Cet été, notre unité d’investigation a introduit plusieurs demandes d’accès à l’information auprès de différents ministères aux niveaux régional et fédéral. Notre objectif était d’exposer tous les échanges entre l’industrie du pétrole et nos ministres sur les six dernières années. Par-là, nous voulions comprendre les liens entre cette industrie polluante et notre monde politique et de quelle façon celle-ci imposait son agenda sur la scène publique belge. 

Silence

Notre mission ne s’est pas déroulée de façon paisible. Plusieurs ministres utilisent tous les moyens possibles pour bloquer les dossiers.

Au niveau fédéral, nous sommes restés sans réponse de la part de la ministre de l’Énergie (alors Marie-Christine Marghem), du ministre des Finances (alors Alexander De Croo) et du ministre de la Mobilité (alors François Bellot). Nous sommes en procédure d’appel pour obtenir des réponses mais la Commission a plus d’un mois de retard sur sa décision, estimant ces dossiers complexes à trancher.

Au niveau bruxellois, ça coince aussi : les ministres des Finances (Sven Gatz) et de la Mobilité (Elke Van den Brandt) ne nous donnent pas accès aux documents précédents leur entrée en fonction car « il n’y a pas eu de transfert de dossier entre les ministres actuels et les précédents ». Nous devrions donc nous contenter des échanges depuis septembre 2019 et faire une croix sur tout ce qui précède cette date !

Les ministres wallons ne sont pas beaucoup plus collaboratifs : nous sommes en procédure d’appel pour absence de réponse de la part du ministre du Climat (Philippe Henry).

Nous avons aussi interjeté des appels à l’encontre du ministre des Finances (Jean-Luc Crucke), de la Direction générale opérationnelle de la Mobilité et des Voies hydrauliques (DG02) et de la Direction générale opérationnelle – Aménagement du territoire, Logement, Patrimoine et Energie (DG04). La Commission de recours a cependant tranché en défaveur de Greenpeace, estimant nos demandes d’accès à l’information déraisonnables.

Stratégie du retardement

Du côté flamand, les choses se corsent. La ministre de l’Énergie (Zuhal Demir), le ministre des Finances (Matthias Diependaele), le ministre-Président (Jan Jambon) et la ministre de la Mobilité (Lydia Peeters) nous ont tous demandé de spécifier notre requête. Nous avons eu des difficultés à comprendre cette démarche étant donné que nous avions identifié une petite dizaine d’acteurs qui nous intéressaient, ainsi qu’une vingtaine de sujets très spécifiques voir notre demande originale ici). Au final, nos demandes ont été rejetées, comme étant « manifestement déraisonnables ». La commission d’appel leur a donné raison. Nous avons donc introduit une deuxième demande, laissant le choix des documents  aux ministres: nous avons supprimé les sujets spécifiques pour ne demander que les documents qu’ils pourraient qualifier comme relevant de l’information environnementale. Là aussi, les ministres ont rejeté nos demandes. Et, à nouveau, la commission d’appel leur a donné raison, estimant notre première requête trop détaillée, tandis que la deuxième serait trop vague.

Un par un

Nous avons également scindé nos demandes : nous introduisons désormais chaque semaine une demande spécifique, avec un seul acteur en jeu. Nous espérons que les ministres comprendront mieux de cette manière ce que nous attendons d’eux. Un dossier qui devait à l’origine se clôturer le 15 septembre est dès lors repoussé à la mi-mars (le temps d’introduire toutes nos demandes séparément). Et ceci seulement si les ministres répondent favorablement. S’ils continuent les jeux de refus et que nous devons aller en appel, nous en avons jusqu’en mai. 

Le Conseil d’État – Une bataille de principes

Forts de la conviction que nos demandes n’ont rien d’excessif et qu’elles sont essentielles pour cerner enfin les liens entre l’une des industries les plus polluantes et les instances dirigeantes de notre pays, nous avons décidé de porter nos dossiers rejetés par les commissions d’appel flamande et wallonne au Conseil d’État, seul organe susceptible de casser la décision des commissions de recours. La procédure peut toutefois durer un à deux ans.

Mais nous restons déterminés. La transparence et l’accès à l’information environnementale sont des valeurs chères à Greenpeace. Notre projet s’est aujourd’hui transformé en bataille pour ces principes : nous voulons voir jusqu’où ces ministres sont prêts à aller pour nous refuser l’accès à des documents essentiels pour comprendre leurs liens avec l’une des industries les plus polluantes. C’est aussi une manière de voir jusqu’où vont les limites de l’accès à l’information en Belgique.

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