Les artisan·es: des gens comme vous et moi qui incarnent l’espoir d’une économie bienveillante et juste après COVID-19

Depuis des semaines, nous répétons à nos élu·es que nous ne voulons pas d’un retour à la normale. Ce que nous demandons plutôt, c’est que la relance économique suite à la pandémie nous propulse vers un avenir meilleur. Avec le gel d’une grande partie de notre économie, c’est le moment plus que jamais de repenser cette « normalité », et de résoudre les problèmes qui font que tant de gens n’ont pas assez de nourriture, d’argent ni de temps, tandis que quelques privilégié·es ont beaucoup plus que leur part.

Mais à quoi cela ressemblerait vraiment? 

Ce genre de changements majeurs, profonds, peut être difficile à imaginer. Nous avons donc voulu donner vie à certaines de ces idées en mettant en avant ces personnes « ordinaires » – et pourtant si extraordinaires – qui incarnent les valeurs que les plans de relance économique de notre gouvernement devraient incarner. Leurs profils sont présentés ci-dessous.

Quand nous demandons des systèmes alimentaires résilients et locaux, jetons un oeil à ce que fait Eva. Quand nous réclamons des énergies propres et plus équitable pour remplacer l’énergie sale des combustibles fossiles par des énergies renouvelables, nous pensons à la façon dont Duncan et sa coopérative en énergie renouvelables font les choses. Quand nous appelons à une économie qui construit des communautés résilientes, nous voulons que les valeurs dont parle Tanya (qui fournit des équipements de protection individuelle aux professionnel·les de la santé) soient nos pilliers. Et lorsque nous déclarons que nous avons besoin de modes de vie qui valorisent notre lien avec la nature, l’art d’Amber nous laisse entrevoir ce à quoi cela pourrait ressembler.

Découvrez les témoignages de ces personnes créatives! 

Leurs histoires vous inspirent? Dites à votre député·e que vous voulez une relance économique qui permette de construire des communautés fortes, et une économie équitable et durable.

Duncan Martin, Vancouver

Technicien en panneaux solaires, expert en poulaillers, activiste dans sa communauté et musicien

Les artisan·es: des gens comme vous et moi qui incarnent l’espoir d’une économie bienveillante et juste après COVID-19 - Duncan Martin

Duncan Martin a plus d’un tour dans son sac! Il passe ses journées à installer des panneaux solaires pour une coopérative d’énergie solaire : Vancouver Renewable Energy Co-op. Il s’agit d’une coopérative autogérée avec pour mission de réduire notre dépendance aux énergies fossiles et aux méga-centrales hydroélectriques gaspilleuses d’énergie, en installant des systèmes d’énergie renouvelable à des prix justes. Duncan a même travaillé dans la communauté Inuit de Clyde River au sein de laquelle il a installé des panneaux solaires sur leur salle communautaire! Depuis 10 ans, il est également à la tête d’une entreprise qui construit des poulaillers afin de soutenir l’agriculture locale. Duncan est aussi musicien (un passe-temps qui pollue peu), coordinateur d’un festival de pressage de pommes et milite pour le logement abordable. « Les points communs dans tout ça, ce sont la conservation et la sobriété. Il s’agit certainement de valeurs provenant de la Seconde Guerre mondiale et de la Grande Dépression qui se sont transmises à travers les générations. » Suivez Duncan sur Twitter ici.

En quoi le changement que vous menez dans votre vie actuelle (depuis le début de la crise, ou avant) encourage un changement systémique?

Je travaille pour VREC depuis 6 ans, principalement dans l’installation de panneaux photovoltaïques résidentiels sur les maisons et les entreprises. Le modèle d’affaire d’une co-op est vraiment différent des modèles d’affaire traditionnels. En décentralisant le pouvoir, habituellement détenu par des propriétaires motivés par le profit, vers un modèle basé sur la prise de décision par les travailleurs, nous pouvons nous concentrer sur des valeurs telles que la réduction des déchets, l’honnêteté et la qualité de vie. En plus de l’énergie solaire résidentielle, nous sommes impliqué.es dans des projets à échelle variable, qui nous permettent d’augmenter la taille des panneaux solaires, de réduire le coût par watt et d’avoir une période de remboursement plus courte. Solshare, par exemple, est un programme où plusieurs investisseurs possèdent une installation solaire. Cela permet une plus grande participation dans l’industrie solaire en donnant accès à des investissements de personnes ayant différents niveaux de revenus et dans différentes conditions de logement.

