En tant qu’organisation pacifique, Greenpeace condamne la guerre en Ukraine. Nous appelons à un cessez-le-feu et à un maintien des négociations. Nous sommes profondément préoccupé.e.s par la menace des armes nucléaires russes et par la vulnérabilité des installations nucléaires ukrainiennes dans ce conflit armé. Nos pensées vont à toutes les personnes touchées par les combats ou qui ont dû fuir leur foyer. Ce conflit est une tragédie tant pour les Ukrainien.ne.s que pour les Russes.

Greenpeace UK a projeté le message « Peace Now » sur le Tower Bridge.

La guerre en Ukraine occulte également le débat sur l’énergie qui fait rage dans notre pays depuis un certain temps déjà. Après l’augmentation des prix de l’énergie, c’est la (non) dépendance au gaz russe qui est maintenant brandie par les uns et les autres pour défendre leur position sur la sortie du nucléaire et sur les nouvelles centrales à gaz. Mais c’est un faux dilemme. La sécurité énergétique, accompagnée de factures d’énergie structurellement moins chères, n’est possible qu’avec davantage d’efficacité énergétique et plus d’énergie renouvelable, et donc avec une sortie rapide de l’énergie nucléaire et du gaz fossile.

« Tout reprendre à zéro » ne change rien au résultat

La guerre change la donne partout. Même en Allemagne, qui a pourtant déjà fermé la moitié de ses réacteurs nucléaires fin décembre, le report de la fermeture des réacteurs restants est soudainement remis à l’ordre du jour. Jusqu’à nouvel ordre, les trois derniers réacteurs doivent fermer à la fin de l’année. En Belgique aussi, des appels sont lancés pour reconsidérer notre avenir énergétique à la lumière de l’invasion russe. La (non) dépendance vis-à-vis du gaz russe est invariablement brandie comme une raison de reporter la sortie du nucléaire.

Le fait que le débat sur l’énergie soit à nouveau ouvert n’est pas une mauvaise chose à plusieurs égards. En effet, l’ambition affichée par notre pays en matière de rénovation et de chauffage durable pour sortir du gaz et du mazout est encore insuffisante. Nous pouvons encore déployer davantage et plus vite les énergies renouvelables. Par ailleurs, de trop nombreuses familles sont aujourd’hui livrées à elles-mêmes dans cette transition. Nous espérons donc que la situation actuelle aura le mérite de réveiller nos responsables politiques sur ces sujets.

Malheureusement, le débat est actuellement pollué par un grand nombre d’idées fausses. Premièrement, l’indépendance énergétique n’est pas un idéal qu’il faut poursuivre à tout prix. La Belgique n’est pas une île énergétique. Au contraire, elle est de plus en plus connectée à ses voisins, et bientôt aussi à des pays comme le Danemark, voire l’Écosse et la Norvège. Des interconnexions plus nombreuses conduisent en fait à une fourniture d’électricité plus stable et à des prix plus bas. Deuxièmement, la prolongation des réacteurs nucléaires est une opération très complexe et coûteuse. Surtout lorsque l’exploitant lui-même ne le voit pas d’un bon œil et qu’il est déjà trop tard. En outre, les deux seuls réacteurs concernés par une prolongation éventuelle n’ont que peu ou pas d’effet sur les prix de l’énergie ou la sécurité de l’approvisionnement. Troisièmement, maintenir les centrales nucléaires ouvertes ne résout pas notre problème de gaz. Les centrales nucléaires ne nous aident pas à réduire la consommation de gaz pour le chauffage, qui représente environ la moitié des importations de gaz.

Les familles et les PME paient le prix de l’aventure nucléaire

Il existe une autre bonne raison de sortir complètement du nucléaire, et on l’oublie souvent. En cas de prolongation, l’énergie nucléaire risque en effet de devenir très chère pour les consommateurs et consommatrices. En 2018, Engie avait déjà exigé des « prix garantis » pour maintenir les centrales ouvertes. Concrètement, si le prix de l’électricité tombe en-dessous de ce qu’Engie considère comme rentable (après avoir amorti les lourds investissements dans les deux réacteurs), c’est alors au contribuable d’intervenir. Or, lorsqu’il y a trop d’électricité, par exemple un jour où l’énergie éolienne et solaire est abondante, les prix tombent en-dessous de zéro : ce sont les prix négatifs. Les ménages ne profitent guère de ces prix de marché momentanément négatifs. Par contre, les gros consommateurs d’électricité, dont les contrats suivent plus directement le marché, reçoivent eux de l’argent lorsqu’ils achètent de l’électricité.

