La semaine dernière, Greenpeace Canada a offert aux Libéraux une ébauche du discours du Trône, décrivant un programme de transformation économique progressiste et durable. L’analyse ci-dessous compare dans le détail les éléments annoncés lors du discours du Trône aux politiques que nous avons recommandées, et donne un aperçu des prochaines étapes.

Les Libéraux ne passent le test que dans cinq des 21 politiques recommandées par Greenpeace, et ont carrément échoué dans cinq autres domaines-clés. Dans la plupart des champs d’actions, le parti Libéral a montré quelques signes de progrès, mais il n’a tout simplement pas fourni suffisamment de détails pour que les analystes puissent déterminer si ses plans obtiennent la note de passage. Comme prévu, les promesses d’expansion du filet de protection sociale et de justice pour les communautés touchées par la pandémie ont été privilégiées par rapport à des objectifs environnementaux plus ambitieux, bien qu’un engagement à faire des changements climatiques la pierre angulaire d’une stratégie visant à créer un million de nouveaux emplois ait été une promesse remarquable.

Malheureusement, un certain nombre de politiques et de promesses environnementales peu reluisantes issues de la plateforme électorale de 2019 ont été recyclées dans le discours, soulignant un manque de progrès décevant. Dans le même temps, ces dernières semaines, les Libéraux ont indiqué qu’ils prévoyaient de mettre en place des mesures vertes parallèlement à une série de « fausses solutions » : des mesures qui semblent vertes, mais qui causent en réalité des dommages environnementaux. On pense notamment au développement de la fracturation (gaz naturel) et de la mise en place de réacteurs nucléaires risqués et non éprouvés. Ce type d’écoblanchiment – formulé dans le langage du discours du Trône comme « la prochaine génération de solutions énergétiques et technologiques propres » – menace de réduire à néant les gains des mesures de décarbonisation.

Protection de l’environnement

Analyse de Sarah King, Responsable de la campagne Océans & Plastique :

Le discours du Trône n’a pas apporté de nouvelles informations sur la promesse faite il y a un an par le gouvernement fédéral de s’attaquer aux plastiques à usage unique. De la production à l’élimination, le plastique pollue, menace notre santé et exacerbe les crises du climat, de la biodiversité et des déchets qui s’aggravent autour de nous. Il serait vain de garantir que davantage de plastique sera recyclé si aucun effort n’est fait pour réduire massivement la production de plastique vierge.

Le Canada ne pourra atteindre l’objectif de zéro émission nette et zéro déchet plastique, ou parvenir à une protection significative de l’eau douce et des océans sans s’engager sérieusement à interdire toute la gamme des plastiques à usage unique problématiques, polluants et inutiles. Il ne pourra pas non plus atteindre ces objectifs sans investir sérieusement dans la transition vers une économie zéro déchet et véritablement circulaire, basée sur la réutilisation et le réemploi. 

Analyse de Shane Moffatt, Responsable de la campagne Nature & Alimentation :

Une chose que le discours du Trône a énoncé avec justesse, c’est à quel point la nature est essentielle aux yeux des Canadien·nes, notamment en temps de pandémie. Mais lorsqu’il s’agit de protéger l’environnement naturel du Canada, ce gouvernement est à la traîne. Recycler une vieille promesse de planter 2 milliards d’arbres est loin d’être suffisant. Nous avons besoin d’un investissement massif dans les «emplois pour la nature» pour restaurer nos forêts, nos océans et nettoyer nos rivières. Cela représenterait aussi une contribution majeure à la lutte contre les changements climatiques et l’extinction des espèces à travers le monde.

Dans le même temps, de plus en plus de Canadien·nes souffrent de la faim, en particulier dans les communautés noires et autochtones à faible revenu. Il est donc profondément décevant que le discours n’ait pas fait mention d’un revenu de base universel, qui est essentiel pour lutter contre la pauvreté, cause première de la faim. J’espère qu’il fera son retour dans la mise à jour économique prévue cet automne, ainsi qu’un soutien concret aux agriculteurs et agricultrices canadien·nes pour décarboniser notre économie en passant à une production alimentaire biologique et d’origine végétale.

Analyse de Keith Stewart, Stratège senior en énergie :

Nombre des mesures liées à l’énergie annoncées dans le discours du Trône ont été reprises de la plate-forme électorale de 2019 ou du cadre pancanadien sur les changements climatiques de 2016. C’est pourquoi nous tenons à ce qu’elles soient mises en œuvre et non simplement proposées. 

Nous devons également aller plus loin. En ce qui concerne les véhicules électriques, par exemple, le gouvernement devrait introduire une législation pour les véhicules à zéro émission et une date pour l’interdiction de la vente de nouveaux véhicules à combustion interne (comme l’a fait la Californie). 

Le nouveau plan climatique proposé devra «nous montrer les tonnes». Nous devons voir comment les mesures permettront d’obtenir des réductions suffisantes pour combler l’écart, puis dépasser l’objectif actuel de 2030. Il devrait également prévoir que toute province ou tout groupe industriel proposant d’affaiblir une mesure spécifique présente sa contre-proposition, quant à la manière dont les tonnes manquantes pourraient être compensées.

Justice sociale et équité

Analyse de Jesse Firempong, porte-parole en justice climatique:

Prendre en compte la récession “au féminin”, améliorer le filet de protection sociale et décarboniser la société de manière à rendre notre vie plus saine et plus abordable sont des avancées bienvenues. Si nous soutenons les plans visant à renforcer la résilience des communautés face aux phénomènes climatiques extrêmes, nous notons cependant des occasions manquées. Un revenu de base universel, des congés de maladie minimums au niveau national, un engagement clair en faveur de la citoyenneté des travailleurs et travailleuses migrant·es ainsi qu’un respect sans équivoque des droits des Autochtones contribueraient grandement à renforcer la résilience des communautés face aux crises de toutes sortes.

Dans le même temps, définancer la police, établir un système plus abouti de pollueur-payeur et un plan concret pour mettre fin aux subventions aux combustibles fossiles, permettraient de libérer des fonds pour réaliser de tels investissements et catalyser la décarbonisation. Avec des millions de ménages vulnérables aux conditions climatiques extrêmes  — dont les coûts de santé dépassent désormais 1,6 milliard de dollars par an  — il est inadmissible que les dépenses pour les combustibles fossiles liées à la pandémie dépassent les dépenses “vertes” à un ratio d’environ quatre pour un

Les lettres de mandat devraient charger les ministres de définir des plans clairs et équitables de transition vers l’abandon des combustibles fossiles, en veillant notamment à ce que les plus riches d’entre nous et les plus gros pollueurs paient une part juste.

Améliorer le filet de protection sociale

Droits des femmes, des Peuples autochtones et des personnes racialisées

Comment financer ces mesures?