L’Agence nationale ukrainienne pour la prévention de la corruption vient d’ajouter le gestionnaire de réseau gazier belge Fluxys à sa liste de sponsors de guerre internationaux. Fluxys facilite en effet le commerce du GNL russe via le port de Zeebrugge. Greenpeace Belgique, Bond Beter Leefmilieu et Vredesactie demandent une interdiction de ces services de transbordement en Belgique. Les actionnaires communaux de Fluxys doivent également rappeler l’entreprise à l’ordre de toute urgence.

En 2015, peu après l’annexion de la Crimée par la Russie, Fluxys a conclu un contrat controversé avec la société russe Yamal LNG, d’une valeur d’un milliard d’euros, et pour une durée de 20 ans. Fluxys offre un service de transbordement de gaz russe, depuis les brise-glaces vers des méthaniers réguliers à Zeebrugge, favorisant ainsi le développement du commerce de GNL issu de l’Arctique russe. Ce secteur devrait générer 5 milliards d’euros de recettes fiscales pour le Trésor russe en 2023 [1]. Yamal LNG est une filiale du géant gazier Novatek, une entreprise qui fournit des mercenaires à l’armée russe.

Ce service vaut aujourd’hui à Fluxys de figurer sur la liste ukrainienne des « sponsors de guerre internationaux », établie par l’Agence nationale ukrainienne pour la prévention de la corruption (NACP).

“Alors que de nombreuses entreprises ont mis fin à toutes leurs relations avec la Russie après le 24 février 2022 (l’invasion russe, ndlr), Fluxys continue de collaborer avec Yamal LNG et Novatek. Selon des experts internationaux, la Russie s’attend à recevoir jusqu’à 800 millions d’euros de taxes sur le transbordement de GNL [russe] à Zeebrugge en 2023. Cette somme sert à financer les dépenses de guerre de la Russie. Fluxys en est parfaitement consciente, mais continue à sponsoriser la guerre russe », peut-on lire dans le communiqué de la NACP.

Atteinte à la réputation internationale

Gestionnaire de notre réseau gazier, Fluxys est une entreprise publique. Les communes belges (77,4 % par l’intermédiaire de Publigaz) et le gouvernement fédéral (3,4 % par l’intermédiaire de FPIM) sont ses principaux actionnaires.

« Ce blâme international n’affecte donc pas seulement Fluxys, mais aussi directement nos gouvernements », a déclaré Mathieu Soete, chargé de campagne pour la transition énergétique chez Greenpeace Belgique. « Fluxys a pu augmenter son dividende par action de 7 centimes grâce à ces services. Ces 7 centimes valent-ils la peine de financer les crimes de guerre russes et d’alimenter la crise climatique ? »

Ce coup porté à la réputation de Fluxys pourrait avoir des conséquences directes, comme une baisse de sa valeur boursière. Cela s’est déjà produit pour d’autres entreprises figurant sur la liste, selon le NCAP.

Demande d’interdiction de transbordement de gaz russe

Greenpeace, Bond Beter Leefmilieu et Vredesactie demandent au gouvernement fédéral d’interdire le transbordement de GNL russe dans les ports belges, comme l’ont fait les Pays-Bas [2] et le Royaume-Uni. Les organisations demandent également que cette mesure soit demandée à la France et à l’Espagne, et proposée dans le prochain paquet de sanctions afin de fermer l’ensemble du marché européen au transbordement de GNL russe.

« Seule une fraction du gaz transbordé est destinée aux pays de l’UE. Notre sécurité d’approvisionnement n’en dépend donc pas. Nos relations commerciales devraient contribuer à la protection des droits humains, et pas au financement de crimes de guerre. L’interdiction du GNL russe est un premier pas nécessaire dans cette direction », a déclaré Mattijs Van den Bussche, chargé de campagne chez Vredesactie.

« La Russie prévoit de tripler les exportations de GNL arctique d’ici à 2030. Que la Belgique facilite cela via le port de Zeebrugge est incompréhensible à la lumière de l’agression russe et contredit nos engagements dans l’Accord de Paris sur le climat », ajoute Angelos Koutsis, expert en politique énergétique chez Bond Beter Leefmilieu.

Les communes à la barre chez Fluxys

L’assemblée générale de Publigaz se tiendra le 14 décembre. La plupart des villes et communes belges font partie de cet actionnaire majoritaire de Fluxys par le biais des intercommunales. BBL, Greenpeace et Vredesactie s’attendent à ce que les communes mettent sur la table un retrait de Fluxys de l’accord.

Notes

[1] Selon le ministère russe des finances, la récente augmentation de l’impôt de 20 à 34 % devrait rapporter 200 milliards de roubles supplémentaires d’ici à 2023. Converti, cela représente des recettes fiscales totales de 485 milliards de roubles, soit près de 5 milliards d’euros.

[2] Les Pays-Bas ne concluent plus de nouveaux contrats pour du GNL russe, ce qui résulte en une interdiction de facto.