Les groupes demandent au Bureau de la concurrence d’enquêter

OTTAWA/TERRITOIRE TRADITIONNEL ET NON CÉDÉ DU PEUPLE ALGONQUIN ANISHNAABEG – À l’approche de la plus grande conférence mondiale sur la nature depuis une décennie, huit organisations environnementales de premier plan à travers le pays ont déposé une plainte auprès du Bureau de la concurrence pour lui demander de faire enquête sur les allégations de « durabilité » fausses et mensongères faites par la Sustainable Forestry Initiative (SFI) au sujet de son système de certification de foresterie durable. 

La SFI est le plus grand organisme de certification de forêts et de produits forestiers en Amérique du Nord et est soutenue par l’industrie forestière. Si la SFI donne l’impression que les opérations d’exploitation forestière qu’elle certifie sont « durables », elle ne dispose d’aucune règle exigeant que l’exploitation réponde à des critères de durabilité prédéfinis et n’effectue aucune évaluation sur le terrain pour confirmer la durabilité des pratiques. La SFI fait depuis longtemps l’objet de critiques de la part de groupes environnementaux et communautaires, tant au Canada qu’aux États-Unis.

Ecojustice a déposé la plainte auprès du Bureau de la concurrence au nom de Greenpeace Canada, de la Wildlands League, de la Fondation David Suzuki, de la Alberta Wilderness Association, du Wilderness Committee, du Ecology Action Centre, de Nature Nova Scotia, du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick et d’un professeur de foresterie de l’Université de Toronto. 

Dans le contexte d’une définition internationalement acceptée de la gestion forestière durable, les groupes affirment que la SFI dresse un tableau faussé des normes de son système de certification et que cela a contribué et continuera de contribuer à une exploitation forestière non durable d’envergure à l’échelle mondiale et au Canada. La certification de la SFI autorise la coupe à blanc, la pulvérisation de produits chimiques toxiques et l’exploitation de forêts menacées (y compris les forêts anciennes et l’habitat du caribou). 

Devon Page, directeur général d’Ecojustice, a déclaré :

« La norme de la Sustainable Forestry Initiative est une certification fondée sur l’écoblanchiment qui induit le public en erreur et ne protège pas les forêts et l’environnement. Cette supercherie doit cesser immédiatement.

« La certification forestière pourrait être un outil utile pour aider le public à identifier et à acheter des produits provenant de forêts bien gérées. Cependant, les certifications en provenance de l’industrie, telles que la norme SFI, ont été altérées pour devenir un outil permettant de dissimuler les pratiques forestières irresponsables. »

Marie-Josée Béliveau, chargée de campagne Nature et Alimentation chez Greenpeace Canada, a déclaré : 

« Les tactiques d’écoblanchiment déployées par la SFI pour dissimuler l’exploitation forestière non durable entrave toute action urgente de la part du gouvernement. La réalité est que les forêts du Canada, et notamment celles du Québec, sont en crise et qu’aucune certification ne peut masquer ce fait. Nous avons plutôt besoin de lois plus fortes pour protéger les forêts anciennes et la biodiversité menacée contre les multinationales forestières – et d’un soutien accru pour les droits territoriaux des peuples autochtones. »

Raymond Plourde, coordinateur principal de l’Ecology Action Centre, a déclaré :

« Les entreprises forestières régies par la norme de certification SFI peuvent couper à blanc des forêts mixtes naturelles, pulvériser du glyphosate pour supprimer la repousse naturelle et les remplacer par des plantations de résineux tout en prétendant être « vertes » sur le marché. C’est de l’écoblanchiment dans sa plus simple expression et il faut que cela cesse. »

Rachel Plotkin, responsable du projet Boréal à la Fondation David Suzuki, a déclaré :

« Le public en a assez de ces tactiques d’écoblanchiment généralisé. Les consommateur·rices qui achètent un produit en croyant qu’il est produit de manière durable méritent que cette affirmation soit soutenue par une norme crédible. Nous comptons sur le Bureau de la concurrence pour protéger les consommateur·rices et rétablir leur confiance. »