À ce moment-là, une centrale électrique au gaz flexible peut en revanche réduire drastiquement sa consommation de gaz, voire s’arrêter. Un parc éolien peut également être mis hors service. Par contre, une centrale nucléaire n’est pas assez flexible et continue donc en tout temps à injecter du courant dans le réseau saturé. Dans le cas d’une centrale nucléaire à prix garanti, le contribuable paie dès lors deux fois pour chaque kilowattheure d’électricité nucléaire produit : d’abord pour combler la partie négative et puis pour atteindre le prix garanti.

La croissance du solaire et de l’éolien s’accélère à nouveau. En cause, le Green Deal européen et la volonté de l’Allemagne, en réaction à la guerre en Ukraine, de s’engager dans la voie d’une électricité 100 % renouvelable d’ici 2035 (!). Par conséquent, les prix de l’électricité bas ou négatifs seront une réalité de plus en plus fréquente en Belgique. Il faudrait alors combler les écarts pour les centrales nucléaires qui continueraient à fonctionner. Si Engie est assuré d’une marge bénéficiaire confortable, le risque retombe entièrement sur les consommateurs.trices et les contribuables.

Sortir du nucléaire, sortir du gaz, accélérer l’efficacité et le déploiement des énergies renouvelables

Confirmer la sortie du nucléaire et procéder le plus rapidement possible à la sortie du gaz est préférable pour assurer notre sécurité et garder une énergie abordable. Nous misons sur l’efficacité et une croissance rapide de l’éolien et du solaire pour brûler le moins de gaz fossile possible dans les centrales à gaz. Les anciennes centrales électriques au gaz (dont les émissions sont les plus élevées) doivent être éliminées le plus rapidement possible. En nous appuyant sur des investissements massifs et rapides dans les énergies renouvelables et dans plus d’efficacité énergétique, nous devons transformer le plus rapidement possible les centrales à gaz en une ressource de réserve.

La priorité est d’investir directement dans les ménages. Pour se débarrasser du gaz, il faut surtout examiner la façon dont nous chauffons nos maisons. En effet, ces dernières figurent parmi les plus inefficaces d’Europe et constituent donc un énorme potentiel d’amélioration. Il en résulte des factures d’énergie élevées qui peuvent être réduites structurellement par une isolation massive. Aidons les familles à se débarrasser du gaz grâce à une meilleure isolation, soutenons leur passage aux panneaux solaires et aux pompes à chaleur électriques, et donnons à chacun.e la possibilité d’économiser sur ses factures d’énergie grâce aux communautés d’énergie.

Il est également urgent d’étendre encore l’éolien en mer. D’une part, il faut accélérer la construction de nouveaux parcs éoliens respectueux de la nature. D’autre part, il faut mettre fin à l’inacceptable blocage politique qui persiste autour de la liaison Ventilus qui doit acheminer cette énergie éolienne vers l’intérieur du pays. Avec la bonne volonté nécessaire, la nouvelle capacité offshore pourrait déjà être opérationnelle en 2026 et réduire encore davantage les besoins en gaz.

Enfin, nous devons continuer à investir dans les connexions à haute tension avec nos pays voisins, notamment en mer du Nord. Comme le vent souffle toujours quelque part en Écosse, au Danemark ou en Angleterre, cette solution offre également une source d’approvisionnement en courant beaucoup plus stable. Il a également été prouvé que les lignes électriques internationales font baisser les prix de l’électricité.

Dites « non » aux prix élevés de l’énergie, optez pour les énergies renouvelables

Pendant cinquante ans, les ménages et les PME belges ont été la vache à lait du secteur de l’énergie. Tout d’abord, ils ont financé la construction de centrales nucléaires coûteuses jusqu’à la libéralisation du marché en 2003. Ensuite, Electrabel a gagné des fortunes pendant des années (environ 2,3 milliards d’euros par an selon la CREG), car les prix de l’électricité étaient élevés et les coûts des centrales nucléaires amorties étaient faibles. Cet argent a bénéficié aux actionnaires français et a contribué aux coûts peu élevés de l’industrie lourde en Belgique. Ces derniers mois, les factures de gaz élevées ont alimenté les coffres de la Russie et d’autres pays producteurs de gaz. Aujourd’hui, il est temps d’investir dans nos familles et nos PME grâce aux énergies renouvelables locales, et non dans l’énergie nucléaire ou le gaz fossile.

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