Vous ne savez plus payer vos factures d’énergie, ni votre plein d’essence ? Alors que les entreprises fossiles comme TotalEnergies, Engie ou Fluxys font des profits records. Il est plus que temps de taxer les profits exceptionnels des entreprises pétrolières et gazières.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a envoyé les prix du pétrole et du gaz à la hausse, une augmentation spectaculaire depuis le mois de février. La facture d’énergie explose, le prix à la pompe aussi. L’inflation est déjà à 9%, son niveau le plus haut depuis 1982. 2 millions de personnes en Belgique bénéficient du tarif social. Pour les autres, la facture annuelle d’énergie s’élève à 2.500, voire 3.500 euros. La Belgique a jusqu’à présent dépensé 2,4 milliards pour soutenir les ménages, de plus en plus en difficulté pour faire face à leurs dépenses.

Mais tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Il y a même de grands gagnants dans cette crise.

Ces grands gagnants, ce sont les grandes entreprises fossiles qui obtiennent des profits records, sur le dos de la guerre et du rebond des prix de l’énergie déjà amorcé en 2021. Des surprofits mirobolants qui reviennent aux actionnaires avec des rachats d’action massifs. 

Les entreprises pétrolières et gazières, les grandes gagnantes de la guerre.

Le cas de TotalEnergies est exemplaire : la compagnie pétrolière et gazière a enregistré un bénéfice de 13,6 milliards d’euros en 2021, en hausse de plus de 40 % par rapport à 2019. Il faut remonter à 2007 pour trouver un tel chiffre dans les comptes de l’entreprise. Ses concurrents Shell ou BP vont également pouvoir sabrer le champagne, avec respectivement 17 et 6 milliards d’euros de bénéfices en 2021, tandis que l’américain ExxonMobil approche même les 20 milliards d’euros.

Le premier trimestre 2022 n’y fait pas exception car TotalEnergies a déjà engrangé 5 milliards de surprofits, malgré une dépréciation d’actifs en Russie. Engie, l’énergéticien français, n’est pas en reste. Le groupe, dont l’actionnaire majoritaire est l’État français, affiche un bénéfice de 3,5 milliards d’euros au premier trimestre, porté par la volatilité des prix du gaz. Le rapport émis par la Banque Nationale belge évoque aussi les profits excédentaires réalisés en Belgique avec les centrales nucléaires. Une tendance qui ne risque pas de changer : selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), en 2022, les profits des entreprises du secteur devraient atteindre 200 milliards d’euros.

Ce sont bien des bénéfices exceptionnels, des surprofits, car ils ne sont en aucun cas liés à la politique de l’entreprise. Ils sont dus à un changement de contexte extérieur, dans ce cas-ci une guerre sanglante. 

Afin de définir le volume du surprofit, il suffit de comparer les profits faits au premier trimestre 2021 et ceux engrangés un an plus tard par les entreprises énergétiques. C’est la méthode choisie par le gouvernement italien et aussi par Greenpeace. C’est ainsi que nous sommes arrivés aux chiffres suivants : rien qu’en Europe, pour le mois de mars, les surprofits des entreprises pétrolières sont estimés à 3 milliards d’euros. Pour la Belgique on parle de 68 millions d’euros de surprofits. Des profits qui ne vont ni aux salariés du groupe – en témoigne la grève des salariés français de TotalEnergies –, ni aux investissements dans les énergies renouvelables.

Pourquoi faut-il taxer les surprofits des entreprises pétrolières et gazières ? Les 4 questions-réponses.

1 – A quoi vont servir les revenus de la taxation ?

Pour Greenpeace, les revenus de la taxation des surprofits doivent servir à soutenir les familles qui ont du mal à payer leurs factures d’énergie. A ce sujet, nous sommes en faveur de la prolongation de l’extension du tarif social et son automatisation en incluant les familles qui se trouvent juste au-dessus des critères pour y accéder.

