Environ 60% des céréales servent à l’alimentation animale, à peine un quart à notre alimentation

Aujourd’hui, l’Europe cultive principalement des céréales qui servent à l’alimentation animale et aux biocarburants, et beaucoup moins à l’alimentation humaine. Dans une nouvelle analyse, Greenpeace établit que le profit prime sur la souveraineté alimentaire. De plus, il y a une surproduction de viande et de produits laitiers sur le continent, tandis que l’empreinte écologique de l’élevage industriel continue d’augmenter. La Belgique, et plus particulièrement la Flandre, est un leader en matière de surproduction de porcs et de poulets. 

Lees ‘False sense of security’, Greenpeace (octobre 2020)

Un vote décisif sur la politique agricole commune (PAC) sera à l’ordre du jour du Parlement européen mercredi prochain. « Nous demandons à l’UE de réorienter ses politiques alimentaire et agricole et de donner la priorité à la production locale pour le type de nourriture dont nous avons besoin en Europe, cultivée de manière à garantir un prix équitable aux agriculteurs et à protéger l’environnement et le climat », explique Matteo De Vos, expert en agriculture durable chez Greenpeace Belgique. 

Car si la production alimentaire continue de croître, cela ne se traduit pas nécessairement par des systèmes alimentaires plus résistants ou une nutrition plus saine pour les Européens. « Au contraire, nous constatons que l’augmentation des niveaux de production va de pair avec la diminution du nombre de petites exploitations agricoles dans l’UE. Au lieu d’une alimentation plus écologique et produite localement, nous voyons principalement l’exportation de viande et de produits laitiers produits industriellement en plein essor« , déclare encore Matteo De Vos. 

Quelques chiffres (1) :

  • La production agricole de l’UE augmente, en particulier celle de viande et de produits laitiers >>> 

La viande de poulet +25%, les céréales (principalement pour l’alimentation animale) +13%, et les produits laitiers +8%.

  • Tendance des économies d’échelle et de l’industrialisation >>> 

Entre 2005 et 2016, 4,2 millions d’exploitations agricoles ont disparu dans l’UE, alors que la superficie agricole est restée à peu près la même. Pour de nombreux éleveurs familiaux, il s’agit d’une « expansion substantielle ou d’un abandon ».

  • Plus de 71 % de toutes les terres agricoles de l’UE sont utilisées pour l’élevage.

Forte hausse des exportations dans le secteur de l’élevage >>>

Les exportations de viande bovine et porcine ont au moins doublé, les exportations de poulet (+35%) et de produits laitiers (+45%) ont également explosé.

  • La plupart des céréales et presque tout le soja finissent en fourrage >>

En 2016, 59 % de toutes les céréales de l’UE étaient utilisées pour l’alimentation animale et à peine 24 % pour la consommation humaine. Dans le cas du soja, 88% est utilisé pour nourrir les animaux.

  • Le maïs, le colza et le tournesol ne sont presque jamais destinés à la consommation humaine >>

Le maïs est cultivé dans l’UE presque exclusivement comme aliment pour animaux ou biocarburant. Seuls 9 % des graines de colza et 25 % des graines de tournesol sont destinés à la consommation humaine.

Tout cela se reflète également dans l’impact climatique. Le secteur de l’élevage représentait 17 % des émissions totales (directes et indirectes) de l’UE en 2018. En outre, une autre analyse récente de Greenpeace montre que les émissions annuelles de l’élevage en Europe ont augmenté de 6 % entre 2007 et 2018. De cette façon, nous n’atteindrons jamais les objectifs fixés dans l’accord de Paris sur le climat. 

Et en Belgique ?

Notre pays ne fait certainement pas exception. En Belgique aussi, on observe une nette tendance aux économies d’échelle, le nombre d’éleveurs diminuant d’année en année alors que le nombre d’animaux par élevage augmente. 

Si l’on examine le degré d’autosuffisance en viande et en produits laitiers (c’est-à-dire le rapport entre la production nationale et la consommation nationale), on constate principalement des pics pour le porc (171%) et le poulet (159%). Comparez avec les légumineuses (-91%), les céréales (-69%) et les fruits (-60%), toutes des cultures pour lesquelles nous sommes fortement dépendants des importations. (2)

Enfin, les émissions du secteur de l’élevage vont également augmenter, de près de 8 % (émissions directes et indirectes) entre 2007 et 2018. (3) 

Le compromis actuel est le statu quo

« Les dirigeants européens parlent de sécurité alimentaire en période de crise, mais ils soutiennent des politiques qui encouragent la surproduction de viande, les importations massives de soja et l’utilisation des cultures vivrières comme combustible. Les agriculteurs européens peuvent produire suffisamment de denrées alimentaires saines et abordables pour les Européens, mais ils sont maintenant contraints de produire en vrac pour les marchés d’exportation« , note Matteo De Vos. 

C’est pourquoi Greenpeace appelle tous les députés européens belges à ne pas se contenter d’adopter une nouvelle politique agricole commune (PAC) qui nous enferme dans un modèle destructeur pour les dix prochaines années. 

Le Parlement européen se prononcera sur cette PAC en séance plénière la semaine prochaine. Les derniers compromis des grands groupes politiques (chrétiens-démocrates, sociaux-démocrates et libéraux) ne mentionnent pas le soutien disproportionné à l’élevage industriel et à la production de fourrage, et ne contiennent pas de mesures visant à limiter les subventions aux méga-fermes. L’UE débat également actuellement sur de nouveaux accords de libre-échange tels que l’accord UE-Mercosur, qui permettrait d’industrialiser davantage l’élevage et de se concentrer sur la production en vrac destinée à l’exportation.

Contact :

Service presse de Greenpeace : Sarah Jacobs – 0496 26 31 91 – [email protected] 

Notes :

  1. Source : principalement FAOSTAT pour la période 2007-2016, ce sont les chiffres les plus récents disponibles. Pour plus d’informations et méthodologie : voir l’analyse de Greenpeace « False Sense of Security » (oct 2020).  
  2. Source pour les chiffres de paragraphe : FAOSTAT Food Balance 2016
  3. Source : FAOSTAT pour la période 2007-2018