Alors que l’embargo européen sur les importations des produits pétroliers raffinés russes débute demain, la Belgique reste une plaque tournante du gaz russe. Greenpeace, Vredesactie et Bond Beter Leefmilieu dénoncent l’hypocrisie de notre pays qui a même augmenté de 28% ses importations de LNG russe en 2022. Les organisations demandent la fin du ‘contrat russe’ de Fluxys et un agenda de sortie progressive du gaz fossile, qui prévoit une accélération des énergies renouvelables et une rénovation massive des bâtiments.

Des activistes de Greenpeace Belgique et Vredesactie devant le terminal LNG de Zeebrugge, avec sur l’arrière-plan le Nikolay Zubov (un des méthaniers brise-glace qui apportent du LNG russe de Yamal) et derrière celui-ci, le LNG Dubhe (qui transportera ce LNG vers l’Asie).

© Greenpeace - Tim Dirven
Des activistes de Greenpeace Belgique et Vredesactie devant le terminal LNG de Zeebrugge, avec sur l’arrière-plan le Nikolay Zubov (un des méthaniers brise-glace qui apportent du LNG russe de Yamal) et derrière celui-ci, le LNG Dubhe (qui transportera ce LNG vers l’Asie).
© Greenpeace – Tim Dirven

Greenpeace a enquêté sur les importations de pétrole et de gaz russes en Belgique. Au total, 316 navires transportant du gaz et du pétrole russe ont circulé dans notre pays depuis le début de la guerre, le 24 février 2022. Cela représente un volume de 12 millions de m³ de gaz liquéfié naturel (LNG) et 9,2 millions de m³ de produits pétroliers. [1]

“Dès demain, le pétrole russe ne pourra plus circuler en Europe. Mais le gaz fossile russe circule encore sans le moindre problème. Et tandis que la guerre fait rage, la Belgique a augmenté de 28% ses importations de LNG russe en 2022 au lieu de les diminuer”, analyse Mathieu Soete, expert énergie chez Greenpeace Belgique. “Par rapport à 2019, ces importations ont même quadruplé. Le gaz russe représente aujourd’hui 12 % des importations de gaz en Belgique.” [2]

En 2015, Fluxys a conclu un contrat de 20 ans, d’une valeur d’un milliard d’euros avec Yamal LNG pour le stockage et le transbordement de LNG russe. Le terminal de Zeebrugge est ainsi devenu une escale stratégique en route vers le marché européen mais aussi asiatique. Le LNG, qui provient du port de Sabetta, dans l’Arctique russe, est ensuite exporté notamment en Allemagne, mais il est aussi massivement transbordé sur des tankers à destination de la Chine et du Japon. [3]

Chiffres clés (à retrouver dans le dossier de Greenpeace) : 

Depuis le début de la guerre, 316 tankers russes transportant des produits pétroliers russes (190) et du LNG russe (126) ont circulé dans notre pays. 

Cela représente un volume de 12 million m³ de LNG et 9,2 million m³ de produits pétroliers.

Les importations de gaz liquéfié russe en Belgique ont augmenté de 28% en 2022 par rapport à 2021, ce nombre à été multiplié par 4 depuis 2019.

89% du LNG russe qui est transbordé à Zeebrugge est destiné à être exporté vers des marchés non européens.

Une fuite de 3 % de méthane rend le gaz naturel aussi nocif pour le climat que le charbon (le méthane est 80 fois plus puissant que le CO2 en tant que gaz à effet de serre à court terme).

Les organisations mettent également en garde contre l’impact climatique et environnemental du gaz fossile, insistant entre autres sur les fuites de méthane constatées à toutes les étapes du long processus d’extraction, de conditionnement et de transport du LNG. Libéré de cette façon, le méthane est un gaz à effet de serre avec un potentiel de réchauffement climatique 80 fois supérieur à celui du CO2 à court terme.

« Si seulement 3% du méthane fuit, le gaz fossile est déjà aussi mauvais pour le climat que le charbon”, explique Angelos Koutsis, responsable de la politique énergétique chez Bond Beter Leefmilieu. “Or, les estimations pour l’industrie gazière russe s’élèvent à des fuites de 5 à 7%. » [4] « Le LNG doit également être refroidi et transporté, de sorte qu’il génère plus d’émissions de CO2 et de méthane par unité d’énergie que le gaz fossile qui arrive par gazoduc. L’augmentation considérable des importations de LNG en Belgique et en Europe est donc incompatible avec la réalisation de nos objectifs climatiques. » [5]

Mettre fin à nos importations de LNG russe et se libérer progressivement du gaz fossile

“Plaque tournante d’échanges commerciaux avec la Russie en guerre, la Belgique doit prendre ses responsabilités”, explique Stefanie De Bock chargée de campagne chez Vredesactie. “Le statu quo en matière d’énergies fossiles nous rend dépendants de régimes autocratiques. La Russie paie sa guerre entre autres avec les revenus de son gaz. Le contrat entre Fluxys et Yamal LNG alimente ainsi le trésor de guerre de la Russie. Nos responsables politiques accordent-ils vraiment plus d’importance aux profits qu’aux vies humaines et à la préservation du climat ? Une politique climatique forte est aussi une politique de paix. Les importations de LNG russe doivent cesser et le contrat avec Yamal LNG doit être annulé. »

En avril 2022, Greenpeace avait déjà listé 18 recommandations pour un plan d’urgence qui nous permettent de réduire de manière rapide notre dépendance au gaz et au pétrole russes. [6] A côté de cela, une ambition beaucoup plus grande est nécessaire en matière de rénovation des bâtiments et en faveur des énergies renouvelables. “Nous devons absolument mieux isoler nos maisons et nos bâtiments. Ainsi, non seulement nous améliorerons le confort de vie de nombreuses familles et créerons de nouveaux emplois locaux, mais nous pourrons également nous affranchir du gaz fossile », conclut Mathieu Soete. « C’est pourquoi nous appelons tous les niveaux politiques à investir massivement dans l’isolation des logements et des bâtiments publics par le biais d’un pacte national logement-énergie. » [7]

Notes:

[1] Calculs propres à partir d’observations sur www.marinetraffic.com

[2] Calculs propres à partir des données d’Eurostat sur l’énergie

[3] https://ieefa.org/resources/belgian-lng-terminal-zeebrugge-supporting-year-round-russian-lng-supplies-non-european

[4] Life cycle greenhouse gas emissions from U.S. liquefied natural gas exports: implications for end uses and Greater focus needed on methane leakage from natural gas infrastructure | PNAS

[5] https://www.bbc.com/news/science-environment-63457377

[6] “Sortir rapidement de notre dépendance au pétrole et au gaz: 18 propositions pour un plan d’urgence

[7] Le chauffage dans le secteur résidentiel en Belgique représente 14,9% de nos émissions de gaz à effet de serre (2021). La précarité énergétique affecte un ménage sur cinq en Belgique (2022). Une étude commanditée par l’UE évoque la création de 80.000 emplois en Belgique dans la transition écologique (2019).