Ma COOP de poulaillers existe depuis 10 ans, soit depuis que les poules sont autorisées à Vancouver [depuis qu’ils ont modifié un règlement en 2010]. Cette année, avec COVID-19, les commandes ont exponentiellement augmenté. La moitié des demandes provenaient de personnes qui voulaient être plus autonomes. Et puis il y avait aussi des gens qui, je pense, se cherchaient des passe-temps près de chez eux: ils avaient déjà fait leur pain, acheté des semis, toutes les tendances qui émergent en quarantaine quoi, donc les poulets sont venus ensuite. Mon chiffre d’affaires mensuel a été multiplié environ par dix.

Je ne suis pas un puriste en général, mais quand on s’intéresse de plus près à ce que l’on consomme, on est tenté de comprendre comment fonctionne le mécanisme de production derrière. Les poulaillers et les pressoirs à pommes – pour le festival de pressage de pommes qu’il dirige – sont tous fabriqués à partir de matériaux recyclés. Une partie de la satisfaction consiste à restaurer quelque chose qui rouillait dans le jardin de quelqu’un. D’un certain point de vue ce sont des passe-temps pittoresques, mais il s’agit aussi d’un mince exemple de tout qu’il est possible de créer, de réparer, et d’inventer à partir de ressources limitées. La croissance n’est ni un moyen, ni une fin. Même dans le secteur de l’énergie solaire, c’est une bonne nouvelle lorsque les revenus et les bénéfices augmentent, mais ce n’est pas le seul indicateur de réussite. L’atteinte de la réussite, ça devrait plutôt passer par: Avez-vous payé un bon salaire aux travailleurs (à l’ensemble des travailleurs)? Avez-vous amélioré votre communauté et votre entreprise est-elle pérenne? 

Pour vous, à quoi ressemble une économie équitable et sûre qui prend soin des personnes et de notre planète?

Je pense qu’une économie juste serait une économie qui se base vraiment sur les valeurs que nous prétendons porter, et qui fait en sorte qu’elle s’applique à tout le monde. Je ne pense pas que ce soit possible d’y arriver sur une base volontaire. On valorise souvent ce le ‘marketing’ d’un mélange de collaboration entre institutions privées, de responsabilité sociale  d’entreprise et de philanthropie, mais en fait de nombreuses personnes sont écartées et tombent à travers les mailles du filet si leurs fonctions sont jugées inutiles.. Ayant déménagé des États-Unis pour venir au Canada, je tiens à ces programmes sociaux accessibles à toutes et à tous que nous avons ici, et je crois que nous devrions nous battre plus pour ces programmes. La fiscalité peut paraître comme un concept agressif, mais il ne s’agit en réalité que d’une reconnaissance formelle du fait que la réussite financière s’accompagne de la responsabilité de veiller à ce que les autres aient une chance équitable et une planète saine pour vivre. De la même manière, une économie qui prend soin de notre planète dépend d’un effort global. Elle devrait reconnaître le fait que la menace imminente des changements climatiques exige des changements massifs dans tous les secteurs d’activité, et les plus vulnérables devraient pouvoir compter sur leurs voisins pour les soutenir.

Le modèle de croissance constante nous entraîne droit dans le mur. Il s’est tellement enraciné qu’il faudra beaucoup d’organisation pour faire demi-tour. Je ne sais pas si la cette pause à cause de la COVID-19 amènera des changements significatifs. Peut être que nous allons juste reprendre la même trajectoire après. Mes les gens auront ce souvenir qui changera notre façon de voir les chaînes d’approvisionnement mondiales, la sécurité alimentaire, l’inégalité des salaires, la justice en matière de logement – qui changera tout. C’est une mémoire collective qui laissera ses traces sur les générations à venir. De la même manière que mes grands parents ont transmis leur sens de l’économie post-Seconde Guerre mondiale. Ce sont ce genre de grands événements qui ont des impacts: lorsque les humains sont forcés à changer de perspective, à tester leur capacités à imaginer et à créer le changement. Espérons que nous le ferons bientôt.

Eva Murith, Montréal

Militante qui lutte contre gaspillage alimentaire, co-fondatrice de Préserve, « cultivatrice de sourires » et bénévole pour plusieurs actions communautaires 

Les artisan·es: des gens comme vous et moi qui incarnent l’espoir d’une économie bienveillante et juste après COVID-19 - Eva Murith

Eva Murith est une citoyenne et cultivatrice de sourires engagée dans différentes actions locales. Elle est notamment impliquée dans le mouvement citoyen bénévole des cyclistes solidaires qui soutient les organismes communautaires dans la distribution d’aliments aux personnes dont la crise sanitaire a mis en danger l’accès à l’alimentation. Elle accompagne également la recherche de solution collective pour réduire le gaspillage alimentaire dans les milieux institutionnels et de la restauration avec l’organisme à but non lucratif PRESERVE.

En quoi le changement que vous menez dans votre vie actuelle (depuis le début de la crise, ou avant) encourage un changement systémique?