Torrance Coste, directeur de campagne national au sein du Wilderness Committee, a déclaré :

« Marcher à travers une zone de coupe à blanc remplie de souches d’arbres millénaires est toujours affreux, mais savoir que la destruction de ces écosystèmes irremplaçables est commercialisée comme étant durable est particulièrement difficile à digérer. Les entreprises ne devraient pas être autorisées à exploiter les forêts anciennes en péril, et l’industrie ne devrait pas être autorisée à qualifier cette exploitation de durable. »

Jay Malcolm, professeur de foresterie à la retraite de l’Université de Toronto, a déclaré :

« Au lieu d’exiger la protection des espèces menacées comme le caribou, la SFI exige seulement que les entreprises aient mis en place un programme à cet effet sans se soucier de la situation actuelle de cette espèce. Ils certifient des intentions au lieu de résultats. »

« L’industrie forestière utilise son propre système de certification pour faire passer les produits forestiers comme étant carboneutres et durables. Mais si vous examinez la norme dans les détails, rien ne soutient cette affirmation. »

Devon Earl, spécialiste de la conservation chez l’Alberta Wilderness Association, a déclaré :

« La SFI permet la destruction certifiée de l’habitat des espèces en péril et des forêts primaires essentielles afin de soutenir la biodiversité. Leurs tactiques d’écoblanchiment permettent au gouvernement de fermer les yeux sur les impacts néfastes de la mauvaise gestion des forêts. »

Bob Bancroft, président de Nature Nova Scotia, a déclaré :

« En tant que biologiste ayant œuvré avec des entreprises de pâte à papier comme Northern Pulp pendant des décennies, même les forêts vierges étaient coupées à blanc. C’était la seule méthode de coupe qu’ils utilisaient. Leur certification SFI est une mascarade. »

Janet Sumner, Directrice générale de la Wildlands League a déclaré: 

«L’industrie met régulièrement de l’avant les taux élevés de certification comme preuve de durabilité, mais ce rapport montre que rien ne vient réellement étayer ces affirmations de durabilité. Les aires de répartition des caribous s’effondrent et les entreprises continuent à exploiter de nouvelles zones intactes riches en carbone. Des cicatrices qui ne reviendront pas d’ici 2050. »

Contexte

Plus d’informations sur la SFI

La SFI est le plus important système de certification en Amérique du Nord, ayant « certifié » plus de 150 millions d’hectares de forêts en Amérique du Nord seulement, dont 115 millions d’hectares, soit 76 %, au Canada.

À partir de 2021, le Canada détiendra 36 % de la superficie totale des forêts « certifiées » dans le monde, soit une superficie équivalente à celle de la France, de l’Espagne, de l’Allemagne et du Royaume-Uni réunis. La SFI est de loin le plus grand coupable, ayant « certifié » deux fois plus de surface forestière que les deux autres plus grands organismes de certification réunis.

La description de la SFI donne la fausse impression que l’exploitation forestière effectuée selon la norme SFI est « durable » ou « certifiée durable » et qu’elle permet une « gestion durable des forêts ». 

Ces représentations trompeuses font croire au public que les produits issus d’exploitations forestières certifiées par la SFI sont préférables puisqu’il s’agit d’une exploitation « durable ». Ceci est faux, car la norme n’exige pas que l’exploitation forestière réponde à des critères ou à une définition de la durabilité. 

Le problème des certifications en provenance de l’industrie

Les marques utilisent les certifications écologiques pour témoigner de leur engagement en matière de responsabilité environnementale et sociale. Un marché vert en pleine expansion signifie qu’elles en tirent également profit.

L’inquiétude engendrée par la diminution de la quantité et de la qualité des forêts dans le monde a entraîné une évolution rapide de la politique forestière internationale au cours des dernières décennies. Les certifications forestières sont un outil plus récent destiné à donner au public la possibilité de différencier les produits forestiers en fonction de leur mode de production, ce qui permet aux consommatrices et consommateurs soucieux de l’environnement d’identifier et d’acheter des produits socialement et écologiquement responsables.

