Maintenant que la pandémie semble perdre de sa force, nombre d’entre nous ont de nouveau envie de partir en vacances. Mais de plus en plus de touristes se rendent compte que le transport aérien contribue largement à la crise climatique. Les compagnies aériennes, les agences de voyages et certaines organisations environnementales vous offrent la possibilité de planter des arbres en compensation de votre vol. Cela peut aider à lutter contre le sentiment de honte de prendre l’avion, mais ce n’est pas une solution durable.  

Planter des arbres pour lutter contre la "honte de prendre l’avion" ?
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Comment fonctionne la compensation ?

Planter des arbres pour lutter contre la "honte de prendre l’avion" ?

Des investissements dans des projets qui évitent une émission équivalente de CO2, ou la retirent de l’atmosphère, sont censés compenser les émissions de gaz à effet de serre dues aux voyages aériens. Cela va d’investissements dans l’énergie solaire ou dans des poêles à bois plus efficaces dans le Sud, à des projets de protection des forêts ou de plantation d’arbres.

Les organisations qui offrent des possibilités de compensation utilisent des modules de calcul complexes qui prennent en compte des paramètres tels que la distance du vol, le type d’avion et le fait que le vol soit en classe affaires ou en classe économique. La méthode de calcul utilisée et le prix de la compensation peuvent varier considérablement. Certains systèmes ne calculent que les émissions de CO2. D’autres méthodes incluent également les émissions d’autres gaz à effet de serre.     

Qu’est-ce qu’un « bon » projet de compensation ?

La vente de compensations est un gros business. Les fournisseurs de projets de compensation font donc tout ce qui est en leur pouvoir pour présenter l’impact de leurs projets (c.-à-d., les émissions évitées) de la manière la plus positive possible. Ils utilisent trois critères différents pour en démontrer l’efficacité. Souvent,  une évaluation correcte du projet est extrêmement difficile. S’agit-il vraiment de “bons” projets ? 

  • Un impact durable

Personne ne peut garantir que les arbres plantés aujourd’hui  absorberont  la quantité promise de CO2 sur 25 ans. Les arbres peuvent tomber malades. Le changement climatique rend également les forêts plus sensibles aux incendies, même dans des endroits où cela semblait impossible il y a 20 ans d’ici. Une étude scientifique récente a montré que la capacité des forêts tropicales à absorber le carbone diminue. La forêt amazonienne évolue vers un écosystème qui émet plus de dioxyde de carbone qu’il n’en absorbe. Le climat politique d’un pays peut également changer, et les avantages environnementaux attendus d’un projet peuvent ne jamais se concrétiser. Il suffit de penser aux politiques environnementales destructrices du président brésilien Jair Bolsonaro. 

  • Pas d’effet secondaire indésirable

Parfois, les promoteurs de projets de compensation exagèrent délibérément la menace de déforestation dans une région, afin de vendre un nombre maximal de crédits carbone (ou de CO2 évité). Il arrive aussi qu’un projet de compensation permette de sauver une partie de la forêt, mais que la déforestation prévue ait lieu ailleurs.    

  • Une contribution positive supplémentaire

Selon une  étude de la Commission européenne, beaucoup de projets de compensation auraient probablement vu le jour, même sans financement par le biais d’un projet de compensation. Cela est probablement vrai aussi pour une partie des projets de reboisement et de conservation des forêts. Dans tous les cas, favoriser un problème (les émissions de combustibles fossiles dues aux voyages en avion) pour en résoudre un autre (la déforestation) n’est aucunement une solution durable.

Que faire alors ? Réduire les émissions et protéger les forêts !

Les défis à relever pour contenir le réchauffement de la planète en dessous du seuil critique de 1,5 °C sont immenses. Les climatologues du GIEC ont calculé que les émissions de gaz à effet de serre devaient être réduites de manière drastique au cours des dix prochaines années pour tomber à zéro en 2050. Mais supprimer les émissions ne suffit pas. Nous devons également éliminer une partie du CO2 de l’atmosphère.

À court terme, les approches technologiques comme le captage et le stockage du CO2 ne constituent pas des solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est principalement dans la nature qu’on peut trouver des vraies solutions pour éliminer le dioxyde de carbone en excès dans l’atmosphère : conservation et restauration des forêts, actions de plantation d’arbres. Mais même ces projets ne sont pas faciles à mettre en œuvre d’une manière écologiquement et socialement juste. Les nouvelles plantations sont souvent des monocultures non adaptées au contexte écologique et culturel.

Manque de surface et de temps pour les compensations

Des mesures visant à protéger les forêts et à planter des arbres sont nécessaires pour réduire les émissions de CO2 déjà présentes dans l’atmosphère mais en premier lieu, il faut pour cela de très grandes surfaces de terre.  Or, les surfaces disponibles manquent pour mettre en place des projets à grande échelle de compensation des émissions supplémentaires.

Même accompagné d’un projet de compensation, un voyage en avion dégage des émissions supplémentaires de CO2 dans l’atmosphère, ce qui aggrave la crise climatique. Il faut des décennies pour que les actions de plantation d’arbres portent leurs fruits et absorbent de grandes quantités de dioxyde de carbone atmosphérique. Nous n’avons plus  ce temps d’attendre.

En bref, nous n’avons ni la place ni le temps de justifier des voyages en avion par des projets de compensation. Les innovations techniques visant à rendre l’aviation neutre en carbone sont nécessaires, mais elles ne sont pas non plus pour demain. La seule solution structurelle est donc de réduire drastiquement le nombre de vols.

Planter des arbres pour lutter contre la "honte de prendre l’avion" ?

Planter des arbres pour compenser les émissions de CO2 nous détourne de nos vrais objectifs 

La priorité absolue pour lutter contre la crise climatique est d’éliminer le plus rapidement possible l’utilisation de combustibles fossiles. « Neutre en carbone » et « compensation CO2 » sont trop souvent de simples slogans publicitaires. Les entreprises et les particuliers qui investissent dans des projets de compensation ont donc un faux sentiment de satisfaction. Des personnes qui hésitaient auparavant à réserver un vol le font maintenant grâce à la promesse de compensation de son impact sur le climat.  

Les projets de compensation ne seront jamais une solution structurelle pour l’aviation. Ils sont un moyen pour l’industrie d’éviter sa  responsabilité et ils contribuent à justifier le mode de vie d’une petite minorité. Beaucoup trop de voyages en avion  sont présentés comme « essentiels » et « inévitables ». En réalité, plus de 80 % de la population mondiale n’a jamais pris l’avion.   

Certains promoteurs de projets de compensation admettent toutefois que le prix demandé ne reflète pas exactement le coût du CO2 généré par les voyages en avion. Cela rendrait le projet beaucoup trop cher pour les voyageurs. Ceci explique aussi pourquoi les projets de compensation sont principalement organisés dans l’hémisphère Sud. Les campagnes de plantation d’arbres dans nos pays sont  sont beaucoup plus coûteuses.

Il est très regrettable que de bons projets de conservation des forêts et des actions de plantation d’arbres soient présentés comme des projets de compensation. De telles initiatives méritent mieux. Il existe de nombreuses bonnes raisons de protéger les forêts et de planter des arbres. La compensation des émissions du transport aérien n’en fait pas partie, même s’il s’agit, il est vrai, d’un moyen tentant de collecter des fonds.

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