Benjamin Van Bunderen Robberechts, 16 ans, voudrait que le 15 juillet soit décrété journée internationale de commémoration aux victimes de la crise climatique mondiale. Il y a deux ans, il se trouvait dans les Ardennes lorsqu’ont commencé les inondations, le 14 juillet. Une de ses amies, Rosa, a été emportée par les eaux et a perdu la vie. Depuis ce jour, l’engagement du jeune homme en faveur de notre planète s’est encore accru.

Benjamin Van Bunderen Robberechts lors d’une manifestation à Bruxelles pour que l’écocide soit inscrit dans le code pénal.

 Tu voudrais que l’on rende hommage aux victimes de la crise climatique le 15 juillet. Pourquoi trouves-tu que c’est important ? 

Quand on parle du changement climatique, c’est généralement pour citer des chiffres et des statistiques, mais il est important de se rendre compte que des vies humaines sont également en jeu. Des gens meurent à cause de cette crise. Nous devons donc faire tout ce qui est possible pour mieux nous protéger. Une journée comme celle-là ne changera peut-être rien aux politiques adoptées, mais elle peut jouer un rôle de sensibilisation très important.

As-tu choisi la date du 15 juillet pour une raison particulière ? 

C’est le jour des inondations dans les Ardennes. Une de mes amies, Rosa, a été emportée par les eaux le 14 juillet. Mais le 14 juillet, c’est aussi la fête nationale française, alors on a choisi le lendemain. Ce n’est que le 15 juillet que tout le monde a vu la gravité et l’impact des inondations.

Le Parlement européen a accepté ta proposition. Quel effet ça te fait ?

Ma proposition a été officiellement approuvée le 13 juillet. Je suis très content, mais aussi très reconnaissant envers le cabinet Timmermans, qui a vraiment soutenu ce projet. Beaucoup de gens m’ont apporté leur aide. Je me sens aussi soulagé, on y est arrivé·es.

Mais au niveau belge, ça devient beaucoup plus difficile. L’audition au parlement fédéral aura probablement lieu le 18 juillet, donc ce sera trop tard pour cette année. Normalement, elle aurait dû avoir lieu le 5 juillet, mais elle a été reportée. Et un parti au pouvoir doute encore que les inondations qui se sont produites dans les Ardennes soient liées à la crise climatique. Au début, d’autres partis ont chipoté, mais comme le projet a été approuvé par le Parlement européen, iels sont prêt·es à en faire de même.

Tu ne trouves pas ça bizarre qu’un parti belge bloque ta proposition, alors même que ces inondations ont frappé la Belgique ?

Bien sûr que si, c’est très frustrant. Je ne comprends pas comment c’est possible. Pendant le débat au Parlement européen, les député·es n’ont pas cessé de parler des inondations en Belgique et en Allemagne. Je trouve donc très décevant et vraiment honteux que la Belgique n’ait pas encore adopté cette journée de commémoration.

Un mur commémoratif pour Rosa. Elle est décédée lors des inondations du 14 juillet 2021 dans les Ardennes.

Tu as eu cette idée, puis tu as contacté le cabinet Timmermans ? Ou bien, comment cela s’est-il passé ?

J’étais déjà en contact avec son cabinet quand j’ai rencontré monsieur Timmermans un peu par hasard, à l’occasion du Rain Requiem, un requiem pour les victimes des inondations dans les Ardennes, joué dans le cadre du festival STROOM et écrit par Jef Neve et David Van Reybrouck.

Nous avons discuté de la construction d’une sorte de porte de Menin, un mémorial pour les victimes de la crise climatique, et nous avons pensé à créer une journée de commémoration. Puis le projet a mûri. M. Timmermans s’est occupé de tout au niveau européen, et j’ai essayé de faire passer notre idée au niveau belge.

Et comment t’y es-tu pris, au niveau belge ? Tu as écrit aux différents partis ?

