Au cours des derniers mois, nous avons pu témoigner de la mise en œuvre fort pernicieuse de la réponse de l’Ontario à la pandémie de COVID-19. Le gouvernement a réussi à susciter la colère des enseignant·e·s, des infirmier·ère·s, des docteur·e·s et de la population générale en faisant fi des données scientifiques et des conseils d’experts sur la manière d’adresser la pandémie, qui en est maintenant à sa troisième vague, soit la plus mortelle jusqu’à présent. Le gouvernement n’a pas été en mesure de mettre en œuvre une politique de congés de maladie adéquate ou d’instaurer des mesures de confinement appropriées, et n’avait pas de plan afin de prévenir les éclosions dans les foyers de soins de  longue durée, où de nombreuses éclosions mortelles se sont produites.

Il est juste d’affirmer que la préparation et la réponse du gouvernement ont été désastreuses. Toutefois, son ignorance de la science, ses jeux politiques et ses tactiques vont bien au-delà de sa réponse à la pandémie. Il se comporte ainsi à répétition.

Bien qu’il opère généralement dans les coulisses, le gouvernement a traité notre futur climatique de la même façon.

Lorsque Doug Ford est devenu premier ministre de l’Ontario en 2018, il n’a pas caché son intention de démanteler le plan climatique de la province. En fait, son programme électoral promettait que son gouvernement abrogerait l’entente de plafonnement et d’échange de l’Ontario dès qu’il serait au pouvoir, ce qui a entraîné une perte de revenus de trois milliards de dollars. Il a tenu parole. Son gouvernement a presque immédiatement pris cette mesure et, au cours de sa première année au pouvoir, a aboli de nombreuses initiatives environnementales et climatiques, notamment les programmes de subventions pour véhicules électriques et les projets d’énergie renouvelable. Nous les avons même poursuivis pour avoir abrogé l’entente de plafonnement et d’échange, et la Cour a décidé à la majorité que leurs agissements étaient contraires à la loi.

Le gouvernement Ford a ensuite aboli la protection des espèces en péril, fermé le bureau du commissaire à l’environnement de l’Ontario (un organisme non partisan qui fait respecter la Charte des droits environnementaux), abrogé la Loi sur la réduction des toxiques qui exige que les entreprises assurent le suivi et fassent rapport des produits chimiques toxiques qu’elles créent ou utilisent, et a limité davantage le pouvoir des autorités de conservation, parmi une foule d’autres coupures.

Abolir des lois environnementales pendant la pandémie de COVID-19

La plus grande surprise a peut-être été l’adoption du projet de loi omnibus n°197 intitulé Loi de 2020 visant à favoriser la reprise économique face à la COVID-19 pendant la pandémie de COVID-19. Bien entendu, cette loi n’avait bien sûr pas grand-chose à voir avec la reprise face à la COVID-19 et servait principalement à supprimer les réglementations environnementales ou à réduire leur nombre. 

Un grand nombre de changements engendrés par le projet de loi ont attiré beaucoup d’attention négative. 

Le gouvernement a élargi sa capacité de déroger ou de se soustraire aux terres gouvernementales locales par le biais d’arrêtés de zonage municipaux et s’est servi de ce pouvoir pour autoriser des projets controversés qui menacent des zones humides et des sites du patrimoine. De surcroît, des modifications apportées en vertu du projet de loi permettent au gouvernement d’exproprier des terres plus facilement en lien avec un nouveau prolongement d’autoroute qui, s’il est approuvé, asphalterait des zones humides et déverserait des effluents chimiques dans le lac Simcoe. 

Nous ne pouvons pas oublier bien sûr la refonte de la Loi sur les évaluations environnementales en vertu du projet de loi. En dépit du fait que cette loi a besoin d’être modernisée afin d’aborder les enjeux comme les changements climatiques et la plus grande participation du public, le gouvernement a apporté des modifications qui limitent la participation du public et les efforts de surveillance, et ouvrent la voie à des évaluations moins rigoureuses qui pourraient entraîner des impacts environnementaux néfastes. Comme si cela ne suffisait pas, le projet de loi a été adopté à toute vitesse sans respecter les exigences de consultation publique conformément à la Charte des droits environnementaux de l’Ontario.

