Le discours du Trône est une occasion de repartir à neuf. Mais pour le gouvernement Trudeau, le discours prononcé ce 23 septembre a un air de déjà-vu. Renflouer l’industrie nucléaire est une erreur coûteuse qu’il vaudrait mieux ne pas répéter.

On nous promet de grandes avancées en matière d’énergie nucléaire depuis quarante ans. Mais en dépit de subventions colossales, cette filière n’a jamais livré la marchandise. Entretemps, le coût des énergies éolienne, solaire et de leurs dispositifs de stockage a baissé si rapidement que l’énergie nucléaire a perdu toute pertinence.

À la radio de CBC samedi dernier, le ministre des Ressources naturelles Seamus O’Regan a annoncé que le discours du Trône inclurait une aide au développement d’un petit réacteur modulaire (PRM). Notez l’absence du mot « nucléaire » en raison de sa connotation négative!

Octroyer des fonds à l’industrie nucléaire canadienne n’est pas un investissement susceptible de sortir notre pays de la crise. Cette industrie a reçu plus de 20 milliards de dollars de subventions fédérales depuis 1950, et la laisser creuser un autre déficit équivaut à tirer l’argent par les fenêtres.

Voici pourquoi.

L’industrie nucléaire canadienne n’a jamais réussi à produire de l’énergie sûre, propre et abordable.

À l’échelle mondiale, ce secteur est en déclin depuis l’accident de Tchernobyl. Au Canada, 9 des 22 réacteurs construits dans les années 1970 devront être déclassés d’ici à 2025 en raison de leur coût d’exploitation élevé.

Cela n’a pas empêché le lobby nucléaire canadien de promettre des nouveaux réacteurs plus sûrs, plus abordables et entièrement redessinés afin de redonner un nouveau souffle à l’industrie. Or, cette promesse repose sur des subventions fédérales sans cesse renouvelées, une supervision publique amoindrie, et la non-responsabilité de l’industrie en cas d’accident ou de fuite de déchets radioactifs.

Les PRM sont la plus récente proposition visant à construire un réacteur abordable et susceptible de contribuer à la lutte aux changements climatiques.

Dès son assermentation, O’Regan a reçu une note d’information à l’effet que la priorité absolue du ministère des Ressources naturelles, en ce qui a trait à l’énergie nucléaire, est « le développement des petits réacteurs modulaires (PRM) ».

Cette note omet toutefois de mentionner qu’un argumentaire similaire a été présenté aux ministres précédents.

Durant les années 2000, la fonction publique et les lobbyistes de l’industrie nucléaire ont convaincu les ministres précédents d’investir dans le « CANDU avancé ». Au même titre que les PRM, le CANDU avancé a été présenté comme un outil efficace de lutte aux changements climatiques en raison de son faible coût, de sa sûreté, et de sa production de déchets réduite comparativement aux réacteurs d’ancienne génération.

Mais le CANDU avancé a fini par être un énorme gaspillage d’argent. Plusieurs ministres y ont englouti environ 430 millions de dollars sans que celui-ci ne quitte la planche à dessin.

Pis encore, les fonctionnaires du ministère des Ressources naturelles ont balayé cet échec monumental sous le tapis.

J’ai déposé une demande d’accès à l’information pour obtenir « toutes les évaluations du soutien du gouvernement fédéral pour la construction du réacteur CANDU avancé ». La réponse : Aucun document à cet effet.

Comme le veut l’adage, les gens qui ne savent pas tirer les leçons du passé sont condamnés à le répéter. La volonté d’inclure les petits réacteurs modulaires dans le discours du Trône démontre que le ministre O’Regan et le gouvernement Trudeau souffrent d’amnésie nucléaire.

L’argent et le temps consacrés aux PRM seraient mieux investis dans une relance juste et verte.

Alors que devons-nous faire?

  1. Investir dans la production d’énergie renouvelable et dans des mesures d’efficacité énergétique plus sûres, plus abordables, et plus rapides à déployer.
  2. Mettre à jour la Loi sur l’énergie nucléaire, afin que celle-ci n’encourage plus le personnel du ministère des Ressources naturelles à développer et à promouvoir cette forme d’énergie, sans égard à son déclin actuel et à son histoire mouvementée. Les ministres qui se succèdent cesseront enfin d’être mal conseillés.