Le Traité sur la Charte de l’Énergie (TCE) est un traité international qui, depuis 1998, offre une protection aux fournisseurs d’énergie et aux entreprises qui extraient et transportent du pétrole, du charbon et du gaz. Ce traité comprend un système de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE) qui donne aux entreprises la possibilité de poursuivre les gouvernements devant des tribunaux privés illégaux et non transparents en cas de mesures climatiques et environnementales qui limiteraient leurs futurs bénéfices.

© Marten  van Dijl / Greenpeace

Les entreprises concernées ont souvent recours à ce traité pour torpiller les lois climat et menacer les gouvernements. Ainsi, le gouvernement néerlandais a déjà été poursuivi en justice pour un montant de 1,4 milliard d’euros par l’entreprise énergétique RWE parce que sa nouvelle loi climat forcera les centrales au charbon à fermer d’ici 2030. RWE, qui n’a inauguré sa centrale qu’en 2015, avait prévu qu’elle pourrait continuer à fonctionner et à utiliser le charbon comme combustible au moins jusqu’en 2040. De son côté, le gouvernement français est revenu sur une législation ambitieuse pour le climat parce que la compagnie pétrolière canadienne Vermilion l’a menacé de poursuites judiciaires. Le TCE est une arme puissante de l’industrie fossile visant à préserver ses propres profits, maintenant de ce fait les objectifs de l’accord de Paris hors de portée. Et ce, au détriment du climat et de la collectivité. 

Le fait que, par le biais du TCE, des entreprises déjà très puissantes et rentables aient accès à des tribunaux privés et non démocratiques rend ce traité pervers et en fait un danger pour la démocratie. La Cour de justice de l’Union européenne elle-même a estimé à juste titre que les poursuites engagées en vertu du TCE étaient contraires au droit européen.

Les choses commencent donc à bouger, et une modernisation du traité semble inévitable. Toutefois, sa modification nécessitera l’unanimité des 53 membres, et c’est là que le bât blesse. Par exemple, le Japon veille à ce que la réforme du RDIE ne soit même pas mise à l’ordre du jour, et d’autres pays préservent les intérêts du secteur des énergies fossiles. Les infrastructures destinées à l’extraction de pétrole, de gaz et de charbon devraient donc être encore protégées au moins jusqu’en 2030-2040. Et même une modernisation du traité ne permettrait pas de respecter l’accord de Paris sur le climat. 

À l’issue d’une bonne dizaine de cycles de négociations, les États membres de l’UE devront voter sur le traité « modernisé » – de manière absolument insuffisante –  le 22 novembre prochain. Du fait que le TCE modifié reste incompatible avec les objectifs climatiques et les valeurs démocratiques, plusieurs pays ont décidé de sortir du traité. Après l’Espagne et la Pologne, la France et les Pays-Bas ont annoncé à leur tour, la semaine dernière, qu’ils se retirent du traité. L’Allemagne envisage de faire pareil, mais n’a pas encore rendu sa décision. 

En Belgique, la ministre fédérale du Climat, Mme Khattabi, a également appelé à sortir du traité. Malheureusement, la Flandre bloque, invoquant une série de prétextes. Par exemple, elle laisse entendre que même si on sort du traité, des poursuites pourraient encore être intentées dans les 20 prochaines années. Cet argument ne tient pas la route car cette clause de “caducité” (qui fait bel et bien partie du traité) peut être abandonnée si les pays sortants décident de l’annuler. 

Le TCE est un traité très dangereux et archaïque. Greenpeace demande instamment aux autorités de cesser de protéger l’industrie fossile et de sortir du TCE le plus rapidement possible.

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