Mon ordinateur, le livre qui se trouve actuellement au sommet de ma pile de lecture et mes médicaments : peu importe où je me trouve dans le monde, je m’assure d’apporter ces choses avec moi.

C’est pourquoi, avant de quitter Montréal en direction de la Côte-Nord, j’ai fait ce que je fais toujours avant de voyager : j’ai appelé mon médecin pour lui demander des renouvellements supplémentaires au cas où mon séjour durerait plus longtemps que prévu, et j’ai vérifié auprès de mon pharmacien que toutes mes ordonnances étaient à jour. Comme je n’avais pas pu obtenir la testostérone injectable que je prends lors d’une récente visite à la pharmacie en raison d’une pénurie – un problème récurrent depuis le début de mon hormonothérapie il y a 15 ans – je craignais de devoir quitter la ville sans. Heureusement, elle était de nouveau en stock à ce moment-là [1].

En arrivant à destination, deux choses se sont produites en même temps : la région où je me trouvais a été soudainement coupée du reste de la province à la suite de la fermeture d’un pont sur la 138, et les communautés voisines de Sept-Îles et de Mani-utenam ont émis des ordres d’évacuation en raison des feux de forêt qui brûlaient à proximité. Alors que les gens s’empressaient d’annuler ou de reporter leurs rendez-vous médicaux ou leurs visites à l’hôpital, je me suis demandé comment, en tant que personne queer et trans ayant plusieurs besoins de santé qui nécessitent des suivis réguliers, je me débrouillerais dans de telles circonstances, en particulier dans une région connue pour n’avoir aucune organisation 2SLGBTQ+ sur l’ensemble de son territoire. Cela m’a rappelé de ne pas prendre pour acquis le peu de services de santé auxquels j’ai accès.

Si les changements climatiques affectent l’ensemble de la population, ils aggravent et amplifient également les difficultés et les inégalités sociétales auxquelles les communautés marginalisées, dont les personnes 2SLGBTQ+, sont confrontées. Cela se fait particulièrement sentir au niveau du logement et des soins de santé, qui sont toujours parmi les premières structures clés à être perturbées en cas d’événements météorologiques extrêmes. Si l’on prend également en compte la vague croissante d’attaques et de violences à l’encontre des personnes queer et trans au cours des dernières années, y compris les efforts visant à bloquer l’accès aux soins d’affirmation de genre, l’interdiction de livres sur les réalités 2SLGBTQ+ et les menaces violentes à l’encontre d’artistes drag faisant la lecture de contes aux enfants à travers le Canada et les États-Unis, la situation semble particulièrement sombre.

C’est alors que je me rappelle qu’être queer et trans, c’est être issu d’une longue lignée d’activistes et de leaders qui ont rêvé de notre existence, et que nous leur devons de relever ces défis de front. Mais si nous souhaitons réellement mettre en place une réponse cohérente, nous devons travailler en solidarité avec d’autres groupes et faire de la place à une multiplicité de voix, y compris celle des segments les plus marginalisés de notre communauté. Cela implique d’écouter les personnes 2SLGBTQ+ noires, autochtones et racisées lorsqu’elles parlent de l’aliénation qu’elle ressentent et de leurs expériences de discrimination dans les milieux queer, et cela implique de s’engager à apprendre et à faire mieux.

Tout comme notre communauté s’est inspirée des leçons tirées de l’épidémie de VIH pour nous guider en contexte de COVID-19, nous devons nous appuyer sur notre riche historique de résilience et de résistance tout en célébrant chaque victoire en cours de route – qu’il s’agisse de la création de la première organisation provinciale de soutien 2SLGBTQ à l’intention des personnes autochtones au Québec ou de l’invalidation de la soi-disant « loi anti-drag » du Tennessee par le juge de district américain Thomas Parker – alors que nous traçons ensemble la voie à suivre vers notre émancipation collective [2][3].

La Fierté est bien plus qu’un drapeau ou un défilé, et son essence continuera à échapper à toute tentative de cooptation par les entreprises et les banques. La Fierté est une occasion pour nous de reconnaître que nous avons tous et toutes des expériences et des identités multiples qui coexistent en nous et qui méritent d’être célébrées. La Fierté, c’est continuer à se tenir debout avec amour et défiance face aux personnes qui nous dénient notre humanité.

La Fierté, c’est préconiser une culture d’ouverture et de bienveillance.

La Fierté, c’est promouvoir l’appartenance communautaire et une vie authentique.

La Fierté, c’est pouvoir vivre et aimer librement.

La Fierté, c’est chacun et chacune d’entre nous.

SOURCES :

[1] https://xtramagazine.com/health/testosterone-shortage-canada-248143[1]  (disponible en anglais seulement)

[2] https://www.aptnnews.ca/reportages/rencontre-avec-dianne-labelle-dindigiqueer/

[3] https://www.washingtonpost.com/opinions/2023/06/06/republicans-woke-court/ (disponible en anglais seulement)