Comme on pouvait s’y attendre, la contre-attaque de l’industrie visant à saper les efforts engagés dans la lutte contre la pollution plastique se répand tel une trainée de poudre.

Montagne de déchets plastiques, Philippines.

D’abord aux États-Unis, puis en Europe, partout où des mesures pour limiter l’usage des plastiques non-essentiels étaient débattues ou déjà votées, on voit l’industrie pétrochimique monter au créneau.

Le Canada ne fait pas exception. Alors que le gouvernement fédéral s’apprêtait à annoncer l’interdiction de certains plastiques à usage unique, la crise de coronavirus tombe à point pour le lobby de l’industrie plastique, comme le montre la série d’éditoriaux (voir un exemple ici) parus depuis début avril dans divers médias canadiens.

Le plastique, garant d’une hygiène irréprochable?

Le message de l’industrie est pratiquement le même partout. Ces lobbies affirment avec le plus grand sérieux,… et quelques intérêts à la clé, que « les plastiques à usage unique offrent des avantages uniques lorsqu’il s’agit de garantir l’hygiène, la sécurité ainsi que la préservation contre la contamination pour protéger les consommateurs ». 

C’est plus que trompeur. Ce que nous savons, tel que nous l’avons souligné ici, c’est qu’il n’y a pas de substitut à une hygiène stricte et que la contamination peut se produire sur n’importe quelle surface, indépendamment du fait que le matériel soit réutilisable ou à usage unique. 

Rappelons que l’idée selon laquelle le plastique jetable serait garant d’une hygiène irréprochable est une idée avant tout avancée par l’industrie. Il s’agit d’un argument marketing ou, comme l’a récemment souligné Phil Vine, journaliste et spécialiste en communication chez Greenpeace Nouvelle-Zélande, « à moins qu’on ne parle de matériel médical, la matière plastique en soi n’est pas intrinsèquement hygiénique ». En effet, les conditions de stérilité du matériel médical (souvent pris en exemple par l’industrie) ne sont simplement pas comparables avec celles des contenants jetables que l’on trouve dans les commerces, cafés ou restaurants.

Assurer la sécurité tout en évitant les déchets

Mais alors, n’existe-t-il pas des solutions qui permettraient de réduire notre dépendance à l’égard des millions de barquettes de styromousse, ustensiles, sacs plastiques, tasses jetables et autre emballages non-essentiels produits chaque année, tout en garantissant hygiène et sécurité pour les consommateurs?

La réponse est oui. L’option des contenants réutilisables et consignés fournis par les entreprises offre une solution intéressante. Tout d’abord, parce que le nettoyage et la désinfection des contenants sont effectués par des procédés de calibre professionnel. Ensuite, parce que le nombre de personnes ayant eu un contact avec le contenant après la désinfection est limité. 

Cette solution est déjà en cours d’implantation à travers le monde. Ce dont nous avons besoin maintenant, c’est d’investir dans ce type de modèles qui reposent sur le principe d’économie circulaire, et qui permettent d’assurer la sécurité et la santé de toutes et tous sans compromis pour la planète.

Les temps de crise : des incubateurs d’innovations

La santé publique est une priorité absolue en ce moment. Et les épiceries zéro-déchet, ainsi que les grandes entreprises qui sont sur la voie de la réduction des plastiques à usage unique, ont su s’adapter pour assurer la sécurité de leurs clientèle et celle de leurs employé·es.

À l’instar des épiceries LOCO ou Vrac & Bocaux à Montréal, plusieurs commerces zéro-déchet à travers le Canada ont procédé à divers ajustements. Outre la limitation du nombre de client·es en magasin, la mise en place de stations sanitaires ou la désinfection systématique des comptoirs et du matériel, ces entreprises ont mis en place un service de préparation de commande en ligne dans des contenants réutilisables et consignés ou des sacs faits de papier recyclé. Certaines offrent même la livraison à domicile. Il ne vous reste plus après ça qu’à retourner les contenants lors de la cueillette ou de la livraison de votre prochaine commande. Ainsi pas de déchet inutile.

C’est sur ce modèle que la compagnie LOOP Store propose de magasiner à travers des projets pilotes entamés depuis 2019 dans plusieurs villes dans le monde, dont Toronto.

Du côté des cafés, grands générateurs de déchets plastiques, le modèle du réutilisable-consigné pourrait bien engendrer une révolution une fois que les conditions seront réunies pour leur réouverture. Pour éviter la production de milliards de gobelets jetables chaque année à travers le monde, plusieurs initiatives sont déjà en phase d’expansion telles que les tasses Vessel (États-Unis), La Tasse (Québec), ou encore Muuse (Hong-Kong, Singapour et San Francisco).

Du côté de la restauration à emporter, des initiatives comme ReCircle, un système de boîtes à lunch consignées disponible en Suisse, peuvent contribuer à réduire à la source les montagnes de déchets produites hors foyer.

Nous pouvons devons faire mieux

Compte tenu de l’ampleur de la crise de pollution plastique au niveau mondial, il est important de faire entendre une autre voix que celle de l’industrie. En pleine crise sanitaire, certaines grandes chaînes d’épicerie continuent par exemple de permettre è leur clientèle d’apporter des sacs réutilisables en appliquant des mesures de précaution accrues. Il est tout à fait possible de maintenir le cap sur la réduction des plastiques en repensant nos processus, et non l’alternative réutilisable.

Ce que cette crise sanitaire nous démontre, c’est que face à des défis d’ampleur comme celui que nous traversons, l’humanité est capable d’innovation. Considérant que la production de plastique est en hausse, et qu’elle représente l’un des principaux moteurs de croissance du secteur pétrolier et gazier, il est indispensable de nous sortir de cette dépendance aux plastiques jetables si l’on souhaite répondre à la crise climatique et à celle de la pollution plastique.

Cessons d’écouter les sirènes de la pétrochimie et leurs promesses creuses et commençons à promouvoir les efforts de celles et ceux qui travaillent jour après jour à apporter des changements positifs à nos modes de consommation.

Cet article est le dernier de notre série de blogues portant sur le zéro déchet et la santé. Voir les précédents articles Santé et zéro-déchet : quel avenir pour le réutilisable en temps de crise?, Santé et zéro déchet : Dangereux, le réutilisable? Écoutons donc la science, et Santé et zéro-déchet : au-delà du jetable, comment les gouvernements et les entreprises doivent préparer l’après-crise.

Note : votre meilleure source d’information pour protéger votre santé et celle des autres contre la COVID-19 reste les sources officielles, telles que ces ressources de sensibilisation à la santé publique du gouvernement du Canada.