Cela fait maintenant un mois que la guerre fait rage en Ukraine. Ce conflit capte l’attention d’une grande partie du monde et suscite bon nombre de spéculations quant à ses répercussions sur les relations internationales, la sécurité, l’économie mondiale et l’énergie.

Quel est l’impact de la guerre en Ukraine sur les changements climatiques et sur le rôle des énergies fossiles? La situation étant en perpétuel changement, il se peut que les événements aient pris un nouveau tournant lorsque vous lirez cet article.

Changements climatiques

Avant que le président Poutine ne donne l’ordre d’envahir l’Ukraine, il semblait que certaines priorités mondiales puissent enfin aller de l’avant, tout en conservant  une certaine vigilance vis-à-vis des risques encore présents de la pandémie. Au Canada, un sondage réalisé en octobre 2021 (en anglais) a révélé que 66 % des personnes interrogées souhaitaient que les gouvernements en fassent plus pour réduire les émissions de carbone, et 51 % pensaient que nous devrions freiner considérablement ou arrêter l’exploitation du pétrole et du gaz. La réunion mondiale sur les changements climatiques qui s’est tenue à Glasgow en novembre dernier a débouché sur un accord prévoyant pour la première fois un plan d’action très clair pour réduire l’utilisation du charbon. Bien qu’imparfait, cet accord semblait malgré tout créer un certain élan. Quelques mois plus tard, l’Ukraine subissait l’invasion militaire brutale dont nous sommes témoins aujourd’hui.

Pour s’attaquer véritablement aux changements climatiques, les gouvernements internationaux doivent être capables de collaborer ensemble. Et pour y parvenir, ce travail doit reposer sur la diplomatie, la confiance et la prise d’engagements. Avec l’intensification de la guerre en Ukraine, vous pensez sans doute que ces conditions risquent de se dissoudre rapidement. Bien qu’il soit facile d’anticiper que la priorité que constituent les changements climatiques soit éclipsée par ce conflit majeur, rien ne nous oblige à faire un choix entre les deux. Au contraire, il est possible dès maintenant de poser des gestes répondant aux deux problématiques.

Rappelons à cet égard que la pandémie de COVID-19 avait déjà ouvert une voie similaire dans la recherche de solutions à diverses crises. En effet, le virus a mis en lumière les inégalités existantes dans nos sociétés et la possibilité de susciter un changement sociétal rapide par la même occasion. L’invasion de l’Ukraine constitue désormais une nouvelle crise qui nous rappelle douloureusement les défaillances de notre système actuel, et la façon dont nous pouvons actuellement changer des choses qui semblaient autrefois impossibles à changer. Ce qui m’amène à vous parler…

des énergies fossiles

Nous devons exhorter nos gouvernements à s’abstenir de remplacer les combustibles fossiles venant de Russie par d’autres sources d’énergies fossiles. Les événements actuels devraient plutôt nous inciter à nous libérer plus rapidement de notre dépendance aux  combustibles fossiles.

15 mars 2022 – Des militants de Greenpeace manifestent pour stopper une importation de pétrole russe, à la raffinerie PCK de Schwedt, où environ 400 000 barils de pétrole brut arrivent quotidiennement de Sibérie occidentale via l’oléoduc Druzhba («Amitié»).

Svitlana Krakovska, l’une des principales climatologues ukrainiennes, s’est entretenue dernièrement avec le journal The Guardian (en anglais) : « J’ai commencé à faire des parallèles entre la crise climatique et cette guerre. J’en suis arrivée à penser que l’origine de ces deux menaces pour l’humanité résidait dans les combustibles fossiles… Cette guerre est une guerre des énergies fossiles. Il est devenu clair que nous ne pouvons plus continuer à vivre de cette façon, car nous allons détruire notre civilisation. »

Keith Stewart, notre expert en matière de climat et d’énergie à Greenpeace Canada, a d’ailleurs écrit un éditorial dans le Toronto Star à ce sujet (en anglais) : « Personne n’a jamais fait la guerre au nom du vent ou du soleil. De la même façon, personne ne peut menacer ses voisins de leur retirer l’accès à ces énergies. Le pétrole, en revanche, est souvent au cœur des conflits. »

En Europe, beaucoup de pays sont particulièrement dépendants de la Russie pour leurs approvisionnements en gaz et en pétrole, à la fois en tant que sources d’énergie et en tant qu’investissements. Aujourd’hui, beaucoup remettent en question ce modèle. Des organisations du monde entier, comme Greenpeace, appellent donc l’Europe et d’autres pays, dont le Canada, à cesser dans les plus brefs délais tout investissement dans des entreprises pétrolières et gazières russes, à interdire les importations de combustibles fossiles venant de Russie et à éliminer progressivement tous les combustibles fossiles. Ces dernières semaines, des bénévoles de Greenpeace en Belgique, au Danemark, en Allemagne, en France, en Autriche et en Espagne ont protesté contre les expéditions de pétrole, de gaz et de charbon, et ont dénoncé les profits issus des carburants fossiles et entrant dans ces pays. Pendant ce temps, Greenpeace GB a lancé sur Twitter une initiative de cybersuivi des pétroliers (en anglais), qui surveille les cargaisons de combustibles fossiles russes.