Les revenus de la taxation ne doivent pas seulement aider les familles qui sont dans le besoin mais doivent aussi nous aider à nous affranchir des énergies fossiles. Pour cela, il faut absolument réduire notre consommation de gaz et de pétrole. L’efficacité énergétique et les économies d’énergie devraient être au cœur du futur système énergétique, car utiliser moins d’énergie signifie réduire les émissions de gaz à effet de serre et moins d’argent dépensé pour les ménages. Un programme massif d’isolation des bâtiments, en commençant par les quartiers et les communautés les plus exposés à la pauvreté énergétique, serait bon pour notre portefeuille et notre planète. 

On pourrait aussi grâce à ses revenus soutenir la création de coopératives et d’autres organisations pour mettre la production d’énergie renouvelable entre les mains des gens ordinaires. La production d’électricité détenue par les citoyens et les communautés donne une véritable indépendance énergétique et permet d’augmenter la part des énergies renouvelables.

2 – Est-ce que les surprofits ne permettent aux entreprises d’investir dans le renouvelable ?

C’est souvent ce que les entreprises pétrolières et gazières répondent quand on parle de taxer leurs surprofits. Mais rien n’est moins vrai. Les investissements dans les énergies renouvelables augmentent ces dernières années, mais au vu du contexte et de l’envolée des prix, les investissements dans les énergies fossiles augmentent eux aussi. Pour les majors européennesles investissements dans le renouvelable ne représenterontt toujours qu’entre 6 à 22% en 2030

Rien que pour TotalEnergies : les énergies fossiles représentent encore 90% de son activité et plus de 70% de ses investissements. Les activités problématiques de l’enseigne française n’en finissent pas de défrayer la chronique. TotalEnergies est par exemple aujourd’hui engagée dans le projet pétrolier EACOP, en Ouganda et en Tanzanie. Problématique à tous les niveaux, il implique la création d’un pipeline chauffé de 1.500km de long (le plus long au monde). Il s’agit d’un désastre humain et environnemental colossal pour toute la région. Plus de 100.000 personnes voient leur activité agricole directement entravée

3 – Est-ce que ce n’est pas en contradiction avec les règles européennes ? 

Que du contraire. Depuis le début de la guerre en Ukraine, tant la Commission européenne que l’Agence Internationale de l’Énergie ont proposé aux Etats européens de taxer les surprofits des entreprises énergétiques pour faire face à la hausse des prix.

De plus en plus de pays européens ont décidé de taxer les surprofits. L’Italie, l’Espagne, la Grèce, la Hongrie, et l’Angleterre le font déjà… mais la Belgique n’en fait toujours pas partie. Il y a bien une proposition de loi déposée au parlement fédéral par le PTB et la ministre de l’Energie Tinne Van der Straeten a déposé un projet auprès du gouvernement qui va être débattu à la rentrée.

Mais il y a urgence. Et il faut que cette taxation ne soit pas symbolique, ni qu’elle ne concerne que les entreprises énergétiques, les entreprises pétrolières font aussi des profits mirobolants.

4 – Est-ce que l’on ne devrait pas plutôt sortir des énergies fossiles ?

L’objectif final, c’est bien sûr de s’affranchir des énergies fossiles et polluantes. C’est pour cela que tous nos efforts et aussi nos investissements ne doivent pas servir à sortir de la dépendance aux hydrocarbures russes par un remplacement à long terme par d’autres fournisseurs. Au contraire, nous devons sortir de notre dépendance tout court au gaz et au pétrole.  

Rien que pour le pétrole, de nombreuses mesures pourraient permettre de réduire la consommation, qu’il s’agisse de mesures à court terme comme l’interdiction des vols court-courriers ou la mise en place de transports publics abordables pour tous, ou de mesures à plus long terme comme l’élimination progressive des nouveaux véhicules à moteur à combustion interne d’ici à 2028 ou l’augmentation des investissements dans les lignes ferroviaires.

Les énergies fossiles ne sont pas notre avenir, elles doivent rester dans le sol.

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