Oui, j’ai envoyé des milliers de mails pour tenter de convaincre les gens de l’importance de cette journée. J’ai commencé après la COP. J’y ai parlé au Premier ministre et à quelques autres ministres. La plupart se sont montré·es favorables, alors je me suis dit que c’était bon.

Et tu as vraiment eu l’impression d’être écouté par le Premier ministre ?

Il y a un an, lors de la commémoration des inondations, il a raconté notre histoire, à Rosa et moi. Puis il a ajouté : « Je prends Ben pour témoin de mon engagement à en faire plus pour le climat ». Malheureusement, son engagement n’a toujours mené à rien de concret.

 Je ne comprends pas non plus pourquoi il dit que nous devrions appuyer sur le bouton « pause » avant d’adopter la loi sur la restauration de la nature. La nature et le climat ne font qu’un, l’un ne va pas sans l’autre. Il serait contre-productif de ne pas soutenir aujourd’hui la loi sur la restauration de la nature.

Est-il important que cette loi voie le jour dès maintenant ?

 Naturellement ! Je ne comprends pas que l’on puisse prétendre que le climat et la nature ne sont pas indissociables. Le climat sans la nature, ou vice versa, ça ne peut pas marcher. De son côté, l’Europe semble enfin s’en rendre compte et élabore des lois en ce sens. Mais la Belgique semble à la traîne.

 J’ai vraiment l’impression qu’en matière de politique climatique, l’Europe est plus progressiste que la Belgique. On a encore de la chance au niveau européen, mais il est d’autant plus frustrant que la Belgique ne suive pas.

Des jeunes demandent aux politiciens de la justice climatique pour la jeune Rosa.

Comment se fait-il que tu te soucies autant de la crise climatique ?

 Cela fait trois ans que je suis le conseiller jeunesse du Commissariat aux droits de l’enfant. Je me suis toujours beaucoup engagé pour défendre les droits de l’enfance. Si je vois quelque chose d’injuste, je veux que ça change. En plus, mon école, à Bruxelles, a aussi fait beaucoup pour le climat, notamment en défendant l’interdiction des rues des écoles aux voitures.

 En 2021, j’ai participé à un camp pour les jeunes et les activistes climatiques, dans les Ardennes. C’est pendant ce camp que les inondations ont eu lieu. Elles ont coûté la vie à Rosa, qui participait elle aussi au camp.

 Alors, j’ai eu le sentiment de devoir agir. J’ai voulu me battre pour le climat, me battre pour Rosa. Et puis je trouve qu’il est important de mettre en avant le lien entre les gens, et surtout les enfants, et le climat. Parce que pour moi, ce lien est très clair, mais il y a encore des gens qui n’en ont pas conscience.

Peux-tu illustrer cette relation entre le climat et les enfants ?

 D’après l’Unicef, environ un milliard d’enfants dans le monde vivent dans des régions extrêmement sujettes aux catastrophes climatiques. Ça représente près de la moitié des enfants de la planète ! Les catastrophes climatiques telles que les inondations obligent des enfants et des jeunes à fuir. De ce fait, iels n’ont souvent plus accès à l’éducation ou à des installations sanitaires.

Comment as-tu passé le 15 juillet ?

 J’ai décidé de planifier une action à mener dans la nuit du 14 au 15 juillet, la nuit où Rosa est morte. Nous avons projeté les noms de toutes les victimes des inondations dans les Ardennes et avons invité des responsables politiques pour qu’iels prennent conscience de l’importance d’une telle journée de commémoration. Et j’espère qu’ainsi, nous avons aussi fait comprendre à tou·tes les Belges qu’il est temps d’agir. 

Y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire, en tant que Belges, pour que la Belgique elle-même prenne davantage de mesures ?

Je pense que nous devrions tou·tes faire comprendre à nos responsables politiques belges que quelque chose doit changer. Que les responsables politiques doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les gens.

On peut devenir activiste, descendre dans la rue… Et surtout, il faut continuer à y croire et rester optimiste. Nous devons nous battre pour notre avenir, tou·tes ensemble !

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