Toute personne ayant accès à Internet aura, à un moment ou à un autre, consulté un article portant sur la crise climatique que nous vivons présentement. Si vous n’avez pas l’habitude d’être exposé à ce genre d’écrits, cela pourrait vous sembler accablant et même créer chez vous un sentiment de culpabilité.

Ne vous inquiétez pas! Ce n’est pas ce genre de blogue.

POURQUOI DEVONS-NOUS ENQUÊTER SUR L’INDUSTRIE FOSSILE MAINTENANT?

Greenpeace Canada a récemment formé une toute nouvelle équipe d’enquête qui fera appel à la recherche et aux faits pour exposer les informations trompeuses véhiculées lors des campagnes de relations publiques largement financées par l’industrie des combustibles fossiles. Les membres de cette équipe ont travaillé d’arrache-pied et commenceront à présenter leurs conclusions prochainement.

Mais qu’est-ce qui distingue cette équipe des autres équipes de Greenpeace? Pourquoi est-il important pour elle de se concentrer sur l’industrie des combustibles fossiles? Pourquoi maintenant? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles nous répondrons dans le premier segment de notre nouvelle série de blogues avec notre spécialiste maison, Keith Stewart. Ce blogue a pour but de nous sensibilisera à l’importance de dénoncer les pratiques d’écoblanchiment de l’industrie des combustibles fossiles.

Keith Stewart est stratège principal en matière d’énergie chez Greenpeace Canada et enseigne un cours sur la politique énergétique à l’Université de Toronto depuis plus de dix ans. Il se consacre principalement à la recherche sur les politiques, au plaidoyer, aux enquêtes, à la rédaction et à la vérification de faits. Keith a une grande connaissance de l’industrie pétrolière et gazière et m’a généreusement accordé un entretien pour expliquer en quoi consiste son travail.

L’HEURE EST AUX RÉPONSES!

Olu : Pourquoi est-il important pour Greenpeace d’investir une équipe pour enquêter sur l’industrie des combustibles fossiles? Et pourquoi maintenant?

Keith : Tout d’abord, il est important de savoir que l’industrie pétrolière et gazière est l’une des institutions les plus riches et les plus puissantes de l’histoire humaine. Elle a plus d’argent que de nombreux gouvernements et n’a pas hésité à faire usage de ses ressources financières et de ce pouvoir pour influencer les politiques et les réglementations en sa faveur.

Olu : Pouvez-vous nous donner un exemple d’utilisation ou de tentative d’utilisation de ce pouvoir et de cette influence?

Keith : Au début des années 70 et 80, l’industrie pétrolière était une chef de file en matière de science des changements climatiques. Exxon a effectué certaines des recherches les plus influentes concernant l’impact des combustibles fossiles sur le climat. Elle possédait également des projections scientifiques de l’augmentation de la température qui étaient parmi les meilleures au monde à cette époque. Puis, dans les années 1990, elle a délaissé cette recherche pour lancer une campagne de 10 ans s’attardant à miner la science climatique afin d’empêcher ou de retarder les actions visant à réduire la consommation de combustibles fossiles.

Olu : Autrement dit, ses recherches ont révélé qu’elle était la cause du problème et elle a rétorqué en s’attaquant à la science?

Keith : Exactement. Elle a compris que son produit causait des dommages irréparables et, au lieu de modifier son plan d’affaires, elle a embauché certaines des mêmes entreprises de relations publiques et plusieurs des mêmes scientifiques qui avaient travaillé pour l’industrie du tabac en prétendant que les cigarettes ne causaient pas le cancer.

Olu : C’est plutôt fascinant. Est-ce que les acteurs de l’industrie continuent de réfuter la science et la recherche?

Keith : Actuellement, ils ont cessé de nier la science du climat parce que c’est trop évident et que la science est assez solide. Nous constatons une augmentation de la température et nous pouvons relier ce phénomène aux émissions de gaz à effet de serre. L’industrie se replie maintenant sur ce que les scientifiques appellent le « discours du retardement [discourse of delay] ».

Olu : Et en quoi consiste le « discours du retardement »?

Keith : Le discours du retardement consiste essentiellement à mettre de l’avant des récits trompeurs, à élaborer des arguments  pour retarder l’action climatique, à entamer des conversations sur les raisons pour lesquelles le changement est trop coûteux, à susciter la peur de faire trop de choses trop rapidement et d’autres stratagèmes similaires afin de protéger leur part de marché dans le secteur énergétique.

Olu : En quoi cela a-t-il changé la donne pour les entreprises de combustibles fossiles?

Keith : Eh bien, elles avaient l’habitude de dire « vous ne nous aimez peut-être pas, mais vous avez besoin de nous » parce que les combustibles fossiles ont alimenté l’économie mondiale. Cependant, nous avons maintenant des alternatives viables aux énergies fossiles, qu’il s’agisse de thermopompes ou de domiciles résilients à haute performance énergétique. Nous avons des véhicules électriques, l’énergie éolienne et solaire –soit les formes d’énergie les moins chères au monde – et d’autres substituts aux combustibles fossiles. Alors maintenant, les entreprises de combustibles fossiles redoublent d’efforts pour retarder l’action climatique afin de préserver leurs propres profits.

Olu : Quelles sont les conséquences de cet acharnement?

Keith : Cela entraîne des coûts énormes pour les communautés et les écosystèmes. Ces entreprises sont essentiellement prêtes à déstabiliser les fondements de la civilisation pour gagner quelques dollars de plus. C’est pourquoi nous devons exposer leurs agissements, informer les gens des conséquences et les aider à établir ces liens, et diminuer leur pouvoir politique et social pour réduire leur capacité à influencer le gouvernement.

*Soyez sans crainte… Keith et moi poursuivrons notre conversation prochainement, et nous discuterons de la manière dont l’information permet de contrer le travail nuisible de cette industrie. 

D’ici là, restez à l’affût.