L’invasion russe ravage l’Ukraine depuis fin février. Greenpeace condamne cette guerre. Deux millions et demi de civils ont déjà fui les bombardements, et selon l’Organisation Internationale des Migrations, ce chiffre pourrait encore doubler dans les semaines qui viennent. Nous sommes solidaires des Ukrainiennes et des Ukrainiens, ainsi que des Russes qui s’opposent à cette guerre, financée par les énergies fossiles. Nous appelons à un cessez-le-feu, et demandons à l’Europe et à la Belgique de cesser immédiatement les importations de gaz et de pétrole russes.

L’Europe, bien trop dépendante de Poutine

Il aura fallu qu’une guerre éclate sur son territoire pour que l’Europe se réveille. Aujourd’hui, nous avons tous pris conscience de notre dépendance au gaz et au pétrole russes. Les chiffres sont impressionnants : la Russie livre 45 % du gaz utilisé en Europe et 27% du pétrole. Environ la moitié du budget russe provient de l’exportation du pétrole et du gaz. En 2021, la Belgique a versé plus de 1,7 milliards d’euros fossiles à la Russie. Aujourd’hui en Europe, plus de 1 milliard de dollars partent chaque jour remplir les caisses de Poutine et financer sa machine de guerre.

Les énergies fossiles, trop souvent synonymes de guerres

L’invasion de l’Ukraine n’est pas le premier conflit sur fond de pétrole ou de gaz. Souvenons-nous de la guerre menée par les États-Unis en Irak. Partout dans le monde, des peuples indigènes ou des communautés, qui vivent dans des zones d’extraction du pétrole, subissent des conflits meurtriers. Notre dépendance aux énergies fossiles est jalonnée de bains de sang.

Arrêt immédiat des importations de gaz et de pétrole russe

Face à l’invasion, pour mettre fin aux souffrances de la population ukrainienne et rétablir la paix, il faut continuer la voie diplomatique. Mais il faut aussi mettre la pression sur le régime russe, et sur les oligarques qui le soutiennent. Si l’Europe et la Belgique veulent affaiblir la machine de guerre de Poutine, il faut arrêter immédiatement les importations de gaz et de pétrole. On ne peut en même temps condamner la guerre ET la soutenir en achetant du gaz et du pétrole.

De leur côté, les entreprises d’énergies fossiles ne peuvent pas attendre l’annonce d’un embargo politique pour cesser d’importer gaz et pétrole russes. BP, Exxon, ENI : tous les géants fossiles ont déjà pris cette décision. Tous, ou presque. Après avoir fait un profit historique en 2021, TotalEnergies a annoncé l’arrêt des investissements dans de nouveaux projets en Russie. Par contre, la multinationale reste muette sur ses importations de gaz et de pétrole. Cette position est intenable. Attendre que des sanctions officielles soient prises pour agir, c’est continuer à financer le budget de l’État russe.

Soutenir les ménages, faire payer les entreprises d’énergies

Couper les importations du pétrole et du gaz russes, est-ce réaliste, et quel impact sur les prix ? Depuis quelques mois, l’explosion des prix de l’énergie a mis de nombreuses familles en difficulté. Des familles précaires, qui n’étaient déjà plus capables de se chauffer décemment avant la montée des prix : 20% des ménages (25% en Wallonie et à Bruxelles) se trouvaient en précarité énergétique. Mais aussi des familles de classe moyenne qui, face à la montée vertigineuse des prix, sont aujourd’hui obligées de pousser la porte des CPAS pour demander de l’aide.

L’invasion en Ukraine n’a rien arrangé. Les marchés s’affolent et cela se répercute sur le prix de l’électricité, du gaz, de l’essence et du diesel. Pour Greenpeace, il est impensable que les ménages les plus précarisés se retrouvent seuls face à des factures impayables. Il faut que les responsables politiques soutiennent tous les ménages en difficulté en baissant la TVA et en soutenant le tarif social, en fonction des revenus de chacun.

Les géants de l’énergie – en grande partie responsables de la crise climatique – sont ceux qui ont le plus profité de la crise énergétique, finançant au passage la machine de guerre de Vladimir Poutine. Pour Greenpeace, les gouvernements européens doivent taxer ces gains, et investir la totalité de l’argent dans la sortie définitive des combustibles fossiles en Europe.

Des denrées alimentaires plus chères

L’explosion des prix ne se limite pas à l’énergie. Les prix des denrées alimentaires subissent aussi les effets de la guerre. La Russie et l’Ukraine : deux pays qui sont de gros exportateurs de céréales et d’oléagineux (un tiers des exportations au niveau mondial). Notamment le blé, qui constitue l’aliment de base pour plus de 35% de la population mondiale. Mais aussi d’autres céréales et oléagineux : du maïs (17% du commerce mondial), de l’orge (32% du commerce mondial), des graines, huiles et tourteaux de tournesol (50% du commerce mondial). 

