TORONTO – Un projet phare de captage de carbone mené par Shell a généré plus de 200 millions de dollars canadiens en vendant des crédits d’émissions pour des réductions qui n’ont jamais eu lieu, selon un nouveau rapport d’enquête de Greenpeace Canada intitulé L’art de brasser de l’air [1]. Ces conclusions surviennent alors que les entreprises de sables bitumineux canadiennes prônent le captage et le stockage du carbone (CSC) comme solution à la pollution par les sables bitumineux, tout en faisant du lobbying contre le plafonnement des émissions de ce secteur [2].

Des documents obtenus par Greenpeace suite à une demande d’accès à l’information montrent que Shell a fait pression sur le gouvernement de l’Alberta et a obtenu un accord afin d’augmenter le subventionnement du projet. En vertu de cette entente, Shell a pu vendre des crédits correspondant à deux tonnes de CO2 pour chaque tonne capturée – et garder tous les profits.

« Vendre des crédits d’émissions pour des réductions qui n’ont jamais eu lieu est tout simplement une arnaque, car cela aggrave les changements climatiques », a déclaré Keith Stewart, stratège principal en matière d’énergie chez Greenpeace Canada et auteur du rapport L’art de brasser de l’air. « Les fausses promesses et les émissions fantômes qui caractérisent ce projet démontrent clairement que le Canada a besoin d’un plafond législatif pour les émissions de gaz à effet de serre issues des secteurs pétrolier et gazier ».

Le rapport établit qu’en ajoutant la valeur des crédits fantômes aux 777 millions de dollars canadiens de subventions directes accordées à Shell par les gouvernements provinciaux et fédéral jusqu’à présent, les contribuables ont couvert 93 % des coûts du projet de CSC Quest de Shell. Au terme de l’année 2022, le projet Quest avait enregistré 126 millions de dollars canadiens de plus en recettes qu’en dépenses.

Le gouvernement de l’Alberta et les entreprises de sables bitumineux ont longtemps présenté le CSC comme une solution aux préoccupations environnementales liées à l’augmentation de la production de combustibles fossiles. Au fil des ans, le gouvernement albertain a annoncé des objectifs ambitieux en matière de captage du CO2. Notamment dans le plan climatique de l’Alberta de 2008, il prévoyait le captage de 30 millions de tonnes de carbone d’ici 2020 – mais il n’a toujours pas été en mesure de les atteindre.

Le projet de CSC Quest permet d’éviter moins d’un million de tonnes d’émissions par an. Pendant ce temps, les émissions de gaz à effet de serre provenant des sables bitumineux ont augmenté de 50 millions de tonnes depuis que Shell a commencé les travaux de conception du projet en 2005 et de 16 millions de tonnes depuis sa première année complète d’opération en 2016.

« Même si c’est techniquement légal, ça ne veut pas dire que c’est correct pour autant », affirme Stewart. Les entreprises qui ont le plus pollué et le plus profité doivent rendre des comptes. Il faut que les compagnies pétrolières commencent à réduire progressivement leur production, tout en soutenant financièrement les personnes, les communautés et les pays les plus vulnérables dans leur transition vers des énergies propres et renouvelables » [3].

Le rapport note également que dans son rapport de novembre 2023 sur le rôle de l’industrie pétrolière dans la transition énergétique, l’Agence internationale de l’énergie a déclaré que les pétrolières et les gazières doivent réduire progressivement leur production et que le captage de carbone, vu son potentiel très limité de réduction des émissions sur l’ensemble du cycle de vie, ne doit pas être utilisé pour maintenir le statu quo.

Notes aux éditeur·rices :

[1] Les données tirées du registre des crédits carbone de l’Alberta et des rapports de Shell au gouvernement de l’Alberta montrent qu’au cours de la période 2015-2022, les bénéfices générés par ces 5,7 millions de tonnes de crédits « fantômes » (appelés « supplémentaires » dans le registre) s’élevaient à 203 millions de dollars canadiens. Ces crédits « fantômes » ne correspondent à aucun carbone capté ou évité.

[2] https://thenarwhal.ca/pathways-alliance-emissions-cap/ (disponible en anglais seulement)

[3] Greenpeace Canada appelle à l’imposition d’une taxe sur les superprofits des entreprises pétrolières afin d’investir dans des solutions climatiques et de remédier à la crise du coût de la vie aggravée par le prix élevé des combustibles fossiles et les catastrophes climatiques.

Pour plus de renseignements, veuillez contacter :

Philippa Duchastel de Montrouge, conseillère aux communications, Greenpeace Canada, [email protected], +1 (514) 929-8227