Maintenant qu’il y a enfin un nouveau gouvernement, Greenpeace fait le point. Au cours des dernières semaines, nous avons  rappelé à plusieurs reprises aux négociateurs l’urgence de s’attaquer à la crise climatique de manière décisive et inclusive. Peut-on espérer une politique climatique ambitieuse sur la base de l’accord de coalition ? 

Pour la première fois, le climat, l’environnement et la nature  font partie des priorités d’un accord de coalition fédérale belge. C’est tout à l’honneur des centaines de milliers de citoyens, et des jeunes en particulier, qui sont sortis dans la rue et ont agi pour le climat ces dernières années. L’ambition devra encore être accrue dans de nombreux domaines. Mais l’accord de coalition contient d’importants éléments pour appuyer une transition équitable et la lutte contre la crise du climat et de la biodiversité.

Climat

Dans ses priorités, le nouveau gouvernement soutient les ambitions climatiques de l’Europe et son « Green Deal » de 55 % de CO2 en moins d’ici 2030 (par rapport à 1990) et de neutralité carbone d’ici 2050. 

C’est un début, même si l’Europe et notre pays devront passer à la vitesse supérieure. En effet, la science est claire : pour respecter les objectifs de l’accord de Paris sur le climat, l’Europe a besoin d’une réduction de 65 % d’ici 2030, et d’une société neutre en carbone d’ici 2040.

Pour atteindre des ambitions aussi élevées, la coopération, un cadre clair et des objectifs annuels seront nécessaires. L’accord de gouvernement laisse la porte ouverte à une loi sur le climat qui pourrait fournir un tel cadre, en consultation avec les Régions. Il s’agit là d’une mesure pour laquelle Greenpeace, avec les jeunes pour climat et d’autres, a occupé la Rue de la Loi à Bruxelles l’année dernière. C’est donc une bonne nouvelle.

Transition juste

Une politique climatique ambitieuse nécessite des changements majeurs dans la société. La composition de ce gouvernement rayonne de diversité. Cela doit maintenant se traduire également dans la politique qu’elle mènera. Une transition juste sera cruciale. Une transition qui tienne compte de tous les groupes dans la société, notamment les personnes en situation de pauvreté et les classes modestes, et qui prenne soin des employés dans les secteurs et les entreprises qui doivent innover ou disparaître à long terme.

Le nouveau gouvernement veut mettre en route cette dynamique avec “une conférence nationale sur la transition juste”. Greenpeace travaillera au sein de la Coalition Climat et avec ses partenaires syndicaux pour y parvenir. Ce gouvernement exprime également l’intention de rapprocher les citoyens et la société civile de la politique.

Cependant, Greenpeace souligne que l’attention à la réduction des inégalités et l’ancrage des politiques climatiques au sein des enjeux sociaux ne sont pas encore suffisamment pris en compte dans l’accord de gouvernement. Concernant l’accès à l’énergie, l’accord prévoit un léger élargissement du tarif “social”, mais il n’y a pas de mesures suffisamment claires pour protéger l’ensemble des populations plus modestes. En matière de mobilité également, il faut s’assurer que les alternatives respectueuses du climat, telles que le vélo, les transports publics ou les voitures électriques partagées, soient abordables et accessibles à tous.

Dans le plan de reprise pour répondre à la crise du coronavirus, le gouvernement annonce que des défis comme la transition vers les énergies renouvelables et une mobilité respectueuse du climat sera prise en compte. Or, malheureusement, lorsqu’il s’agit des fonds publics que recevront les entreprises aidées, il n’est pas fait mention de conditions sociales et climatiques fortes, ce qui rend possible de nouveaux chèques en blanc comme celui reçu par Brussels Airlines.

Énergie 

La sortie du nucléaire d’ici 2025 est à nouveau confirmée. Chez Greenpeace, nous pensons que c’est une nouvelle fantastique. Après tout, le manque persistant de clarté concernant l’abandon progressif du nucléaire a rendu difficile pendant des années la réalisation des investissements nécessaires dans la transition vers les énergies renouvelables. L’accord de gouvernement laisse une faille théorique ouverte, ce qui est dommage, mais pas plus qu’une note de bas de page. La prolongation de la durée de vie de vieilles centrales nucléaires coûtera de l’argent et du temps, et un nouveau revirement concernant la sortie du nucléaire est donc peu probable.

Afin d’assurer l’approvisionnement énergétique et d’éviter que notre système énergétique ne s’attache aux centrales au gaz, la coopération avec les Régions devient désormais très importante. L’accord manque toutefois de vision et d’ambition concrètes sur ce point. Les Régions ont tous les outils en main pour soutenir les économies d’énergie, le développement de l’énergie solaire et l’innovation dans le domaine du stockage de l’énergie et de la gestion de la demande. Le nouveau gouvernement fédéral, lui, met tout en œuvre pour l’énergie éolienne en mer, un domaine dans lequel notre pays excelle. Ainsi, les centrales au gaz ne devront fonctionner que comme une sorte de générateur de secours. Plus vite nous développerons les énergies renouvelables, moins il faudra brûler de gaz dans ces centrales et moins il y aura d’émissions de CO2.