Je ne sais pas si les changements que j’effectue autour de moi auront un impact systémique mais en rejoignant et en fédérant autour de mouvements qui adressent des problématiques sociales et environnementales, j’ai le sentiment de participer à leur existence. C’est pour moi la meilleure façon de construire dans l’action notre liberté, notre autonomie, et de nous apporter l’énergie, les rires et la solidarité dont nous avons besoins pour redessiner collectivement les contours du système que nous souhaitons voir exister.

Pour vous, à quoi ressemble une économie équitable et sûre qui prend soin des personnes et de notre planète?

Pour que l’économie puisse être juste et nous permettre de prendre soin de ce qui nous entoure, notre rapport à l’économie elle-même doit changer. La question principale ne devrait plus être : « qu’est ce que je peux faire pour gagner ma vie», mais « qu’est ce que je peux faire pour améliorer le sort de ce qui m’entoure ». Pour cela, il faudrait que l’argent ne soit qu’un simple moyen pour faciliter nos échanges, alors qu’aujourd’hui, nos échanges ne sont que des moyens de faciliter l’accaparation des richesses. Dans une économie équitable et sûre, nous aurons conscience de la juste valeur des choses, nous serons plus enclin à les partager et nous serons capables d’échanger avec ceux et celles qui les produisent de façon libre et directe, sans qu’aucun intermédiaire n’ait la possibilité de s’accaparer ces richesses.

Amber Friedman, Colombie-Britannique

Artiste textile travaillant avec des teintures naturelles et propriétaire d’une boutique d’apothicaire

Amber Friedman est une artiste textile primée, qui vit avec sa famille à Powell River, sur la côte ouest en Colombie-Britannique. Après une vie de voyages et de créativité, elle a commencé à utiliser son premier appareil photo à l’âge de cinq ans. Elle a appris à coudre et à teindre des tissus à l’âge de 10 ans, en utilisant pour cela tous les draps blancs de sa mère. Amber explore actuellement l’utilisation du texte dans ses peintures en batik, l’application directe de l’indigo et la recherche de couleurs dans les plantes médicinales locales. Parmi ses projets en cours, il y a des vêtements peints à la main et en batik recyclé, ainsi qu’une nouvelle ligne d’écharpes et de tissus en soie imprimés. Elle enseigne également depuis son studio à Powell River. Consultez son site web et son travail ici et suivez la sur Instagram!

En quoi le changement que vous menez dans votre vie actuelle (depuis le début de la crise, ou avant) encourage un changement systémique?

Il y a quinze ans j’utilisais des teintures synthétiques que j’achetais principalement par la poste. Puis j’ai voulu que mon travail soit plus naturel, plus local et plus sécuritaire. Quand j’étais plus jeune, j’ai rencontré une artiste textile qui était devenue allergique aux teintures avec lesquelles elle travaillait depuis des années. Ça a été un gros choc pour moi. L’art est ma passion, alors l’idée de devenir allergique à ma passion m’a forcé à rechercher d’autres options. Et quand j’ai eu mes enfants, c’était le glas de la fin! Je ne voulais pas risquer que les enfants aient des problèmes. Et au même moment, des gens s’interrogeaient à propos des teintures naturelles. J’ai commencé à étudier les propriétés médicinales des plantes et j’ai lancé mon entreprise d’art basée sur les plantes locales avec des propriétés curatives. 

Je travaille avec des tissus recyclés et avec des teintures naturelles et anciennes provenant de plantes locales. Le millepertuis perforé par exemple (aussi appelé St. John’s Wort) peut être bouilli dans un thé concentré et utilisé comme une teinture, peint sur des tissus, ou vous pouvez faire de l’éco-impression avec (en plaçant des feuilles et des brindilles directement sur le tissu pour faire un dessin). Vous pouvez également le faire avec des écorces locales, des fleurs d’arbres fruitiers et des plantes comme le plantain, l’achillée millefeuille, la verge d’or, la peau d’oignon, le café, la prune, l’indigo et bien d’autres.

Je crois sincèrement que nous pouvons être soutenu·es par la Terre. Nous sommes habitué·es à acheter des choses, mais avec la COVID-19, c’est devenu plus difficile et les gens ont commencé à acheter en quantité démesurée, et cela m’a conforté dans l’idée que j’avais un mode de vie raisonnable. Et j’en suis vraiment reconnaissante. J’ai animé des ateliers sur les teintures traditionnelles fabriquées à partir de plantes locales, j’ai appris aux gens à récolter leurs propres plantes pour qu’ils puissent quitter l’atelier en étant capables de le faire par eux-mêmes. Les ateliers aident à remettre le pouvoir entre les mains des gens. 

