Début mars, nous avons mené une action pour la protection du site Josaphat avec des groupes d’action locaux bruxellois. Ce précieux coin de nature est menacé par un projet immobilier. Or, la nature est source de vie, ce qui explique notre engagement à la protéger, cela semble évident. Mais le combat pour la nature exige de prendre des décisions difficiles. Pouvons-nous protéger la nature coûte que coûte ?

Il ne fait aucun doute que nous devons protéger la nature, y compris chez nous, en Belgique, pour que la planète reste habitable. La perte d’habitats est une des causes de la sixième extinction de masse. Ainsi, en Flandre, 5 à 6 hectares d’espaces ouverts disparaissent chaque jour, essentiellement pour faire place à des lotissements. En Wallonie, la superficie imperméabilisée a augmenté d’environ 40 % au cours des 30 dernières années. À Bruxelles, des espaces verts équivalents à 1600 terrains de football ont disparu entre 2003 et 2016, et l’actuel gouvernement bruxellois prévoit de bétonner 42 hectares supplémentaires d’espaces verts urbains. La pression exercée sur les terrains non bâtis est si forte que la Flandre et la Wallonie introduisent toutes les deux une politique « Stop béton » afin de préserver la nature. Avec plus de 1000 Bruxellois·es, nous avons récemment demandé que la protection de la nature soit intégrée dans la nouvelle politique d’aménagement du territoire.

Des choix difficiles pour la société

Les riverain·es qui se préoccupent des projets déposés sont souvent les meilleurs défenseur·es de la nature. Ils·elles ont ainsi défendu avec succès le bois de la Chartreuse, à Liège, et la longue bataille juridique menée par des citoyen·nes de Rotselaar a abouti au rejet de la demande de permis de lotir sur le site d’un bois de 4 hectares à haute valeur écologique. Ce combat contre la destruction de la nature est un processus long et souvent frustrant, qui nécessite beaucoup de temps et d’énergie. Mais l’implication personnelle des comités de quartier leur donne la ténacité et la passion nécessaires pour poursuivre le combat et engranger des victoires. 

Nous ne pouvons malheureusement pas protéger la nature à tout prix. Des choix difficiles doivent souvent être faits. En effet, nous avons besoin de la nature, mais aussi d’écoles, de sources d’énergie renouvelable, de logements sociaux à faible consommation d’énergie, d’infrastructures de transport public, etc. Il peut arriver qu’aucun autre site ne réponde aux besoins d’infrastructures ou aux besoins sociaux de la population dans son ensemble. Mais malheureusement, pour les grands projets, c’est souvent d’abord vers les espaces verts que se tournent, à tort, les promoteurs, sans même envisager les autres possibilités telles que la rénovation et la construction sur des terrains déjà imperméabilisés. Pourquoi ? Parce qu’il est généralement moins cher, plus facile et plus rentable pour un promoteur immobilier de construire des bâtiments neufs sur un terrain non bâti. 

La crise du logement à Bruxelles

Comme le montrent les tensions actuelles autour du site Josaphat, ce dilemme est criant dans notre capitale. Les terrains non bâtis y sont rares et la crise du logement s’aggrave, avec plus de 50 000 familles sur liste d’attente pour un logement social. Le temps d’attente pour un tel logement est de 12 ans, alors même qu’un tiers des Bruxellois·es sont menacé·es de pauvreté ou d’exclusion sociale. Il est urgent de créer de nouveaux logements sociaux, entre autres par la construction d’immeubles neufs. Cela veut dire qu’à Bruxelles, il va parfois falloir faire des choix difficiles. Pour certains cas, la nature devra être sacrifiée au profit de logements sociaux. 

Cependant, la recherche pour la création de nouveaux logements sociaux n’envisage que trop rarement les autres possibilités, comme la lutte contre l’inoccupation des bâtiments : selon une étude réalisée par la VUB et l’ULB, il y a à Bruxelles entre 17 000 et 27 000 logements inoccupés, sans parler des bureaux inoccupés. En outre, les logements sociaux ne constituent qu’une fraction des projets de nouvelles constructions de la capitale, et les efforts consentis pour rénover des bâtiments afin d’y créer des logements sociaux sont hésitants. Et ce, alors même que la nature continue à perdre du terrain à Bruxelles et que ce sont les populations les plus fragilisées qui ont le moins accès aux espaces verts. Les défenseur·es de l’environnement à Bruxelles dénoncent donc à juste titre les lacunes du gouvernement bruxellois tant en matière de logement social que de protection de la nature. 

Nous avons besoin de nature

La tension entre la conservation de la nature et les autres besoins se fait sentir dans toute la Belgique. Il n’y a en général pas de solution facile. Les différents intérêts de la société doivent toujours être mis en équilibre. C’est également ce que nous faisons lorsque nous choisissons les comités de quartier que nous allons soutenir dans leur lutte contre la destruction de la nature. La nature est essentielle à notre bien-être, à notre alimentation et à notre protection contre les effets des événements météorologiques extrêmes. Ce sont bien les comités de quartier qui défendent le mieux l’intérêt public de la conservation de la nature au niveau local.

The Young Belgian Strings orchestra, under the direction of Dirk Van De Moortel, performs ‘On the nature of daylight’ by Max Richter at the Friche Josaphat, a 25 hectares biodiversity hotspot in the centre of Brussels that is threatened to be destroyed for housing and offices.

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