Ce 17 mai, Greenpeace Canada et le Wilderness Committee, tous deux représentés par Ecojustice, s’adresseront au tribunal afin de contester l’absence de consultation du gouvernement auprès des Ontarien·ne·s avant d’imposer d’importants changements au niveau des évaluations gouvernementales et des lois de planification du projet de loi n°197. Greenpeace ne pouvait pas rester les bras croisés tandis qu’ils instauraient des changements environnementaux majeurs sans donner la chance au public de partager leur opinion sur ces derniers. Notre cause sera entendue en même temps que deux autres poursuites distinctes lancées par une coalition d’autres organisations non gouvernementales vouées à l’environnement et une coalition de Premières Nations.

Two Lake Simcoe area environmental groups released a report called Lake Simcoe Under Pressure in 2021: Key Stressors and Solutions, outlining their concerns a few key projects could have on Lake Simcoe.
Crédit d’image: Bradford Today

Saisir les tribunaux afin de contester les actions climatiques

Bien que la province emploie des mots à la mode comme « moderniser », « créer », « mettre à jour » et « durable » afin de décrire ses coupures néfastes, que fait réellement le gouvernement de l’Ontario pour protéger notre environnement et atténuer les changements climatiques?

Il dépense bien sûr les fonds publics pour contester les lois fédérales sur le climat et l’environnement devant les tribunaux.

Alors que l’Ontario justifie sa refonte des évaluations environnementales par le besoin d’adopter une approche cohérente avec le cadre du gouvernement fédéral afin d’éliminer les fardeaux inutiles et le dédoublement des exigences, le gouvernement provincial appuie la contestation judiciaire de l’Alberta de l’évaluation d’impact fédérale afin d’essentiellement se défaire de ses obligations de respecter les évaluations environnementales fédérales. Dans les faits, il déréglemente les lois provinciales ayant trait aux évaluations environnementales et tente de supprimer la surveillance fédérale de ces dernières.

Cette absence de réglementation et de surveillance des impacts environnementaux des projets industriels pourraient engendrer des impacts environnementaux néfastes et se solder à nouveau par une situation telle que l’épidémie d’infection à E. Coli à Walkerton, ou sinon quelque chose de bien pire. 

En outre, la province s’oppose publiquement à la taxe sur le carbone du gouvernement fédéral, le plan du Canada pour lutter contre les émissions grâce à un système de tarification du carbone. Le gouvernement de Doug Ford s’est engagé à dépenser 30 millions de dollars de l’argent des contribuables pour se battre devant les tribunaux. Il perd jusqu’à maintenant. La cause a été récemment entendue par la Cour suprême du Canada et la décision finale sera rendue sous peu. Dans son argument devant la Cour d’appel et la Cour suprême du Canada, l’Ontario a dit rejeter le plan de taxe sur le carbone du gouvernement fédéral en partie car la province adopterait sa propre approche dans le cadre d’un plan climatique conçu en Ontario en 2018, réduirait les émissions de la province de 30 % par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030, et trouverait des façons de « ralentir les changements climatiques et bâtir des collectivités plus résilientes afin de se prépare à leurs effets. »

Dans une autre cause, la province lutte pour ne pas être tenue responsable de ce même plan.

Dans Mathur c. Ontario, 2020 ONSC 6918, une contestation fondée sur la Charte et accusant la province de ne pas respecter ses objectifs climatiques, et donc d’entraîner des effets nocifs, le gouvernement de l’Ontario soutient que ni son plan ni ses objectifs ne sont contraignants et qu’ils sont « simplement des aspirations ». Donc, d’une part il rejette un plan fédéral de lutte contre les changements climatiques et d’autre part, il refuse d’être tenu responsable de son propre plan. La position du gouvernement est une gifle déroutante pour la population de l’Ontario, qui s’attend à ce que son gouvernement la protège et prenne des mesures pour lutter contre les changements climatiques.

Jusqu’à maintenant, notre soi-disant plan conçu en Ontario a coûté deux fois plus que le plan de tarification du carbone fédéral et a n’a réalisé presque aucun progrès au niveau des réductions des émissions. En fait, les émissions de carbone augmentent partout en Ontario. Sans programme d’encouragements pour les citoyens ou l’industrie afin de lutter contre les changements climatiques, sans responsabilité climatique de notre gouvernement provincial et sans législation environnementale rigoureuse, nous n’avons que notre gouvernement qui répète les bons mots et écoblanchit leur mort par milliers de coupures. Il ne reste à la population de l’Ontario que des promesses creuses et des solutions creuses. Comme pour la pandémie.