Mobilité

Le nouveau gouvernement a l’ambition d’utiliser les chemins de fer comme colonne vertébrale des transports publics. Notre appel pour une vision claire pour les chemins de fer, conforme au modèle suisse de l’horaire intégré – que nous avons lancé avec les citoynes experts du groupe Integrato – a été inclus dans l’accord de coalition ! Le gouvernement prévoit également de doubler le volume du trafic de fret ferroviaire d’ici 2030. Il y a aussi l’ambition de faire de Bruxelles une plaque tournante du trafic ferroviaire international, et des ambitions prudentes pour lutter contre l’impact climatique de l’aviation et, par exemple, des vols court-courriers. Le gouvernement veut également travailler avec les Régions sur la mobilité multimodale, avec un rôle important pour le vélo et les transports publics.

Le nouveau gouvernement veut éliminer progressivement les voitures alimentées aux carburants fossiles, mais malheureusement – comme de nombreux pays européens – il a omis d’y mettre une date. Une occasion manquée ! Les voitures de société, elles, ne seront plus  alimentées aux carburants fossiles à partir de 2026. C’est une bonne nouvelle, mais il faut aller plus vite. Compte tenu du climat, mais aussi de l’impact négatif sur la durabilité de notre sécurité sociale, nous regrettons de ne rien lire concernant la suppression progressive des avantages fiscaux pour les cartes de carburant et les « voitures salaires » – électriques ou non – et l’inversion de la tendance vers des voitures toujours plus grandes et plus puissantes.

Biodiversité

La protection de la biodiversité est reconnue comme une priorité par le nouveau gouvernement. Il est positif que la Belgique soutienne les ambitions du Green Deal de l’Union européenne et de la Stratégie européenne de la Biodiversité. Cela doit bien sûr être mis en pratique en étroite collaboration avec les Régions, par exemple dans le domaine de la politique forestière et agricole.

La Belgique contribue de manière significative à la déforestation mondiale par l’importation et la consommation de produits tels que le soja et l’huile de palme. Il est donc important que notre pays soutienne activement les nouvelles réglementations européennes visant à prévenir la déforestation mondiale par l’importation de biens de consommation.

Ce gouvernement veut également lutter activement contre le commerce de bois illégal, qui est depuis longtemps un cheval de bataille pour Greenpeace. Cela doit se traduire par davantage de contrôles et de sanctions sur le terrain.

Nous saluons également l’intention d’inclure des normes environnementales dans les accords de libre-échange. Cela devrait, par exemple, conduire la Belgique à s’opposer au prochain accord commercial entre l’Union européenne et les pays sud-américains du Mercosur, en raison de son impact dévastateur sur les écosystèmes(comme la forêt amazonienne) et le climat.

Toutefois, il est inquiétant que l’exploitation minière des grands fonds marins ne fasse pas l’objet de contrôles de sécurité supplémentaires, avec des risques très élevés pour la flore et la faune sous-marines.

Agriculture

La crise du coronavirus nous a montré l’importance d’une production alimentaire locale et durable. Nous nous félicitons du soutien apporté par l’accord à l’agriculture à petite échelle et à la transition vers des systèmes alimentaires durables, qui seront bénéfiques pour les agriculteurs, les consommateurs et l’environnement. La recherche met également en évidence la rentabilité croissante des systèmes de production durables. En collaboration avec les Régions, ce gouvernement veut également réduire l’utilisation des pesticides dans nos champs.

Point négatif, cet accord ouvre la porte au soutien de la technologie des OGM. Les cultures génétiquement modifiées renforcent le contrôle des grandes entreprises sur notre chaîne alimentaire et favorisent l’agriculture industrielle et l’utilisation de pesticides. Les cultures d’OGM peuvent également contaminer d’autres cultures et conduire à donner naissance à de « super mauvaises herbes ». Cette technologie doit être strictement contrôlée pour protéger notre environnement et nos agriculteurs.

Un gouvernement climatique ?

Peut-on appeler ce nouveau gouvernement fédéral un “gouvernement du climat” ? Cela reste à voir. Cet accord contient vraiment des points d’ancrage importants, et témoigne d’une plus grande ambition en matière de climat et de biodiversité que les précédents accords de coalition. Mais étant donné l’urgence, de nombreux éléments de l’accord devront devenir encore plus ambitieux et concrets. 

Parce que nous avons déjà perdu beaucoup de temps et parce que ce gouvernement a à peine plus de trois ans devant lui, il sera crucial que le nouveau gouvernement prenne un bon départ. Greenpeace espère que des mesures prioritaires pour une transition équitable et la protection de notre biodiversité seront rapidement mises sur les rails.

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