Texte originalement publié dans La Presse le 22 mai 2020

Nous l’avons constaté, la COVID-19 prend des vies, affecte les plus vulnérables, détruit des familles, met une pression immense sur les systèmes de santé de par le monde et a des conséquences physiques, psychologiques et financières sans précédent.

Même si nous avons l’impression que le temps s’est arrêté depuis le confinement, les catastrophes climatiques, elles, font fi de nos histoires de masques et de nos écoles fermées.  

Les canicules, les feux de forêts et les inondations fauchent aussi des vies, affectent aussi les plus vulnérables, anéantissent aussi des familles, détruisent des maisons, forcent des évacuations et ont des conséquences physiques, psychologiques et financières toutes aussi désastreuses.

Il y a quelques semaines à peine, 5000 personnes ont dû être évacuées à Fort McMurray en raison d’inondations, alors même que la province de l’Alberta tentait toujours d’endiguer la propagation du coronavirus. Et que dire des inondations qui sévissent au Kenya où plus de 100 000 personnes ont été évacuées depuis mars ? Imaginez une telle situation d’urgence avec la nécessité supplémentaire et inexorable de pratiquer la distanciation physique. 

Alors que la perspective du déconfinement se dessine de plus en plus, Ressources naturelles Canada dévoile ses nouvelles projections mensuelles et saisonnières. L’institution fédérale laisse présager des risques d’incendies de forêts “bien au-dessus de la moyenne” dès le mois de juin et ce, jusqu’au mois de septembre. Ainsi, à peine sorties de la crise sanitaire, la Colombie-Britannique, l’Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba et une partie des Territoires du Nord-Ouest seront ainsi très probablement confrontées à des feux de forêt.. Si les projections s’avèrent exactes, les communautés déjà éprouvées par près de trois mois de pandémie devront jongler avec la lutte contre les incendies et la gestion des évacuations, avec la peur constante d’une résurgence du virus tant chez les pompier·es que les sinistré·es. 

Et alors que l’été n’est même pas encore officiellement commencé, le Québec se prépare déjà à une deuxième canicule. Évidemment nos pensées se dirigent immédiatement vers les CHSLD ou la situation n’est déjà pas facile en ce moment… Selon Frédérick Boulay, météorologue chez Environnement Canada, affirme d’ailleurs que c’est “plutôt rare d’avoir deux canicules aussi tôt [dans la saison].” Quel est le rapport me direz-vous? Les changements climatiques. Les scientifiques qui ont notamment étudié la vague de chaleur de l’été 2018 qui nous a surchauffé du Japon au Canada, notent que cet épisode sans précédent n’aurait pas été possible sans le facteur “changements climatiques”. 

Quand on parle de gestion de crise… 

L’ampleur d’une situation peut nous amener à compartimenter les crises (COVID / feux de forêt / inondations / canicule, crise climatique) pour mieux les appréhender. Or, c’est un réflexe que l’on se doit de réprimer. 

Selon Sarah Henderson, scientifique senior au B.C. Center for Disease Control, la pollution de l’air peut affaiblir le système immunitaire et nous rendre plus vulnérables aux maladies infectieuses. À ce sujet rappelons-nous qu’en 2018, lors des feux de forêt records en Colombie-Britannique, la fumée est devenue si intense que la qualité de l’air à Vancouver a été classée au 5e rang des plus mauvaises parmi les grandes villes du monde selon l’indice mondial de la qualité de l’air. Madame Henderson pense donc que la fumée intense occasionnées par des feux de forêt soutenus pourrait augmenter les risques de contracter la COVID-19 chez les populations touchées.

Même si les changements climatiques n’ont pas causé l’émergence du coronavirus, ils peuvent indirectement aggraver les effets des pandémies, incluant la COVID-19, en détériorant les conditions environnementales dont nous avons besoin pour être en santé – accès à de l’eau potable, à de l’air pur, à de la nourriture et à un abri – et ajouter à la pression déjà présente sur nos systèmes de santé comme le mentionne l’OMS

N’oublions pas non plus que les changements climatiques aggravent les événements climatiques extrêmes, comme les vagues de chaleur. Que l’on veuille ou non, ces événements racontent la même histoire. Alors, quand les gouvernements du monde entier envisagent des mesures pour relancer leurs économies en difficulté, et que des milliards sont et seront injectés dans différents secteurs, nous nous devons de reprogrammer les règles pour reprendre le contrôle de notre histoire.

Nous avons l’opportunité de voir grand et mieux, d’être audacieux·ses dans notre approche de cette relance. On parle de résilience, alimentaire et sociale, pour mieux se préparer aux crises à venir. Mais pourquoi ne pas envisager de revoir nos systèmes économiques et sociaux pour empêcher la création même de ces crises? Pourquoi attendre le prochain incendie, la prochaine inondation, la prochaine pandémie pour remédier aux crises qui existent déjà? Voilà que nous avons une page blanche devant nous. Nous pouvons y écrire la prochaine politique de restauration des milieux humides, les mesures pour réhabiliter les terres incendiées. Nous pouvons aussi inverser notre dépendance aux énergies fossiles et inverser cette autre courbe, celle du réchauffement climatique.

Restaurer, soigner, recouvrer. Avec la sortie de crise, refaisons-nous une santé.