Pour vous, à quoi ressemble une économie équitable et sûre qui prend soin des personnes et de notre planète?

Pour moi, cela voudrait dire se reconnecter en tant que communauté, et avec la nature. C’est aussi acheter localement. Les consommateurs devraient réclamer ce dont ils ont besoin, pour que les commerçants s’en procurent auprès de producteurs locaux. J’ai également constaté qu’avoir des prix flexibles me permet de soutenir mes clients comme ils me soutiennent. 

Les gens sont tellement formatés à vouloir s’en aller ailleurs, ou à acheter quelque chose, au lieu de simplement se connecter à la nature. Cette relance économique d’après la pandémie, c’est une chance pour les gens d’ouvrir leur esprit et changer leur vision des choses. Le conseil que j’aimerais donner aux gens, c’est d’éliminer les produits toxiques de leur vie, et d’essayer comme ça. J’ai l’impression que je suis devenue beaucoup plus connectée à la nature dans les douze dernières années. Je me retrouve à admirer davantage la nature dans ma vie d’adulte et à voir combien elle m’est bénéfique.

Tanya Faire

Co-responsable de l’initiative Protect Frontline Workers Vancouver

Au sein de l’initiative Protect Frontline Workers Vancouver, Tanya (avec Britt Dolleran Wtuschnik et Nancy Luong-Lugni) dirige une équipe de 1 400 membres bénévoles couturier·es et manufacturier·es qui ont fourni plus de 10 000 articles de protection individuelle aux travailleuses et travailleurs de première ligne et aux professionnel·les de la santé pendant la pandémie de la COVID-19 – et ce n’est pas fini! Ces bénévoles ont fourni des masques, des uniformes médicaux, des blouses de protection, des bandeaux « protège-oreilles » pour rendre les masques plus confortables, des sacs à linge pour les bonnets médicaux. Le groupe se base sur les recommandations en matière de santé publique et continuera à s’adapter en fonction des directives des autorités. Le groupe utilise Can-Ask pour un service de distribution sûr et sans contact. Suivez l’initiative sur Instagram ici.

En quoi le changement que vous menez dans votre vie actuelle (depuis le début de la crise, ou avant) encourage un changement systémique?

Je crois que le gouvernement doit évidemment prendre les devants pour répondre à une crise comme celle-ci, mais qu’il y a aussi un rôle très important que nous devons jouer en tant que communauté. Ce n’est pas le seul défi auquel nous ferons face dans les décennies à venir. Les changements climatiques en sont un exemple en matière environnementale, et la résistance aux antibiotiques représente une autre crise sanitaire à laquelle nous finirons probablement par être confronté·es. Les communautés peuvent travailler avec les agences gouvernementales provinciales, fédérales et municipales ainsi qu’avec le monde des affaires pour rationaliser et exécuter la prestation de services. Par exemple, un hôpital nous a fourni des matériaux pour que nous puissions leur coudre des blouses. Les propriétaires d’entreprises locales ont fait don de matériaux à notre cause et beaucoup de nos bénévoles fournissent plus de 60 heures par semaine de main-d’œuvre gratuite pour produire les articles nécessaires. Le changement des systèmes exige ce type de collaboration entre de multiples actrices et acteurs de la société, du gouvernement et de l’industrie. 

Pour vous, à quoi ressemble une économie équitable et sûre qui prend soin des personnes et de notre planète?

Je pense qu’il s’agit de trouver un équilibre entre l’aspect pratique, le respect et l’empathie pour la vie humaine. On ne peut pas ignorer que nous sommes confronté.es à des contraintes liées à des ressources limitées. En tant que société, nous devrons faire des compromis afin de protéger l’environnement en réduisant notre consommation et/ou en modifiant notre comportement. Cela dit, nous devons également protéger notre économie. Le développement des énergies vertes est un exemple de comment il est possible de trouver un équilibre entre les deux. Pour en rester sur le thème de la santé, je pense que nous pourrions mieux prendre soin des gens en exploitant la technologie pour fournir des ressources à moindre coût à ceux qui n’ont normalement pas accès à l’aide dont ils ont besoin. Par exemple, en améliorant les infrastructures qui permettent d’accéder à internet dans les communautés isolées, afin que les individus puissent accéder en ligne aux ressources en matière de santé et de santé mentale. 

Partagez votre vision d’une relance équitable et verte avec votre député·e!

Nous n’avons pas beaucoup de temps pour nous assurer que la relance post-covid nous permette de construire une « meilleure normalité ». Dans quelques semaines, notre gouvernement fédéral finalisera de nouveaux plans et prendra des décisions
sur la manière de dépenser les milliards de dollars de l’argent des contribuables
pour relancer l’économie.