Malgré la multiplication des incendies et des inondations, les banques canadiennes demeurent à la traîne et constituent des « bailleurs de fonds de dernier recours » pour les combustibles fossiles

Territoires traditionnels des peuples Ho-de-no-sau-nee-ga (Haudenosaunee), Anishinabewaki ᐊᓂᔑᓈᐯᐗᑭ, de la Première Nation des Mississaugas de Credit, et des Premières Nations Mississauga et Wendake-Nionwentsïo (aussi appelé Toronto, Ontario, Canada) – Publié aujourd’hui, le 14e rapport annuel Banking on Climate Chaos ─ qui constitue l’analyse mondiale la plus complète sur le financement bancaire lié aux combustibles fossiles ─ révèle que la Banque Royale du Canada est devenue en 2022 le numéro un mondial des bailleurs de fonds pour les combustibles fossiles

RBC a injecté plus de 42.1 milliards de dollars (USD) dans les compagnies de combustibles fossiles durant le dernier exercice fiscal, soit une augmentation par rapport aux niveaux de 2021. Au total, depuis la signature de l’Accord de Paris sur le climat en 2016, RBC a octroyé plus de 253.98 milliards de dollars (USD) de financement aux compagnies de combustibles fossiles.

Le financement total des entreprises de combustibles fossiles par les banques canadiennes a augmenté en 2022 par rapport aux niveaux de 2021, atteignant plus de 137 milliards (USD) – le montant le plus élevé depuis avant la signature de l’Accord de Paris sur le climat. 

Pour plus d’informations concernant le financement des combustibles fossiles par les banques canadiennes, cliquez ici (en anglais). 

BanqueFinancement fossile 2022 (milliards USD / CAD)Rang annuel mondial en 2022Rang annuel mondial en 2016 – 2021
RBC42.1 / 54.71
Banque Scotia29.5 / 38.479
TD29.0 / 37.7810
BMO19.3 / 25.11315
CIBC17.9 / 23.31419
TOTAL137.8 / 179.2

La pression publique monte pour que la première banque de financement des combustibles fossiles du Canada ─ et désormais du monde ─ cesse de financer l’expansion des énergies fossiles et augmente ses investissements dans des solutions sans danger pour le climat. 

Lors de son Assemblée générale annuelle (AGA) la semaine dernière à Saskatoon, RBC a démontré son absence d’intérêt pour la réconciliation, confirmant son colonialisme corporatif dans la façon dont elle a traité la délégation autochtone. La banque a ainsi opté pour l’application d’un système de réserve au sein de son AGA, obligeant les délégué·es autochtones à se rendre dans une salle à se rendre dans une salle secondaire et à utiliser un laissez-passer d’une couleur distinctive.

À l’extérieur de l’AGA, une foule composée de centaines de protecteur·rices de l’eau autochtones, de jeunes et d’allié·es s’était rassemblée. L’AGA de la RBC s’est tenue exactement une semaine après un raid de la GRC en territoire Wet’suwet’en, sur le site du village Gidimt’en, où 5 personnes défendant le territoire, principalement des femmes autochtones, ont été arrêtées. Quelques jours plus tôt, à l’occasion du 1er avril (Fossil Fool’s Day), des milliers de personnes avaient participé à des actions ciblant plus de 40 succursales de la RBC à travers le « Canada ».

À la veille de son assemblée générale, des rapports ont révélé que RBC avait contribué à boucler un financement de 5,4 milliards de dollars (USD) lié au « développement durable » au profit d’un exploitant de mine de charbon en Allemagne, tandis qu’en Australie, elle fait face, avec 11 autres banques, à une action en justice pour violation des droits humains intentée par des propriétaires traditionnels pour son implication dans un projet gazier de 4,7 milliards de dollars.

En dépit de ses engagements net zéro et de son discours public, RBC continue de financer l’expansion des combustibles fossiles, incluant le financement de projets dangereux qui porte atteinte à la souveraineté autochtones, tels que le projet de gazoduc Coastal GasLink qui n’a obtenu aucun consentement de la part des chefs héréditaires Wet’suwet’en. Plusieurs des clients de RBC impliqués dans l’industrie pétro-gazière ont en outre augmenté leurs émissions globales en 2022.

RBC fait actuellement l’objet d’une enquête par le Bureau de la Concurrence du Canada pour avoir supposément trompé les consommateurs et consommatrices avec des publicités liées au climat tout en continuant d’augmenter son financement du charbon, du pétrole et du gaz. 

Tendances du secteur des combustibles fossiles

Expansion : Les 60 banques étudiées dans ce rapport ont injecté 150 milliards de dollars en 2022 dans les 100 plus importantes compagnies impliquées dans le développement des combustibles fossiles, incluant TC Energy, TotalEnergies, Venture Global, ConocoPhillips, et Saudi Aramco. 

