Depuis qu’elle a commencé à lutter contre un méga-projet destiné à transformer sa ville natale en zone industrielle, la vie de Khairiyah Rahmanyah a complètement changé. Fille de pêcheurs d’un petit village du district de Chana en Thaïlande, Khairiyah se bat contre une décision ministérielle visant à transformer une zone côtière de 26,8 km² en zone industrielle. 

L’histoire de « la fille de la mer » qui ne renonce pas

Le plan consiste à installer des usines de biomasse, des usines pétrochimiques et biochimiques et des ports en eau profonde le long de la côte. Depuis qu’elle s’oppose à ces projets, Khairiyah est victime de fréquentes descentes de police ou de l’armée chez elle. Les gens ont peur pour elle, mais elle-même n’a pas peur. « La seule chose dont j’ai peur, c’est que la zone industrielle soit construite », déclare-t-elle.

L’émergence d’une militante

Khairiyah n’a que 18 ans, mais sa vie est différente de celle des autres lycéens. C’est en mai 2020 qu’elle a fait ses premiers pas en tant que jeune défenseur des droits de l’homme et de l’environnement, lorsqu’elle a envoyé une lettre au Premier ministre thaïlandais, Prayut Chan-o-cha. Elle lui a demandé d’annuler une audience publique sur les projets à Chana. En effet, la date tombait pendant le ramadan et au plus fort de la pandémie de Covid-19, ce qui aurait fortement entravé la participation. En attendant une réponse des autorités, Khairiyah et sa mère ont pris leurs quartiers devant la mairie. Elles y sont restées pendant 50 heures. 

Leur persévérance a porté ses fruits. L’audience a été reportée de deux mois. Les médias locaux ont rapporté l’histoire de Khairiyah qui a été rapidement connue comme la « fille de la mer de Chana ».

En juillet 2020, Khairiyah s’est rendue de Chana, dans le sud de la Thaïlande, au bâtiment du gouvernement à Bangkok pour remettre une nouvelle lettre au Premier ministre. Elle lui a demandé d’annuler la décision relative au gigantesque développement industriel de son lieu de naissance. L’événement a reçu une attention massive de la part des médias et des médias sociaux. Sur Twitter, son action est devenue célèbre sous le nom de #SAVECHANA.

La mer c’est la vie 

L’histoire de « la fille de la mer » qui ne renonce pas

La plage de Suan Kong, dans le district de Chana, se trouve à 30 minutes en voiture de la ville de Songkhla, l’une des plus importantes villes du sud de la Thaïlande. C’est une région intacte recouverte de plaines et d’arbres verdoyants. Un peu plus loin se trouve le village de Suan Kong, où Khairiyah est née et a grandi. 

« La plage est à 50 pas de ma maison. Quand j’étais enfant, j’adorais construire des châteaux de sable et fabriquer des jouets avec des coquillages », se souvient-elle. « Les jours de calme, on peut voir des dauphins nager devant ma maison. Les pêcheurs en voient presque tous les jours, donc ils ne trouvent pas ça particulièrement extraordinaire. Mais les visiteurs sont toujours ravis de prendre des photos » 

Presque tous les villageois de Suan Kong, y compris les parents de Khairiyah, sont pêcheurs. Ceux qui ne disposent pas de leur propre bateau capturent le poisson à l’aide de filets traditionnels ou avec des lampes torches grâce auxquelles ils attirent le poisson la nuit. Le lendemain, ils vendent leurs prises au marché local. 

« L’océan ne fournit pas seulement de la nourriture à nos communautés, mais il nourrit aussi les gens de toute la région et même d’autres pays. Les bateaux de pêche vendent des fruits de mer aux marchés et aux restaurants, d’où ils sont transportés à Bangkok et dans d’autres provinces. Une fois le produit de la pêche dans le port de Songkhla, il est exporté vers la Malaisie, Singapour, le Japon et la Corée du Sud », explique Khairiyah.

Comment agir pour protéger les océans ?

Une manifestation inoubliable 

Fin 2017, Khairiyah a participé à une manifestation contre une centrale électrique au charbon dans un district voisin. L’objectif était de remettre une lettre au Premier ministre qui se trouvait à Songkhla à ce jour-là. 

« Bien que nous ne soyons venus qu’avec 50 villageois, 500 policiers armés de boucliers et de matraques nous attendaient. Nous étions paisiblement venus remettre la lettre au Premier ministre, mais les villageois ont été interpellés et arrêtés, dont mon père. Je l’ai vu maintenu par dix policiers. Une femme a essayé de l’aider, mais elle n’a pas pu rivaliser avec les forces de police. J’ai essayé de lancer un direct sur Facebook pour sauver nos villageois, mais un des policiers a fait tomber mon téléphone », se souvient Khairiyah. 

Pour elle, cette manifestation a soulevé de nombreuses questions à propos de la justice. Comment cela a-t-il pu se produire ? Elle et ses camarades villageois ne faisaient que manifester pacifiquement et sans armes. 

Notre avenir nous appartient 

Le gouvernement suit le mouvement Save Chana de très près. Beaucoup s’attendaient à ce que les villageois renoncent progressivement à leur combat. Mais pas Khairiyah. Elle est convaincue qu’il y a encore de l’espoir. 

« J’ai grandi dans un environnement sain. Je veux transmettre cette richesse aux jeunes générations. Ce sont mes racines », ajoute Khairiyah. 

Selon elle, les médias sociaux et Facebook Live ont joué un rôle crucial dans le soutien au mouvement. C’est ainsi que de plus en plus de personnes entendent parler de leur combat. Les manifestants utilisent ces outils comme un bouclier. S’ils sont menacés, ils diffusent immédiatement en direct sur Facebook Live pour alerter les médias. Greta Thunberg, la militante écologiste du même âge est une des sources d’inspiration de Khairiyah. Cette dernière lui a écrit par l’intermédiaire de l’ambassade de Suède pour lui faire part des problèmes de sa communauté et elle a pu ainsi attirer l’attention des médias suédois. 

L’année dernière, dans un discours émouvant prononcé lors du sommet des Nations unies, Greta Thunberg a condamné les dirigeants mondiaux pour leur « trahison » des jeunes, en raison de leur lenteur à réagir à la crise climatique : « Vous avez volé mes rêves et mon enfance. » Khairiyah fait partie de ces jeunes qui ont un rêve. Elle veut voyager et étudier la psychologie pour aider à développer sa ville. Mais elle a aussi décidé de faire entendre sa voix et de se battre pour le sort de sa ville natale. 

« Ce que j’ai vu et appris de mon travail avec de nombreux jeunes, c’est que nous avons tous un rêve que nous voulons réaliser. Mais dans l’immédiat, nous devons mettre ces rêves de côté pour nous battre pour quelque chose de plus important. Sinon, nous n’aurons pas d’avenir pour rêver ».

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