#50Years

Notre collègue Eddie Cautaers, fait partie de Greenpeace Belgique depuis les débuts de l’organisation en 1984. Que ce soit comme point de contact pour la police lors d’actions, en tant qu’attaché de presse, en tant que militant, en tant que collecteur de fonds… ou plein d’autres fonctions encore. Aujourd’hui, Eddie est le spécialiste informatique et la mémoire vivante de Greenpeace Belgique.

Comment Greenpeace Belgique a-t-elle vu le jour ?

« Greenpeace menait déjà des actions en Belgique au début des années 1980, mais sans bureau permanent ni personnel. Pour des raisons stratégiques, Greenpeace International à Amsterdam a estimé qu’il était important d’avoir aussi un pied-à-terre à Bruxelles. Ils ont donc envoyé un Néerlandais du siège social afin de mettre en place un bureau pour Greenpeace Belgique. L’aventure paraît difficilement imaginable aujourd’hui. Cet homme est arrivé en train d’Amsterdam, a pris le métro jusqu’à Schuman et a noté le numéro de téléphone de la première maison à louer qu’il a vue. Peu de temps après, l’association sans but lucratif Greenpeace Belgique y installait un bureau. Entre-temps, il avait fait publier dans le journal une offre d’emploi de coordinateur. Le choix s’est porté sur Karel Ameye, qui est devenu le premier employé de Greenpeace Belgique à la fin de l’année 1983.

Quels ont été les plus grands défis des premières années ?

« Avant tout, il fallait constituer une équipe et recruter des membres. Karel Ameye, qui était initialement tout seul dans notre bureau de Bruxelles, rendait régulièrement visite au Bond Beter Leefmilieu. Il y a rencontré Martin Besieux et moi-même : deux jeunes gens enthousiastes qui, entre autres, découpaient des articles sur l’environnement et les collaient dans des dossiers. En avril 1984, pour la première véritable action belge de Greenpeace sur les pluies acides, Ameye a demandé l’aide du Bond Beter Leefmilieu. Nous avons donc été brièvement « prêtés » à Greenpeace. Ensuite, après de nombreuses tracasseries administratives, Karel a pu bénéficier du cadre temporaire spécial (BTK), un programme gouvernemental destiné à aider les chômeurs à trouver temporairement un emploi. Fin 1984, pas moins de 10 membres du personnel, dont Martin Besieux, avaient été autorisés à intégrer Greenpeace Belgique grâce au BTK. À partir de 1985, nous avons pu réellement commencer à travailler. Mais à l’époque, nous n’avions pratiquement aucun membre, bien sûr. »     

Pouvez-vous nous parler de la première action de Greenpeace Belgique ?

« Il s’agissait d’une action internationale contre la pollution atmosphérique causée par les pluies acides. Le 2 avril 1984, des équipes de Belgique, d’Allemagne de l’Ouest, d’Autriche, du Royaume-Uni, du Danemark, des Pays-Bas, de France et de Tchécoslovaquie ont escaladé simultanément une cheminée emblématique dans leur pays respectif. Sur leur bannière figurait une grande lettre, de sorte qu’on pouvait lire le mot « STOP » en faisant un montage des photos des différentes cheminées. Nous avions accroché le « P » sur le Vervande Brug de la centrale électrique de Vilvorde. »

© Greenpeace

« J’étais chargé des contacts avec la police. À 4 heures du matin, j’ai consciencieusement téléphoné à la gendarmerie de Vilvorde (qui fait aujourd’hui partie de la police) depuis mon bureau à Bruxelles pour leur dire de ne pas paniquer, que Greenpeace avait lancé une action et que nous avions la situation sous contrôle. “Monsieur, le 1er avril, c’était hier”, a répondu le gendarme au téléphone. Ils ne voulaient pas me croire (rires). La chaîne de télévision publique BRTN (aujourd’hui VRT) a alors loué un hélicoptère pour filmer l’action. Vers midi, les gens ont afflué pour nous apporter des fleurs et des gâteaux. Dans la foulée, beaucoup de gens se sont spontanément inscrits pour devenir membres de Greenpeace. »

Quel est votre meilleur souvenir en près de 40 ans de collaboration avec Greenpeace ?