Gaz naturel liquéfié (GNL) : les principaux bailleurs de fonds du gaz « naturel » liquéfié en 2022 étaient Morgan Stanley, JPMorgan Chase, Mizuho, ING, Citi, et SMBC Group. Le financement global du GNL a presque doublé, passant de 10.8$ milliards à 21,3 milliards de dollars en 2022. 

Sables bitumineux : les plus importants exploitants de sables bitumineux ont reçu 21 milliards de dollars de financement en 2022, principalement en provenance des grandes banques canadiennes, dont les fonds atteignent 89% du total. TD, RBC et la Banque de Montréal font partie du Top 3. 

Pétrole et gaz de l’Arctique : les banques chinoises ICBC, Agricultural Bank of China, et China Construction Bank sont les premières à avoir financé l’exploitation du pétrole et du gaz en Arctique, totalisant 2,9 milliards de dollars au profit des principales compagnies du secteur en 2022. JPMorgan Chase, Citi, et Bank of America font partie des 26 banques qui financent toujours le pétrole et le gaz arctique. 

Pétrole et gaz de l’Amazonie : la banque espagnole Santander est leader des financements accordés aux compagnies qui exploitent le biome amazonien, suivie de près par la banque états-unienne Citi. Le financement total s’élevait à 769 millions de dollars en 2022. 

Pétrole et gaz issu de la fracturation : le financement des compagnies de fracturation a totalisé 67,0 milliards de dollars en 2022, ce qui correspond à une hausse de 8 % par rapport à l’année 2021 pour les principaux exploitants. Cette hausse est particulièrement inquiétante considérant le niveau extrême d’émissions de méthane issu de la fracturation. RBC et JPMorgan Chase font partie des principaux bailleurs de fonds du pétrole et du gaz fracturé en 2022, depuis l’adoption de l’Accord de Paris.

Pétrole et gaz offshore : les banques européennes BNP Paribas, Crédit Agricole, et la banque japonaise SMBC Group sont en tête de liste des pires bailleurs de fonds du pétrole et du gaz offshore en 2022. Le financement s’élevait à 34 milliards de dollars en 2022. 

Charbon (mine): sur les 13,0 milliards de dollars de financement accordés aux 30 plus grandes sociétés minières du monde, 87 % ont été fournis par des banques situées en Chine, au premier rang desquelles la China CITIC Bank, la China Everbright Bank et l’Industrial Bank.

Charbon (énergie) : parmi les financements accordés aux 30 premières entreprises mondiales du secteur de l’énergie au charbon, 97 % ont été fournis par des banques chinoises. Ces entreprises, qui prévoient augmenter leur capacité de production d’électricité à partir du charbon, ont reçu 29,5 milliards de dollars de la part des banques répertoriées en 2022.

L’ensemble des données ─ comprenant les documents de presse mondiaux, les données portant sur le financement des combustibles fossiles, les notes stratégiques et les témoignages de première ligne ─ sont disponibles à l’adresse bankingonclimatechaos.org.

CITATIONS

Chef Na’Moks, Chef Héréditaire Wet’suwet’en, a déclaré : « Lorsque le Groupe d’intervention pour la sécurité de la collectivité et de l’industrie a été créé en 2017, avec l’intention manifeste d’appliquer une violence sans restriction soutenue par les gouvernements fédéral et provinciaux, c’était pour retirer les droits des peuples autochtones et les droits humains à tous les peuples du soi-disant Canada démocratique. Les actions de ces unités de la GRC ont prouvé que celles et ceux qui souhaitent protéger l’intégrité de l’eau et des territoires, la sécurité alimentaire et l’air que nous respirons et dont notre vie dépend, ne sont que « le prix à payer pour faire des affaires » pour l’industrie, le gouvernement et la Banque Royale du Canada qui finance ce colonialisme corporatif. Aucune conscience, aucune morale, aucun futur. La voie sur laquelle s’est engagée RBC peut être définie comme celle d’un psychopathe ou celle d’un sociopathe, mais n’est pas la voie menant à un avenir meilleur. »

Sleydo’, porte-parole du poste de contrôle Gidimt’en, a déclaré : « Alors que RBC est la banque dans le monde qui financé le plus les combustibles fossiles en 2022, le PDG Dave McKay tente de jeter les autres banques sous l’autobus – comme si elles étaient aussi mauvaises, voire pires. Pendant ce temps, la Banque Royale du Canada finance la violence et la destruction du peuple Wet’suwet’en et de la Wedzin Kwa. Le projet colonial Coastal GasLink de RBC alimente le harcèlement par des mercenaires privés du GISCI. Il est temps que la RBC cesse de financer le chaos climatique, de fuir ses responsabilités et de harceler les défenseurr·ses des terres autochtones. »

