Des centaines de bénévoles participent à la manifestation Love Trumps Hate à Prague, pour montrer qu’ils et elles ne veulent pas de la politique de la peur et de la haine et pour soutenir des activités similaires aux États-Unis. Les Greenpeacers ont rejoint le rassemblement avec le message #BridgesNotWalls («des ponts, pas des murs»).

Il y a quelques jours, j’ai lu pour la première fois l’histoire d’une compagnie pétrolière qui imprimait un autocollant sexualisant une adolescente, également connue sous le nom de Greta, la militante pour le climat. J’ai alors essayé d’imaginer les hommes (je suppose qu’il n’y avait pas de femmes autour de cette table) de X-Site Energy, au moment de prendre la décision d’imprimer cet autocollant arborant fièrement leur logo. 

Comment ont-ils décidé que c’était la chose à faire, qu’il valait la peine de consacrer des ressources à l’impression et à la distribution d’un autocollant destiné à humilier une jeune défenseure de l’environnement ? Quelle légitimité pensent-ils avoir pour prendre cette décision ? Ces questions méritent une attention particulière à l’époque où nous vivons. 

En tant que responsable du numérique chez Greenpeace Canada, je passe beaucoup de temps en ligne et tous les jours, je vois passer des discours haineux et sexistes, publiquement légitimés par diverses personnalités et communautés en ligne. Ce n’est pas la première fois que nous voyons Greta, McKenna, Ocasio-Cortez, et beaucoup d’autres femmes et filles qui prennent position pour la planète, prises pour cibles par des brutes anti-féministes et qui nient les changements climatiques de manière organisée. 

Nous nous souvenons tous du tweet de Trump qui disait à Greta de «se détendre» et de Steve Milloy, membre du personnel de Trump, qui a récemment traité Thunberg d’ « adolescente-marionnette», affirmant que «le monde se moque de cette mascarade qu’est Greta». Pourquoi ces hommes adultes se sentent-ils si menacés et insécurisés ? Parce que de plus en plus de personnes n’en rient pas du tout, et, au contraire, sont profondément inquiètes pour l’avenir de leurs familles face à l’évidence que nous sommes dans une situation d’urgence climatique. 

Derrière chaque tweet du style de ceux de Trump se cachent quelques hommes privilégiés, qui vivent dans un système capitaliste mondial truqué à leur avantage et se sentent menacés par la perte de pouvoir. Leurs sursauts de colère ne concernent pas Greta, mais la protection d’un système qui garantit les privilèges masculins. Et nous pourrions bien voir cette situation s’aggraver avant de s’améliorer… Les chercheurs Anshelm & Hultman affirment que les réactionnaires motivés par le nationalisme de droite, l’anti-féminisme et le négationnisme climatique se rejoignent de plus en plus. [1]

On peut affirmer que les dynamiques en ligne contribuent à légitimer les courants misogynes. Des bulles d’opinions (et non de faits) sont créées, et ce qui aurait pu être le murmure d’une pensée dérangée est normalisé et transformé en une conversation publique à part entière. Nous nous souvenons tous d’un “incel” misogyne en ligne, cette communauté de «célibat involontaire», qui, en 2018, a offert légitimité et acceptance à l’homme derrière l’attaque choquante d’une camionnette de Toronto, visant des femmes. Ces communautés coexistent dans un monde où le #MeToo et le mouvement climatique remodèlent globalement le statu quo des relations entre les sexes et les dynamiques de pouvoir, remettent en question le mode de vie des privilégiés. Le défi est lancé et les puissants ne vont pas abandonner sans se battre. 

Les attaques contre les militant·es ne sont pas nouvelles, mais elles se multiplient à un rythme alarmant. En 2019, des recherches ont montré que les meurtres de défenseur·es de l’environnement ont doublé au cours des 15 dernières années. Je travaillais avec Oxfam au Pérou sur les droits sur le territoire lorsque Berta Cáceres, lauréate du prix Goldman pour les défenseur·es de l’environnement, a été assassinée en 2016. Cette tragédie s’est produite après une longue bataille pour arrêter la construction d’un barrage hydroélectrique financé par la communauté internationale sur la rivière Gualcarque, dans l’ouest du Honduras, considérée comme sacrée par le peuple Lenca. Le stress croissant subi par notre environnement, lié à la demande mondiale de ressources, pousse les industries extractives vers des régions éloignées, où les attaques sont trop souvent menées en toute impunité. L’ajout d’une perspective de genre aux attaques nous ramène à celle de X-Site Energy contre Greta, une jeune femme.  

Le journaliste Martin Glen affirme que «les femmes exerçant une quelconque autorité subissent une certaine diffamation fondée sur le sexe, et militer pour le climat l’amplifie inévitablement». [2]  La bonne nouvelle, c’est que le pouvoir se sent menacé. Les privilégiés observent, prêtent attention et ressentent suffisamment de changements dans la dynamique du pouvoir patriarcal et économique auquel ils sont si attachés pour réagir. Nous devrons poursuivre la conversation sur la polarisation, l’extrémisme, le genre, le climat, mais une chose est certaine : un vent de changement est dans l’air. 

Je pense que nous sommes en train de gagner, Greta.  

[1] & [2]  Martin Glen, The New Republic: The Misogyny of Climate Denier

References (articles en anglais)

Chatelaine: Women Fighting Climate Change Are Targets For Misogynist

International Journal for Masculinity Studies: A green fatwā? Climate change as a threat to the masculinity of industrial modernity

National Post: Greta sticker that drew outrage in Alberta not child pornography: RCMP

The Globe and Mail: Toronto van attack: How you can help and what we know so far

The Guardian: Berta Cáceres: seven men convicted of murdering Honduran environmentalist

The Guardian: Environmental activist murders double in 15 years

The New Republic: The Misogyny of Climate Deniers