5 mars 2022 – Greenpeace France dénonce l’arrivée d’un méthanier en provenance de Russie. Les militants de Greenpeace France se sont dressés devant le port méthanier de Montoir-de-Bretagne pour dénoncer ces liens entre TotalEnergies et le régime russe de Vladimir Poutine, et rappeler que les énergies fossiles alimentent cette guerre.
© Baptiste Roman

À cet égard, un nouveau rapport de Profundo (en anglais) explique comment les banques et les investisseurs européens ont alimenté le secteur pétrolier et gazier russe à coups de milliards d’euros. Quant à l’organisation Stand.earth, elle a récemment révélé que les banques canadiennes avaient investi 110 millions de dollars US dans des sociétés pétrolières et gazières russes spécifiquement, tandis qu’elles continuent d’investir fortement dans les combustibles fossiles en général.

En effet, nous savons que depuis la signature de l’Accord de Paris sur le climat en 2015, la Banque TD, la Banque Scotia, la CIBC, la Banque Royale, la BMO et Desjardins ont fourni ensemble près de 694 milliards de dollars aux entreprises de combustibles fossiles sous forme de prêts et de services de convention de placement. Durant la même période, le gouvernement fédéral canadien a consacré la bagatelle de 60 milliards de dollars à l’action climatique et à l’économie durable. C’est ce que révèle une étude menée par Profundo en 2021 (en anglais).

Pourtant, le pétrole et le gaz russes ne sont pas les seuls à financer la violence et le conflit. Ici, au Canada, l’expansion de notre propre infrastructure de carburants fossiles a conduit à des mouvements de répression souvent violentes à l’encontre des manifestants autochtones et de leurs allié·es. En novembre 2021, la résistance des défenseurs et défenseuses Wet’suwet’en de la terre face à la construction du gazoduc Coastal Gaslink s’est heurtée à des incursions violentes de la part de la GRC utilisant des tactiques militaires.

Dans le monde entier, on continue de déverser des milliards dans le financement des énergies fossiles qui, à leur tour, continuent d’alimenter la crise climatique, l’oppression et les conflits.

Mais que faire pour arrêter cela? Dans son éditorial paru dans le Toronto Star, Keith se demande si le recours à des sanctions économiques à l’encontre du gouvernement russe et de ses hauts dirigeants pourrait inquiéter l’industrie pétrolière et gazière. Que se passerait-il si un jour les mêmes sanctions rigoureuses appliquées au gouvernement et aux oligarques russes étaient adoptées contre les sociétés qui continuent à alimenter la crise climatique? « Imaginez si toutes les entreprises pétrolières, charbonnières et gazières étaient privées de leur accès aux banques et aux richesses mal acquises de cette manière. Ceci serait une véritable révolution », ajoute Keith.

18 mars 2022 – Des activistes de Greenpeace manifestent devant la Chancellerie fédérale à Vienne pour une taxation plus élevée des bénéfices réalisés par les compagnies énergétiques en raison de l’énorme augmentation des prix du pétrole et du gaz. Ces énormes augmentations de prix sont alimentées par la guerre russe contre l’Ukraine.

La situation en Ukraine est terrible et elle ne cesse de s’aggraver, entraînant de nombreuses implications à travers le monde. Ce conflit pourrait bien détourner l’attention de nos dirigeants des autres problématiques urgentes comme l’action climatique… si nous ne faisons rien pour l’empêcher. La question n’est donc pas de choisir entre répondre à la crise climatique et gérer le conflit, mais plutôt de trouver des solutions pour s’attaquer aux deux problèmes. Accélérer notre transition vers l’abandon des énergies fossiles constituerait un pas dans la bonne direction.

Aidez-nous à empêcher les grandes banques canadiennes de déverser des milliards de dollars dans l’industrie des énergies fossiles.

Prêt·e à en faire plus? Vous pouvez appeler votre député·e ou lui écrire pour vous enquérir des mesures prises pour accélérer la transition vers l’abandon des combustibles fossiles et pour soutenir l’ensemble des personnes réfugiées. Faites-leur part de l’importance de cette question pour vous. . Trouvez votre député·e et ses coordonnées ici.

2ème partie : Paix, sécurité et menaces nucléaires