Richard Brooks, Directeur Finances Climat chez Stand.earth, a déclaré : « Il est obscène que la Banque Royale du Canada soit désormais le banquier le plus sale du monde pour les énergies fossiles – le PDG Dave McKay devrait avoir honte. Alors que nous nous efforçons de faire progresser l’action climatique à tous les niveaux, RBC va complètement dans la mauvaise direction, faisant reculer nos ambitions en matière de climat et positionnant les banques canadiennes comme des prêteurs de dernier recours pour les énergies fossiles. Publiquement, RBC dépense des millions en publicité d’écoblanchiment, prétendant soutenir les droits des peuples autochtones. En réalité, la banque pollue nos communautés, finance le chaos climatique et les violations des droits des peuples autochtones à hauteur de milliards. Le financement avide des énergies fossiles par la RBC est un signal clair de la nécessité d’une réglementation accrue et d’une pression agressive de la part des actionnaires et des clients. »

Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada, a déclaré : « Alors que  RBC devient le plus grand bailleur de fonds des énergies fossiles au monde et que d’autres grandes banques canadiennes progressent dans le classement mondial, il est clair que nous ne pouvons plus faire confiance aux banquiers pour qu’ils fassent ce qu’il faut en matière de climat ou de droits des peuples autochtones. Si l’on continue à demander poliment aux banques de changer leurs politiques pour respecter la science du climat et les droits des peuples autochtones, elles ne feront que continuer leur écoblanchiment. Le Canada est sur le point de légiférer pour obliger les constructeurs automobiles à abandonner progressivement les voitures à essence au profit des véhicules électriques. De la même manière, il doit maintenant exiger que les banques abandonnent progressivement le financement des combustibles fossiles tout en augmentant leur soutien aux énergies propres. » 

Dani Michie, chargée de campagne numérique chez Banking on a Better Future, a déclaré : « L’année dernière, nous nous sommes rassemblé·es devant le Ritz Carlton à Toronto, alors que le PDG de RBC recevait le prix du chef d’entreprise de l’année décerné par l’école de commerce Ivey. Nous lui avons décerné un prix beaucoup plus juste, en nommant McKay le vilain climatique de l’année. Un prix tout à fait approprié maintenant que RBC est passée du cinquième plus grand financeur mondial des combustibles fossiles au pire au monde. RBC finance le chaos climatique, les violations de la souveraineté autochtone et la destruction de notre avenir collectif. Le racisme et la discrimination flagrants affichés lors de l’AGA de RBC la semaine dernière ne font que confirmer ce que nous savons déjà être vrai : RBC ne se préoccupe que de ses résultats financiers. Cette banque fera toujours passer les profits avant les gens. Nous retirons notre argent des banques qui financent les combustibles fossiles et nous les expulsons de nos campus jusqu’à ce qu’elles se désengagent des combustibles fossiles et qu’elles respectent la souveraineté des peuples autochtones. »

Kate Turner, coordinatrice de Solidarité décoloniale, a déclaré : «Les gens dits “ordinaires”, y compris les client·es de RBC, font partie d’un mouvement croissant de solidarité avec les défenseur·ses des terres Wet’suwet’en et d’autres communautés en première ligne de l’extraction violente des ressources. Il y a tout juste deux semaines, des milliers de personnes dans 40 localités se sont mobilisées pour exiger que RBC retire tout soutien à Coastal GasLink et mette en œuvre des politiques de consentement libre, préalable et éclairé conformes au droit international et canadien. Ce rapport a anéanti le peu de pertinence et de crédibilité qui restait à RBC. RBC perd rapidement le soutien de ses client·es et de ses employé·es, ainsi que son image publique. Des personnes âgées aux étudiant·es, uni·es par la solidarité, nous ne cesserons jamais de nous battre pour un environnement sain et juste pour tous·tes. »
Gabrielle Willms, organisatrice de Pour Nos Enfants (For Our Kids), a déclaré : « Après avoir vu RBC utiliser des tactiques policières et d’intimidation pour repousser les défenseur·ses des terres autochtones et les membres des communautés de première ligne lors de son assemblée générale annuelle la semaine dernière, il n’est pas surprenant de voir qu’elle a pris le titre de plus important bailleur de fonds au monde des énergies fossiles. RBC n’a montré aucun intérêt à assumer la responsabilité de son rôle dans l’aggravation de la crise climatique, et elle continue à donner la priorité aux profits plutôt qu’aux droits humains fondamentaux et à un avenir viable pour toutes les personnes. Les parents et les familles continueront à effectuer leurs transactions bancaires ailleurs et à faire pression sur notre gouvernement pour qu’il réglemente les grandes banques canadiennes jusqu’à ce qu’elles commencent à respecter la souveraineté des peuples autochtones et cessent de saper les actions urgentes en faveur du climat. »

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Pour plus d’information, veuillez contacter:

Laura Bergamo, conseillère aux communications, Greenpeace Canada

[email protected] ; 438-928-5237