Les systèmes de certification en provenance de l’industrie créent un conflit d’intérêts intrinsèque puisque les acteurs de l’industrie bénéficient financièrement de l’utilisation de la marque « durable » pour stimuler la vente de produits forestiers.

L’industrie forestière canadienne (avec l’appui du gouvernement) a utilisé les certifications forestières pour positionner le Canada comme un leader mondial de la foresterie durable et pour réfuter les critiques sur les pratiques forestières non durables découlant de divers conflits forestiers très médiatisés, dont celui de la baie Clayoquot. 

Ce qu’une enquête du Bureau de la concurrence pourrait accomplir

La Loi sur la concurrence interdit aux organisations de faire des déclarations fausses ou mensongères qui trompent le public quant aux produits ou services offerts. Les groupes à l’origine de la plainte veulent que le Bureau de la concurrence mène une enquête et, s’il conclut que la SFI a trompé le public, qu’il exige que cette dernière :  

  • retire toutes les allégations de » durabilité » de ses communications publiques sur la norme SFI et du nom du programme lui-même;
  • retire publiquement ses allégations de durabilité; et
  • paie une amende de dix millions de dollars qui servira à financer des projets de conservation.

Une plainte similaire concernant la norme de certification forestière de l’Association canadienne de normalisation (CSA) fait également l’objet d’une enquête du Bureau de la concurrence.

À propos

Ecojusticeutilise le pouvoir de la loi pour défendre la nature, combattre les changements climatiques et lutter pour un environnement sain. Ses poursuites stratégiques d’intérêt public et son plaidoyer mènent à des décisions judiciaires créant des précédents et à des lois et des politiques qui apportent des solutions durables aux problèmes environnementaux les plus urgents du Canada. En tant qu’organisme de bienfaisance le plus important dans le domaine du droit de l’environnement au Canada, Ecojustice possède des bureaux à Vancouver, Calgary, Toronto, Ottawa et Halifax.

L’Alberta Wilderness Association est un groupe de conservation basé en Alberta qui compte plus de 7 500 membres et sympathisant·es au Canada et dans le monde. Fondée en 1965, l’AWA cherche à mettre en place un réseau d’aires protégées et à assurer une bonne gestion des terres publiques, des eaux et de la biodiversité de l’Alberta pour l’ensemble de la population canadienne.

La Fondation David Suzuki (@DavidSuzukiFdn) est un organisme environnemental canadien à but non lucratif de premier plan, fondé en 1990. Nous fonctionnons en anglais et en français, avec des bureaux à Vancouver, Toronto et Montréal. Nous collaborons avec toutes les personnes au Canada, y compris les leaders et les communautés des Premières Nations, les gouvernements, les entreprises et les particuliers afin de trouver des solutions pour créer un Canada durable par le biais de la recherche scientifique, des connaissances écologiques traditionnelles, des communications et de l’engagement du public, ainsi que de solutions politiques et juridiques novatrices. Notre mission est de protéger la diversité naturelle et le bien-être de toute vie, aujourd’hui et pour l’avenir.

Greenpeace Canada fait partie d’un réseau d’organisations indépendantes qui utilise la confrontation pacifique et créative pour exposer les problèmes environnementaux mondiaux et développer des solutions pour un avenir vert et pacifique. Notre objectif est de garantir la capacité de la Terre à soutenir la vie dans toute sa diversité.

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L’Ecology Action Centre est un organisme de bienfaisance environnemental basé en Mi’kma’ki (Nouvelle-Écosse) qui œuvre sur des enjeux critiques allant de la protection de la biodiversité aux changements climatiques en passant par la justice environnementale. L’EAC s’efforce de susciter le changement par la défense des politiques et le développement communautaire. Il agit comme gardien environnemental et adopte une approche holistique à la nature et à l’économie pour créer une société juste et durable.

Nature Nova Scotia est une fédération de sociétés d’histoire naturelle et d’autres groupes de protection de la nature située en Nouvelle-Écosse. Nous sommes un organisme de bienfaisance canadien et une société enregistrée qui travaille à soutenir les initiatives de réseautage, de recherche, d’éducation et de défense de l’environnement.

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