenpeace aimerait voir intégrés à la réglementation climatique du BSIF incluent : 

  • l’obligation de présenter des plans cohérents avec l’objectif de maintien du réchauffement en deçà de 1,5˚C, accompagné d’objectifs intermédiaires sur 5 ans et de pénalités en cas de non-conformité ; 
  • la divulgation obligatoire des risques financiers relatifs aux changements climatiques, alignée sur les orientations de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD), incluant des « tests de résistance » (stress test) à la norme 1.5˚C, qui soient accessibles au public ; 
  • des exigences accrues en matière de capitaux propres pour tout prêt octroyé aux entreprises de combustibles fossiles et aux autres activités à forte intensité de carbone ; 
  • et des politiques explicites d’orientation du crédit afin de s’assurer que les activités de financement des banques soutiennent la transition et sont alignées sur la norme 1.5˚C. 

Greenpeace a détaillé ces demandes dans un document soumis dans le cadre du processus de consultation sur la Gestion des risques climatiques du BSIF en 2021.

Le BSIF souhaite maintenant obtenir l’avis des Canadien·nes concernant son projet de lignes directrices sur les risques climatiques, et la consultation publique est ouverte jusqu’au 30 septembre 2022.

C’est une excellente occasion pour toutes celles et ceux qui s’inquiètent du partenariat toxique entre les grandes banques et l’industrie des combustibles fossiles de faire entendre leur voix. Pour cela, il suffit d’envoyer votre commentaire par courriel à [email protected] (sans oublier de nous en envoyer une copie à l’adresse [email protected]!).

Notre équipe a rédigé un exemple de commentaire (voir ci-dessous) que vous pouvez utiliser comme source d’inspiration ou que vous pouvez simplement envoyer comme tel.

Merci de prendre quelques minutes pour envoyer un commentaire au BSIF et lui faire savoir qu’il est impératif de forcer les banques à éliminer progressivement leurs financements des entreprises de combustibles fossiles et à aligner leurs politiques sur la norme 1.5˚C.

Exemple de message :

Cher·es membres du BSIF,

Je vous remercie de me donner l’opportunité de commenter l’ébauche de la ligne directrice B-15 – Gestion des risques climatiques.

Je suis extrêmement [préoccupé / préoccupée] par les effets dévastateurs des changements  climatiques et par le rôle joué par le secteur bancaire dans le financement des entreprises de combustibles fossiles et d’autres activités qui alimentent cette crise. Tous les niveaux de gouvernement devraient réagir avec rapidité devant l’urgence que représente un tel enjeu afin de réduire à zéro les émissions de GES dans les meilleurs délais.

Bien qu’il soit heureux de constater l’intégration des risques climatiques dans l’approche réglementaire du BSIF, le fait que l’ébauche de lignes directrices soit loin de répondre aux exigences de protection du système financier canadien et du public canadien contre les risques climatiques m’inquiète fortement.

Je me permet de lister les lacunes que comporte cette ébauche : 

  • il s’agit de lignes directrices plutôt que de règles contraignantes ;
  • il n’est pas obligatoire que les plans de transition climatique soumis par les banques soient alignés sur l’objectif de maintien du réchauffement en deçà de 1.5˚C ou répondent à des exigences spécifiques en matière de réduction des émissions financées ;
  • il n’est pas clairement indiqué que les analyses de scénarios soient rendues publiques ou qu’elles doivent inclure un scénario 1,5˚C ;
  • il n’est pas fait mention des liens entre les changements climatiques et les droits des peuples autochtones ni de la responsabilité des banques dans le respect des droits des peuples autochtones.

Je souhaite que le BSIF oblige les banques canadiennes à éliminer progressivement leur financement des combustibles fossiles et à réduire les émissions qu’elles financent en cohérence avec la limite de réchauffement de 1,5˚C . Pour ce faire, le BSIF devrait :

  • proposer des règles climatiques contraignantes plutôt que de simples lignes directrices ;
  • exiger des institutions financières qu’elles présentent des plans climatiques alignés sur la norme 1,5˚C, assortis d’objectifs intermédiaires sur cinq ans, et que des sanctions soient appliquées en cas de non-conformité ;
  • exiger la divulgation obligatoire des risques financiers relatifs aux changements climatiques, alignée sur les orientations de la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD), incluant des tests de résistance à la norme 1.5˚C, qui soient accessibles au public ; 
  • accroître les exigences en matière de fonds propres pour les prêts octroyés aux entreprises de combustibles fossiles et aux autres activités à forte intensité de carbone ;
  • introduire des politiques explicites d’orientation du crédit, si nécessaire, pour adapter le secteur financier aux exigences de la lutte contre les changements climatiques ;
  • prendre des mesures pour s’assurer que les activités de financement des banques sont compatibles avec le respect des droits des peuples autochtones.

Je vous remercie d’avoir pris le temps d’étudier mon commentaire.

Avec toute ma considération,

[Votre signature]