« Pour moi personnellement, c’est toute la campagne contre le chlore au début des années 1990, qui a culminé avec le blocus de l’usine Solvay à Anvers en 1993. Nous avons complètement bloqué la production pendant une semaine. Je venais de travailler de nuit sur le bateau de Greenpeace, le Solo, quand l’alarme s’est déclenchée. Heureusement, nous avions été prévenus d’une descente de police : plus tôt dans la nuit, j’avais téléphoné à des journalistes pour leur dire que quelque chose pourrait se produire. Il a fallu plusieurs heures aux policiers pour nous déloger. »  

© Greenpeace / Cristien Buysse

« Cette campagne menée par Martin Besieux était prévue pour durer très longtemps, 10 à 15 ans si nécessaire. Elle comportait également un volet social : dès le départ, nous avions impliqué les syndicats, ce qui me semble très important. L’objectif était carrément d’obtenir la reconversion totale du secteur du chlore. Outre la pollution environnementale directe causée par la production de PVC (dont le chlore est la principale matière première), la production de chlore en Belgique consommait autant d’électricité qu’un réacteur nucléaire peut en produire. Malheureusement, la campagne sur le chlore s’est interrompue prématurément au niveau international, et nous n’avons pas pu remporter notre victoire. »

Quelle est la campagne qui vous tient le plus à cœur en ce moment ?

« Le climat, sans aucun doute. Ce n’est pas parce que l’on en parle beaucoup et que l’on écrit beaucoup sur le sujet que les choses changent réellement. Pourtant, le réchauffement de la planète et le changement climatique ont des conséquences très graves pour les générations actuelles et futures. Presque toutes les campagnes de Greenpeace ont un lien évident avec le climat. »

Quels rôles avez-vous joués au sein de Greenpeace ?

« J’ai fait presque tous les métiers imaginables dans l’organisation. Au début, les rôles n’étaient pas aussi clairement définis. Les choses dont personne ne voulait me revenaient parfois. J’ai parlé à la police et à la presse, j’ai fait partie du conseil d’administration de Greenpeace Belgique, j’ai participé à la collecte de fonds (dont les premiers mailings à grande échelle), j’ai aidé à mettre en place le merchandising (des t-shirts emblématiques dans les années 1990 !)… Avec Martin, j’ai également effectué un travail de fond sur des campagnes. Et quand l’ordinateur a fait son apparition, ça a aussi atterri chez moi. Je n’avais pas de formation de base en informatique, et j’ai dû travailler en autodidacte. Et depuis près de 30 ans, je suis responsable de l’informatique chez Greenpeace Belgique. De notre tout premier ordinateur avec des disquettes jusqu’aux possibilités infinies de communication numérique dont nous disposons aujourd’hui, en passant par l’ancêtre du courrier électronique. »

Dans quel domaine Greenpeace en fait-elle trop peu aujourd’hui, à votre avis ?

« En théorie, Greenpeace se concentre sur les aspects sociaux, mais dans la pratique, je le vois trop peu. Nous devons montrer davantage que c’est un sujet qui nous tient à cœur. En outre, nous devons parfois persévérer davantage sur les chemins que nous avons empruntés et ne pas changer radicalement de cap à chaque occasion. »

Enfin, qu’est-ce qui fait la force de Greenpeace, selon vous ?

C’est le fait que nous sommes actifs dans le monde entier. Nous avons donc une vision globale et nous disposons d’un réseau beaucoup plus étendu que celui de nombreuses autres organisations environnementales, qui sont souvent plus petites. La notoriété de notre nom est un atout, mais elle peut aussi jouer contre nous. Nous sommes parfois considérés comme le Coca-Cola des organisations environnementales. »

« Les mouvements qui se scindent de Greenpeace et se retournent contre nous ont toujours existé. Mais aujourd’hui par exemple, l’arrivée d’Extinction Rebellion crée une dynamique que nous, Greenpeace, devons prendre au sérieux. Nous ne sommes plus depuis longtemps la plus grande ou la plus importante organisation traitant de ces questions, mais nous occupons plutôt le centre d’un écosystème plus vaste. Heureusement, aujourd’hui, je constate que Greenpeace fait preuve de plus de modestie sur ce plan. »

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