Aujourd’hui, plus de cent personnes mènent une action à l’occasion de l’assemblée générale de Fluxys, à Bruxelles. Ces militant·es de Vredesactie, Greenpeace, Tegengas|Dégaze et du Bond Beter Leefmilieu (BBL) dénoncent les nouveaux investissements de Fluxys dans le gaz fossile, qui contribuent à la guerre en Ukraine et qui nuisent à la santé de communautés aux États-Unis. « Nous demandons à Fluxys de renoncer au gaz fossile, tant pour le climat que pour les droits humains et la paix. »

Fluxys tient aujourd’hui son assemblée générale à Bruxelles. Plus de cent personnes et une large coalition d’organisations [1] attendent les actionnaires au siège de l’entreprise pour exprimer leur mécontentement à l’égard de sa politique. Plus tôt dans la journée, quelques activistes ont changé le logo de Fluxys sur la façade en « Gas kills, Fluxys guilty » (Le gaz tue, Fluxys coupable). Fluxys facilite le commerce du gaz liquéfié russe, exploite le plus grand port d’importation de gaz de schiste américain en Europe et investit dans de nouvelles infrastructures destinées aux combustibles fossiles.

© Greenpeace – Tim Dirven

Vredesactie, Greenpeace, Tegengas|Dégaze et BBL demandent au gestionnaire du réseau gazier belge de résilier son contrat avec la société russe Yamal LNG [2] et de ne plus investir dans le gaz. Les associations souhaitent également que Fluxys respecte son devoir de diligence, évitant toute violation des droits humains dans le cadre de ses activités, et qu’elle abandonne plus rapidement le gaz fossile. Elles adresseront ces demandes directement à l’entreprise plus tard dans la journée, lors de l’assemblée générale.

Fluxys et Zeebrugge facilitent le commerce du GNL russe

Lors de la présentation des résultats annuels pour 2022, le CEO de Fluxys Pascal De Buck a exprimé sa compassion pour le peuple ukrainien. [3] Mais en parallèle, Fluxys est paradoxalement le principal transporteur (et de loin) de GNL russe, dont les importations ont augmenté en 2022. Selon Stefanie De Bock, chargée de campagne de Vredesactie [4], « Fluxys alimente le budget de l’armée russe en facilitant l’exportation du gaz russe. Le conseil d’administration et la direction se protègent face aux médias, affirmant ne rien pouvoir faire. Néanmoins, Fluxys fait le choix d’assurer ses profits au lieu de faire preuve de solidarité avec le peuple ukrainien. Nous voulons que cela soit clair aujourd’hui. En effet, Fluxys peut bel et bien prendre l’initiative de suspendre ce contrat ».

Les nouveaux investissements dans le gaz contrecarrent la transition énergétique

Ce lien avec la Russie n’est pas le seul investissement douteux de Fluxys. La société exploite également à Dunkerque, en France, le plus grand port d’importation de gaz de schiste en provenance des États-Unis, et investit dans de nouveaux gazoducs et terminaux gaziers. [5] « L’industrie gazière agit de façon agressive pour faire passer le gaz de schiste américain comme la solution permettant de remplacer le gaz russe, mais ce faisant, nous échangeons une dépendance toxique contre une autre, explique Mathieu Soete, expert en énergie chez Greenpeace Belgique. Aux États-Unis, l’impact de ce gaz sur la santé des communautés locales, constituées essentiellement de personnes racisées et à bas revenus, est dramatique. Les alentours de ces usines y sont même surnommés “les zones sacrifiées” ! Il faut que cesse leur expansion massive. »

« En outre, les investissements de Fluxys et d’autres entreprises gazières dans de nouveaux projets relatifs au GNL dans l’UE et aux États-Unis arrivent trop tard pour résoudre la crise énergétique temporaire actuelle. Par contre, ils risquent de nous empêcher de renoncer au gaz fossile avant plusieurs dizaines d’années, ce qui aura de graves conséquences pour les populations, le climat et l’environnement, ajoute Angelos Koutsis, chargé de mission au Bond Beter Leefmilieu. Tandis qu’il y a encore de la capacité qui aujourd’hui ne contribue pas à la sécurité d’approvisionnement européenne, comme le cinquième réservoir de stockage de Zeebrugge, qui est actuellement réservé au transbordement de GNL russe vers des marchés non-européens. »

Les actionnaires communaux doivent prendre leurs responsabilités

Les villes et communes belges constituent un important groupe d’actionnaires de Fluxys. Par l’intermédiaire du holding Publigaz, elles détiennent 77 % des actions du groupe. Un intérêt qui s’accompagne d’une grande responsabilité, comme l’explique Léo Tubbax de Tegengas|Dégaze : « L’année dernière, des drapeaux ukrainiens ont flotté sur un grand nombre de maisons communales. De nombreux bourgmestres sont par ailleurs membres de la Convention des Maires. La voie choisie par Fluxys ne correspond pas du tout aux engagements des villes et des communes. Nous espérons donc que les bourgmestres seront nos allié·es et mettront nos revendications sur la table. »

Remarques :

[1] Des représentant·es de Fossil Free Politics, Amnesty International, Extinction Rebellion, Réseau européen solidarité Ukraine, Jong Groen, Promote Ukraine… ont également participé à cette action.

[2] En 2015, Fluxys a conclu un contrat de 20 ans d’une valeur d’un milliard d’euros avec la société russe Yamal LNG pour le stockage et le transbordement de gaz à Zeebrugge. Ce contrat a fait de la Belgique une plaque tournante pour le GNL russe : 72 % du GNL russe transbordé en Europe en 2022 sont passés par Zeebrugge. (Source : IEEFA)

[3] Pascal De Buck, le CEO de Fluxys, a déclaré dans le communiqué de presse accompagnant la publication des résultats de l’entreprise : « 2022 a été une année terrible pour le peuple ukrainien et la façon dont les gens ont souffert de la violence. Nous ne pouvons qu’espérer ardemment que les souffrances cessent le plus rapidement possible. » (Source : Fluxys)

[4] Le récent rapport parallèle de Vredesactie démontre que non seulement la Russie a exporté 28 % de gaz liquéfié (GNL) en plus vers la Belgique en 2022 qu’en 2021, mais fin 2022, elle a également augmenté les taxes sur le projet Yamal LNG, les faisant passer de 20 % à 34 %. L’État russe tire donc beaucoup plus de revenus du GNL, ce qui lui permet de continuer à financer sa guerre en Ukraine et ce qui atténue l’impact des sanctions économiques. 

Par ailleurs, Yamal LNG est détenue à 50,08 % par Novatek, qui entretient des liens étroits avec le Kremlin par l’intermédiaire de ses deux principaux actionnaires, le CEO Leonid Mikhelson (24,76 % des actions) et Gennadi Timtchenko (23,49 %) ; tous deux, comme Novatek elle-même, figurent sur diverses listes de sanctions, y compris dans l’Union européenne. (Source : De Standaard)

[5] Le récent rapport de Greenpeace International « Who Profits From War » (« À qui profite la guerre ? ») expose l’ampleur, les causes et les conséquences de l’augmentation considérable des importations européennes de GNL en provenance des États-Unis (+140 % en 2022) et de l’augmentation prévue des capacités d’importation de GNL.