Quand Georgia Whitaker s’est installée dans son canapé pour regarder Don’t Look Up pendant les congés de Noël, elle s’attendait à voir une comédie moyenne avec un casting haut de gamme, façon Love Actually. Mais contre toute attente, elle a finalement ressenti un profond soulagement. Elle explique pourquoi dans ce blog.

Lorsque je me suis installée dans mon canapé pour regarder Don’t Look Up pendant les congés de Noël, je m’attendais à voir une comédie moyenne avec un casting haut de gamme, façon Love Actually. Mais je suis reparti avec un mélange surprenant d’émotions et une profonde impression de soulagement.

Pourquoi? Pour la première fois, une blockbuster et ses stars hollywoodiennes ont donné à des millions de personnes à travers le monde un aperçu clair de ce à quoi les militants environnementaux, les scientifiques et les peuples indigènes sont confrontés chaque jour. La menace qui pèse sur notre planète fait aujourd’hui l’objet d’un déni immense. Et ceux qui ont le pouvoir d’agir pour protéger notre planète trouvent tous les moyens pour retarder l’action réelle, en utilisant toutes les tromperies possibles. 

Chez Greenpeace, nous n’abordons pas souvent le phénomène d’éco-anxiété. Il s’agit pourtant d’un sentiment présent chez beaucoup de communautés, de militants et de scientifiques de première ligne. Et pour cause, la crise climatique nous plonge dans un grand paradoxe : le public est plus conscient et plus préoccupé que jamais, les militants et les scientifiques lancent de graves avertissements depuis des décennies, les responsables politiques et le monde industriel prônent publiquement des initiatives vertes et pourtant la planète continue de brûler. Comment avons-nous pu en arriver là ? 

Don’t Look Up pointe du doigt une des raisons. On y voit des entreprises diffuser de dangereux mensonges pour empêcher toute action politique réelle qui permettrait d’éviter une catastrophe planétaire. En ce qui concerne la crise climatique, de vastes opérations de greenwashing sont menées par des entreprises.

Quand j’essaye de décrocher du travail en scrollant sur mon fil Instagram ou en regardant la télévision, je suis confrontée constamment à un raz-de-marée de mensonges à peine voilés de l’industrie fossile, des compagnies aériennes et des constructeurs automobiles. Le quotidien The Guardian a découvert que les entreprises de combustibles fossiles sont parmi celles qui dépensent le plus en publicités Google

Une étude commandée par Greenpeace a aussi révélé que des entreprises comme Shell et TotalEnergies utilisent des publicités pour promouvoir toute une série de fausses solutions soit disant vertes, par exemple en présentant le gaz naturel comme étant “respectueux du climat”. Ces publicités se répercutent sur les choix politiques. Ces publicités influencent également les choix politiques, comme en témoigne la proposition actuellement sur la table de la Commission européenne d’inclure le gaz fossile et l’énergie nucléaire comme investissements durables dans sa taxonomie, dans le cadre du Green Deal.

Nous sommes dans une situation difficile à vivre pour beaucoup. Alors que les catastrophes climatiques se multiplient, de plus en plus de gens sont confrontés directement à une énorme éco-anxiété ou anxiété climatique. Don’t Look Up est le premier film grand public à aborder directement ce sujet. Personnellement, je me suis vraiment sentie concernée par le personnage de Jennifer Lawrence. Lors d’une récente formation aux médias, on m’a conseillé de sourire en permanence et de hocher la tête lors des interviews. Mais, comme le vivent les personnages joués par Leonardo Dicaprio et Jennifer Lawrence, comment y arriver quand un problème colossal est constamment minimisé ou ignoré? Une étude récente de l’Imperial College a démontré que l’éco-anxiété climatique est un problème de santé mentale à prendre au sérieux. Les choix de vie habituels, comme avoir des enfants, me semblent insignifiants et impossibles lorsque j’imagine le monde dystopique que je connaîtrai au cours de ma vie.

Cette angoisse climatique est encore accentuée par la tendance de certaines des entreprises les plus polluantes du monde à pointer du doigt notre responsabilité individuelle dans la crise. Lorsque BP a engagé une agence de publicité pour l’aider à créer son outil afin de ‘calculer son  empreinte carbone’, son objectif était de faire en sorte que les individus se sentent personnellement responsables de l’urgence climatique. Ce faisant, BP détournait notre attention de sa propre empreinte carbone, celle d’une des plus grandes compagnies pétrolières du monde. La triste nouvelle est que cela fonctionne. Dans une enquête récente, Greenpeace a constaté que plus de la moitié de nos sympathisants nés après 1995 estimaient que le changement de leurs habitudes en tant qu’individus était la mesure la plus importante pour lutter contre le changement climatique. Or on sait que 100 entreprises contribuent à 71 % des émissions mondiales.

Le réalisateur et le producteur de Don’t Look Up se sont prononcés en faveur d’une interdiction de la publicité pour les énergies fossiles. Il s’agit d’un signe clair de l’inquiétude de l’équipe concernant les machines de propagande des entreprises fossiles et leur effet destructeur.

La bonne nouvelle est que nous comprenons de mieux en mieux les mécanismes de pouvoir que Don’t Look Up illustrent si bien. Et nous avons un outil pour les contourner. Lorsque l’industrie du tabac a été démantelée en Europe il y a moins de 20 ans, la première étape a été son exclusion du sponsoring et de la publicité. Cela a privé l’industrie du tabac d’une plateforme qui lui permettait jusque-là de nier les effets du tabagisme sur la santé ou de promouvoir des produits dangereux. Cela a conduit à la diminution de son influence politique et de son acceptation sociale. 

Il est maintenant temps d’empêcher certaines des entreprises les plus polluantes du monde de faire de la publicité et du sponsoring avec une loi similaire. Il est temps de mettre fin au greenwashing qui accélère la crise climatique. 

Ainsi que le montre Don’t Look Up, le réseau complexe de pouvoir et de collusion peut rendre l’action politique difficile. Mais la bonne nouvelle est que nous n’avons pas à attendre que les responsables politiques agissent. Greenpeace et plus de trente autres groupes soutiennent aujourd’hui une initiative citoyenne européenne visant à interdire la publicité et le sponsoring liés aux énergies fossiles. Si nous atteignons un million de signatures, la Commission européenne devra envisager de présenter une nouvelle loi. Nous pourrions priver de plateformes publiques l’une des industries les plus meurtrières au monde, mettre fin à ses messages manipulateurs et porter profondément atteinte à sa crédibilité politique. 

S’il est vrai qu’après cette victoire, il y aura encore beaucoup de combats à mener pour mettre fin à la crise climatique, et toujours plus d’éco-anxiété climatique à affronter dans les années à venir, je sais au moins que mettre fin aux mensonges de cette industrie dangereuse m’aiderait à dormir la nuit!


Blog écrit par Georgia Whitaker, responsable de la campagne Fossil Free Revolution chez Greenpeace.


Je partage sur Facebook Je partage sur Twitter Je partage sur Whatsapp