Une nouvelle étude commandée par Greenpeace Central & Eastern Europe s’est penchée sur les rapports annuels de 12 grandes entreprises actives dans le gaz et le pétrole. [1] Elle révèle que leurs engagements climatiques et leurs promesses d’entrer en transition vers les énergies renouvelables sont totalement contredites par la réalité. Greenpeace demande une régulation stricte de l’industrie des énergies fossiles. 

L’étude Greenpeace, intitulée The Dirty Dozen, décortique les rapports annuels 2022 de six majors mondiales des combustibles fossiles et de six compagnies pétrolières et gazières européennes. Si la plupart des compagnies analysées ont promis le “net zéro” d’ici 2050, aucune d’entre elles n’a développé de stratégie cohérente pour atteindre cet objectif. Selon le rapport, la grande majorité prévoit au contraire de maintenir, voire d’augmenter sa production de pétrole et de gaz au moins jusqu’en 2030.

Quelques éléments clés du rapport

En 2022, seuls 0,3 % de la production des entreprises étudiées provenaient des énergies renouvelables.

Seuls 7,3 % (6,57 milliards d’euros) des investissements réalisés par les 12 entreprises en 2022 ont été consacrés aux énergies vertes – les 92,7 % restants (81,52 milliards d’euros) financent les activités habituelles des entreprises fossiles et même leur expansion, dans certains cas [2].

BP, Equinor, Wintershall Dea et TotalEnergies ont même réduit leurs investissements dans les produits sobres en carbone ou renouvelables en 2022, par rapport à 2021.

Les bénéfices des entreprises ont augmenté en moyenne de 75 % en 2022. Leurs investissements n’ont en revanche augmenté que de 37 %. Une très grande partie de ces bénéfices (liés à la crise énergétique) n’a donc pas été réinvestie, mais répartie en dividendes ou en rachats d’actions.

“Ce rapport démontre que les grandes entreprises fossiles trompent tout le monde”, explique Mathieu Soete, chargé de campagne transition énergétique chez Greenpeace Belgique. “Il n’y a aucun signe d’une réorientation fondamentale de leurs activités qui leur permettrait de jouer un rôle dans la transition énergétique.Tout porte à croire qu’elles ne font que retarder et bloquer la transition vers une économie climatiquement neutre”.

Le rapport met en exergue le greenwashing massif pratiqué par les entreprises, qui multiplient les techniques de communication pour se donner une image verte et pour minimiser les impacts négatifs de leurs activités réelles. Les objectifs climatiques des entreprises sont également passés au crible et leur grande faiblesse est pointée du doigt. Dans plusieurs cas, les engagements de réduction des émissions visent seulement les émissions liées aux processus de production. Le reste serait compensé par des solutions très controversées telles que le captage et le stockage du carbone (CSC) ou la compensation des émissions de carbone. Dans la plupart des cas, la plus grande partie des émissions, à savoir les émissions liées à la vente de pétrole et de gaz est simplement ignorée ou rebaptisée de manière fallacieuse.

Des mécanismes similaires chez Fluxys

Aucune entreprise belge n’apparaît dans le rapport, notre pays ne comptant pas de producteur de pétrole ou de gaz. Néanmoins, plusieurs entreprises figurant dans le rapport ont des activités en Belgique [3]. Et on peut constater des mécanismes similaires de greenwashing chez Fluxys, le gestionnaire du réseau gazier belge. “Fluxys ne communique que sur une partie de ses émissions de gaz à effet de serre”, poursuit Mathieu Soete. “Elle exclut celles liées au gaz qu’elle transporte. De plus, si Fluxys se vante de ses investissements dans la décarbonation, l’entreprise refuse en revanche de se fixer des objectifs de réduction de ses activités fossiles. Elle investit toujours dans de nouvelles infrastructures fossiles. Il n’y a donc guère de différence entre elle et les entreprises pétrolières et gazières de notre rapport.”

Sortir du mythe de l’autorégulation

Greenpeace demande aux gouvernements européens de mettre en place une régulation stricte de l’industrie des énergies fossiles pour l’obliger à changer de cap : 

  • investir dans des infrastructures véritablement vertes,
  • augmenter la production d’énergies renouvelables,
  • arrêter tout nouveau projet d’exploration pétrolière et gazière,
  • réduire sa production de combustibles fossiles conformément à l’accord de Paris.

Les entreprises de combustibles fossiles doivent également être lourdement taxées pour financer la transition énergétique et la solidarité avec les pays touchés par la crise climatique. . Enfin, toutes les subventions accordées à l’extraction, à la production, au raffinage et au transport des combustibles fossiles en Europe doivent être progressivement supprimées.

Notes

Liens le rapport complet « The Dirty Dozen : The Climate Greenwashing of 12 European Oil Companies », commandé par Greenpeace CEE et rédigé par le Dr Steffen Bukold, expert du marché pétrolier. Media briefing du rapport (anglais).

[1] Les bénéfices, les revenus et les investissements des 12 entreprises de combustibles fossiles suivantes ont été analysés dans le cadre de ce rapport : 

  • Les 6 géants du pétrole : Shell, TotalEnergies, BP, Equinor, Eni et Repsol, 
  • Six compagnies pétrolières et gazières européennes : OMV, PKN Orlen, MOL, Wintershall Dea, Petrol Group et Ina Croatia.

[2] Taux de change moyen en 2022 : 1,0538 USD = 1 Euro, les pourcentages sont arrondis ; la moyenne n’est pas pondérée.

[3] Les exemples belges que nous pouvons citer : 

  • Equinor prépare actuellement un projet de production d’hydrogène fossile en Belgique avec Engie et Fluxys (H2BE).
  • Wintershall Dea développe deux projets de stockage de carbone sous la mer du Nord, l’un avec Fluxys pour le transport de CO2 depuis le sud de l’Allemagne via Zeebruges, l’autre avec Ineos pour du CO2 des installations de ce dernier à Anvers.
  • OMV est propriétaire à 75 % de Borealis, groupe pétrochimique qui étend sa présence dans le port d’Anvers avec une nouvelle installation pour la production de propène.
  • TotalEnergies opère la troisième plus grande raffinerie en Europe dans le port d’Anvers, sans plan concret pour sa reconversion ou réduction afin de respecter les accords climatiques.