Greenpeace Belgique a envoyé ce matin une mise en demeure à la ministre flamande de l’Environnement Zuhal Demir (N-VA) car la qualité de l’eau dans les zones agricoles se détériore d’année en année et que nos objectifs européens sont mis en péril. Les responsables politiques doivent s’attaquer aux racines du problème, comme notre cheptel beaucoup trop important.

La Flandre est en pleine crise de la nature, la qualité de notre eau se détériore et nous étouffons dans l’azote. Le Conseil pour les contestations de permis (RvVb) l’a récemment confirmé avec son arrêt dit « azote ». Les réformes structurelles – telles que la réduction de notre cheptel – sont devenues inévitables pour protéger notre nature », explique Matteo De Vos, expert Agriculture de Greenpeace Belgique.

“Par cette mise en demeure [1], nous voulons inciter le gouvernement flamand à intervenir de manière beaucoup plus radicale, dans le cadre du plan d’action sur le lisier , précise Matteo De Vos. “Depuis 20 ans, les organes gouvernementaux se concentrent sur des recommandations, de la sensibilisation et l’application de mesures techniques – avec très peu de résultats. Désormais, ils font également référence à la sécheresse extrême de ces dernières années. [2] Cet impact est réel mais ne devrait pas être une excuse : c’est malheureusement la réalité du changement climatique.”

La fraude sur le lisier est également souvent citée comme une cause majeure de la mauvaise qualité de l’eau. “Il est bon que les pratiques mafieuses de quelques grands acteurs soient enfin réprimées. [3] Mais cette fraude n’est que la conséquence  d’une politique agricole défaillante. Le bien trop grand cheptel flamand crée un gigantesque tas de lisier qui ne peut être traité correctement. Le dernier plan d’action sur le lisier (MAP6) ignore également cette réalité, faisant dérailler encore plus les problèmes de qualité de l’eau. [4]”, déclare M. De Vos.

L’écart entre les objectifs et les résultats en matière de nitrates et de phosphates dans nos eaux de surface ne fait que s’élargir. Selon la directive européenne sur les nitrates, la qualité de l’eau doit s’améliorer de manière significative d’ici 2027. De plus, l’Europe impose qu’il n’y ait pas de détérioration. La Flandre se trouve donc dans la zone de danger. 

Un modèle agricole dépassé

Notre environnement et certainement aussi le secteur agricole bénéficieraient davantage d’un plan d’action sur le lisier qui s’attaque aux causes de la mauvaise qualité de l’eau. C’est pourquoi Greenpeace préconise une réduction du cheptel flamand et un soutien accru à l’agriculture écologique. De nombreux experts plaident également en faveur d’une réduction du cheptel, et en particulier du cheptel bovin, afin d’atteindre nos objectifs climatiques. [5]

De plus, l’essor des élevages industriels, véritables “usines à viande”, – surtout en Flandre occidentale, et au Nord de la  Campine et du Limbourg – est en totale contradiction avec ce dont nous avons besoin aujourd’hui, ou ce que notre planète peut supporter. [6]

Le modèle agricole flamand est non seulement dépassé à la lumière des crises climatique et de la biodiversité, mais il conduit également à une crise sociale. “Les petits agriculteur.trice.s sont enfermé.e.s dans un modèle de croissance qui les pousse de plus en plus loin dans l’endettement. Les frais plus élevés pour la gestion du lisier, leur mettent la corde au cou et encouragent la fraude. La nécessaire transition vers l’agro-écologie doit toujours aller de pair avec un soutien financier et une compensation pour ces personnes, aux niveaux flamand, wallon, mais certainement aussi au niveau européen”, conclut Matteo De Vos.

Greenpeace sera d’ailleurs présente ce jeudi au Parlement de Wallonie (Commission de l’agriculture), au nom de la coalition environnementale IMPAACTE, pour aborder la protection de la nature et la transition des pratiques agricoles en Wallonie.

Contact :

Service de presse de Greenpeace Belgique, 0496/26.31.91, [email protected]

Notes :

[1] L’asbl Greenpeace Belgique demande instamment au gouvernement flamand d’adapter le plan d’action existant sur le fumier dans les 30 jours afin qu’il réponde aux objectifs européens en matière de nitrates, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour la mise en œuvre et l’application correcte de ce plan. Si cela ne se produit pas, nous poursuivrons le gouvernement en justice. Greenpeace soumettra également cette mise en demeure à la Commission des nitrates de l’Union européenne (DG Environment). Le texte intégral est disponible sur demande.

[2] Les agriculteurs épandent le fumier et le lisier sur leurs champs au printemps, en espérant disposer de précipitations suffisantes en vue d’un “été normal”. Mais avec de longues périodes de sécheresse pendant la saison de croissance, les cultures poussent moins bien, ce qui entraîne une moindre absorption d’azote et de phosphore. Cela laisse plus d’azote et de phosphore sur la terre, qui s’écoule dans les ruisseaux et les rivières.

[3] Voir par exemple: https://www.vrt.be/vrtnws/fr/2021/02/11/des-dizaines-de-perquisitions-en-flandre-et-aux-pays-bas-dans-un/

[4] Fin 2020, on a appris que dans la zone agricole flamande, il y avait à nouveau plus de nitrate et de phosphate dans les ruisseaux et les rivières. Cela fait déjà trois années consécutives que le pourcentage de points de mesure où la valeur seuil de 50 milligrammes de nitrate par litre est dépassée, selon le rapport sur le lisier  de l’Agence des terres flamandes (VLM). Pour rappel, alors que ces chiffres font état de plus de 20% des points de mesure dépassés, le MAP5 avait un objectif de 5% de points de mesure dépassés maximum à atteindre dès 2018. « La situation est décourageante », avait alors constaté le VLM.
Source: https://www.standaard.be/cnt/dmf20201204_97935625

[5] Voir par exemple le plan climatique élaboré par 9 experts sous la direction du professeur Gerard Govers (KU Leuven) à la demande de l’ancien ministre de l’Environnement Koen Van den Heuvel (CD&V) ou les récentes déclarations de Wannes Keulemans, professeur émérite de politique agricole (KU Leuven), dans De Standaard.

[6] Au cours des années 2017, 2018 et 2019, un total de 504 demandes ont été faites pour des extensions ou la construction de nouvelles méga-fermes. 286 d’entre elles ont été accordées. Voir par exemple les séries de De Standaard et Apache.