La FAO – l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture – estime que les prix pourraient augmenter de 8 à 20 %. Une augmentation qui viendrait s’ajouter aux prix serrés en raison de la pandémie, aux perturbations des chaînes d’approvisionnement, à l’affolement des prix de l’énergie, et aux conditions climatiques de plus en plus instables. 

L’Europe exporte elle-même beaucoup de produits agricoles. Ce n’est pas elle qui va subir les impacts les plus dévastateurs de cette crise alimentaire, mais des pays à bas revenus et dépendants des denrées importées, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord1. C’est le cas par exemple de l’Égypte, de la Turquie, du Bangladesh, de l’Indonésie, et du Pakistan, qui sont les premiers importateurs de blé en provenance de Russie et d’Ukraine2. Au-delà de l’Ukraine qui subit une crise alimentaire locale majeure, c’est la sécurité alimentaire mondiale qui est en danger. 

Pourquoi il faut sortir de l’agriculture intensive

Le conflit en Ukraine nous démontre la fragilité de notre système alimentaire actuel, et nos multiples dépendances. L’agriculture intensive, qui est le modèle majoritaire aujourd’hui, est dépendante des engrais (fabriqués avec du gaz) et des machines (qui tournent au combustible fossile). Tout ça pour nourrir majoritairement du bétail. En Europe, 60% des céréales produites, majoritairement exportées, terminent dans les mangeoires des animaux3. Aujourd’hui plus que jamais, nous devons nous diriger vers un système plus résilient et écologique4

Il est urgent de sortir de cette agriculture industrielle tournée vers l’exportation, hyper dépendante des énergies fossiles, et qui fragilise notre système alimentaire. 

Libérons-nous des énergies fossiles et lançons une révolution énergétique

Les énergies fossiles sont une impasse. Une impasse pour le climat, une impasse pour notre sécurité énergétique, une impasse pour la paix. La guerre en Ukraine, la flambée des prix et la crise climatique devraient être l’opportunité de sortir le plus vite possible des énergies fossiles. Il faut absolument éviter que les plans actuels de l’Union européenne ne consistent à se défaire de notre dépendance à la Russie, pour rester dans d’autres dépendances fossiles, comme le LNG du Qatar ou le gaz de schiste américain. Ou encore de retourner vers l’uranium, également importé de régimes peu fiables, comme la Russie, le Kazakhstan ou le Niger. C’est ce que certains pays ont déjà compris, comme l’Allemagne, qui a revu son objectif renouvelable à la hausse : 80 % d’électricité renouvelable en 2030 et 100% pour 2035.

Aucun dictateur ne peut monopoliser le soleil. Aucun autocrate ne contrôle le vent. Mettre fin à notre dépendance aux énergies fossiles est le seul moyen de prévenir les guerres soutenues par l’argent du pétrole. Il est clair que le nucléaire n’offre pas non plus de solution miracle, ni en matière de prix, ni en matière de sûreté : la situation en Ukraine a bel et bien démontré que le risque nucléaire est très réel. Passer aux énergies renouvelables est la seule voie pour sauver notre climat et avoir une sécurité énergétique réelle. 

Lançons un programme massif de rénovation des maisons

On le voit dans toutes les propositions de la Commission européenne : nous devons augmenter notre efficacité énergétique, car ‘L’énergie la moins chère est celle qu’on ne consomme pas’. Une phrase qui prend tout son sens aujourd’hui. Actuellement, la rénovation des maisons et des bâtiments reste très, trop faible. Sans accélération rapide de la rénovation, sans développement des pompes à chaleur, sans soutien au secteur de la construction, nos efforts sont voués à ne pas atteindre nos objectifs climatiques. Pour acter cette accélération, l’Europe doit y mettre les moyens.

À court terme, pour mettre fin à l’argent de la guerre, nous devons mettre fin à l’importation du gaz et du pétrole russes. Pour y arriver, une seule voie est possible : sortir des énergies fossiles, réduire notre consommation énergétique (en aidant les ménages et les PME), et soutenir l’agriculture durable.

Je partage sur Facebook Je partage sur Twitter Je partage sur Whatsapp
  1. https://www.ifpri.org/blog/how-will-russias-invasion-ukraine-affect-global-food-security
  2. https://www.vox.com/future-perfect/2022/2/27/22950805/russia-ukraine-food-prices-hunger-invasion-war
  3. https://www.greenpeace.org/belgium/fr/communique-de-presse/18093/lagriculture-europeenne-sert-principalement-a-nourrir-le-betail-et-alimenter-les-voitures-plutot-que-les-gens/
  4. https://www.google.com/url?q=https://www.greenpeace.org/static/planet4-international-stateless/2016/12/b254450f-food-and-farming-vision.pdf&sa=D&source=docs&ust=1647301209128258&usg=AOvVaw0y5ZBzcOVG-GtNb-PrXeaz