Amsterdam, Pays-Bas – Dans une nouvelle vidéo publiée aujourd’hui, Greenpeace International révèle les dégâts dramatiques causés par le chalutage de fond sur les monts sous marins de l’Empereur dans le Pacifique Nord, et appelle à la création dans cette zone d’une nouvelle aire marine protégée en haute mer, qui comprendrait l’interdiction de toute activité de pêche. 

Ces images, recueillies par des scientifiques de l’université d’État de Floride durant plusieurs années [1], montrent les traces laissées par les chaluts de fond sur les fonds marins à des milliers de mètres sous la surface. Elles constituent des preuves irréfutables de la façon dont ce précieux écosystème a été décimé par des années de chalutage de fond, une pratique qui consiste à traîner de lourds engins de pêche sur le fond marin, détruisant sur leur passage des écosystèmes fragiles dont le développement s’étale sur des milliers d’années.

Les vidéos sont disponibles ici, dans la médiathèque de Greenpeace.

« Les profondeurs de l’océan révèlent un monde fascinant, mystérieux et plein de vie. Ces vidéos d’engins de pêche “fantômes” jonchant les fonds marins à des milliers de mètres sous la surface témoignent de l’ampleur de l’impact de l’industrie de la pêche, et nous rappelle l’urgente nécessité de protéger les monts sous-marins en haute mer afin qu’ils se régénèrent et offrent à nouveau un habitat propice au développement de la vie marine, comme dans les zones non touchées. », explique Amy Baco-Taylor, professeure au département des sciences de la Terre, de l’océan et de l’atmosphère à l’université d’État de Floride

Les monts sous-marins de l’Empereur, une chaîne isolée de plus de 800 monts sous-marins, constituent un point chaud sur le plan écologique et culturel [2] ainsi qu’un écosystème marin vulnérable (EMV) abritant une riche variété de coraux et d’éponges d’eau froide, des crustacés, des étoiles de mer et plusieurs espèces de mammifères marins. Les chalutiers ciblent cette zone en raison de l’abondance de sa vie marine.

Le chalutage de fond est la méthode privilégiée par les flottes de pêche commerciale en raison du fort potentiel de prises en un seul passage. Mais il s’agit d’une méthode de pêche non sélective qui racle les écosystèmes des fonds marins et entraîne une quantité importante de prises accessoires, ce qui menace la biodiversité marine et l’avenir des pêcheries elles-mêmes. 

« Même dans les zones les plus reculées de l’océan, dans le grand silence des profondeurs, la pêche industrielle provoque des destructions, ajoute Chris Thorne, responsable de la campagne Protégeons les océans de Greenpeace.  Les monts sous-marins de l’Empereur doivent être l’une des premières zones protégées dans le cadre du Traité mondial sur les océans, et la première d’une longue liste de nouvelles aires protégées dont la superficie doit couvrir 30% des océans de la planète d’ici à 2030. »


En 2006, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution appelant à protéger les écosystèmes marins vulnérables, y compris les monts sous-marins, contre le chalutage de fond. Mais les États et les organisations régionales de pêche ne cessent de remettre à plus tard l’adoption de mesures, année après année. Il est plus urgent que jamais de ratifier le Traité mondial sur les océans pour protéger les écosystèmes vulnérables. 

Il est estimé que seuls 20 navires originaires de six pays pratiquent le chalutage de fond sur les monts sous-marins en haute mer. Cependant, cette activité cause une large destruction à long terme, alors même que les captures sur les monts sous-marins ne représentent qu’une faible proportion du total des captures marines mondiales [3]. Au mois d’avril, la Commission des pêches du Pacifique Nord (NPFC, de l’anglais North Pacific Fisheries Commission), l’organe responsable de la gestion de la pêche dans cette zone, a rejeté une proposition des États-Unis et du Canada visant à interdire le chalutage de fond sur les monts sous-marins de l’Empereur, bien qu’il n’y ait à l’heure actuelle que deux navires pratiquant la pêche de fond sur le site [4].

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Contacts : 

Magali Rubino, responsable mondiale des médias pour la campagne Océans de Greenpeace, Greenpeace France: [email protected] +33 7 78 41 78 78 (GMT+1)

Bureau de presse de Greenpeace International :

[email protected], +31 (0) 20 718 2470 (disponible 24h sur 24)

Notes:

[1] Les images ont été captées par des submersibles ROV et AUV dans le cadre de deux projets de recherche du Dr. Amy Baco-Taylor (financés par la National Science Foundation) en 2016/17 et 2022. Amy Baco-Taylor est une experte reconnue des monts sous-marins de l’Empereur. 

[2] Les monts sous-marins de l’Empereur ont une riche histoire culturelle qui s’étend sur des milliers d’années. Voir l’article « A Forgotten Maritime Highway: Maritime Cultural Heritage of the Emperor Seamounts with Implications for High Seas Conservation » (2024) https://link.springer.com/article/10.1007/s11457-024-09389-4 

Papahānaumokuākea et la zone océanique qui s’étend au-delà revêtent une profonde signification cosmologique et traditionnelle pour la culture hawaïenne autochtone, en tant qu’environnement ancestral et incarnation du concept hawaïen de parenté entre les peuples et la nature. 

[3] La plupart des captures ciblées effectuées par ces navires dans les zones de haute mer sont constituées de quatre espèces : la tête casquée pélagique (Pseudopentaceros wheeleri) dans le Pacifique Nord ; le béryx long (Beryx splendens) dans le Pacifique Nord, le sud de l’océan Indien et l’Atlantique Nord ; l’hoplostète orange (Hoplostethus atlanticus) dans le Pacifique Sud-Ouest, le sud de l’océan Indien et l’Atlantique Nord-Est ; et le grenadier de roche (Coryphaenoides rupestris) dans l’Atlantique Nord-Est.
« Protecting Global Seamounts », Deep Sea Conservation Coalition https://deep-sea-conservation.org/wp-content/uploads/2023/12/Protecting-Global-Ocean-Seamounts-7.pdf

[4] Les membres du NPFC ont rejeté la proposition des États-Unis et du Canada principalement en raison de l’opposition du Japon, ce qui signifie que la Commission n’a pas respecté les engagements et obligations qui lui incombent en vertu des lois internationales en matière de gestion de la pêche en haute mer afin de garantir « la protection de la biodiversité dans l’environnement marin ».  

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Chris Thorne est le responsable de la campagne Protégeons les océans pour Greenpeace au Royaume-Uni.  

Le Rainbow Warrior, navire de Greenpeace, a achevé une expédition de cinq semaines dans l’océan Pacifique Nord pour documenter les pratiques de pêches destructrices et les conditions de travail des palangriers taïwanais présents dans la zone des monts sous-marins de l’Empereur. L’équipe de Greenpeace chargée d’enquêter sur ces palangriers a été témoin de la capture de plusieurs requins : https://www.greenpeace.org/international/press-release/69420/greenpeace-first-complete-longliner-investigations-witnesses-shark-deaths-depleted-fisheries-north-pacific/