Au cours des dernières années, la population de l’Afrique a plus que doublé, tandis que les terres arables disponibles n’ont augmenté que d’environ 10%. Pour répondre à la demande alimentaire croissante, de vastes étendues de terres sont en train d’être réaffectées. Cette transition agraire a bouleversé la vie et la sécurité alimentaire de millions de personnes.

L’agriculture industrielle implique la destruction de vastes zones forestières, la perte de biodiversité et l’aggravation de la crise climatique, représentant 25% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Cela est aggravé par la demande de terres pour les plantations de pétrole, de caoutchouc et autres. Principalement destinée à répondre à la demande étrangère, elle soulève des questions de respect de la loi sur la manière dont les multinationales et les élites acquièrent des terres.

Au Cameroun, les gouvernements successifs ont encouragé la création de grandes exploitations agricoles depuis l’ère coloniale et après l’indépendance. Selon le gouvernement, les projets agricoles industriels apportent des investissements directs étrangers, créent des emplois locaux et favorisent le développement des infrastructures dans le pays. Le plus souvent, cela conduit à l’accaparement des terres. Et avec cela vient la destruction de la forêt et le déplacement des communautés.

La stratégie de croissance et d’autonomisation du Cameroun dans le cadre de la vision gouvernementale 2035 vise à en faire un pays émergent, axé sur les investissements dans l’agriculture. Le sort des forêts et autres terres agricoles du Cameroun est particulièrement important pour les communautés locales et autochtones. Cela signifie que ce n’est pas seulement une question environnementale, mais aussi une question des droits de l’homme. L’agriculture industrielle, souvent considérée comme une panacée pour une économie en difficulté, présente généralement plus de problèmes.

Au niveau mondial, l’agriculture industrielle suscite de plus en plus d’inquiétudes pour la santé, les droits de l’homme et l’environnement. Les articles sur les impacts sur la santé et l’environnement des engrais chimiques et des pesticides tels que la contamination des sols, de l’eau et des aliments sont de plus en plus présents dans les médias. En fait, on se rend de plus en plus compte que le système alimentaire à travers l’approche de l’agriculture industrielle doit être repensé.

De plus en plus de gens s’interrogent sur la qualité de leurs aliments. Ils veulent savoir qu’ils sont en sécurité et en bonne santé. Un effort mondial est également fait pour s’assurer que les gouvernements et les entreprises n’aggravent pas le changement climatique et la perte de la biodiversité en détruisant les forêts au profit de l’agriculture industrielle.

La voie à suivre nécessite des changements transformateurs dans la manière dont les aliments et autres produits agricoles sont produits.

Une solution pratique au niveau local est de passer à l’agriculture écologique. L’agriculture écologique, également appelée agroécologie, n’est pas une nouvelle pratique. Il associe les connaissances des agriculteurs locaux aux recherches scientifiques les plus récentes pour augmenter les rendements sans nuire à l’environnement. C’est un système agricole dans lequel les agriculteurs exploitent leurs connaissances traditionnelles en matière de contrôle de l’eau, des sols et des parasites et les utilisent pour améliorer leurs terres et leurs produits. L’agriculture écologique permet aux agriculteurs de développer leurs propres intrants agricoles, tels que le fumier organique et les semences indigènes, qui résistent aux changements climatiques.

Il existe de nombreuses études sur les approches écologiques, mais très peu d’entre elles traitent de l’impact financier sur les agriculteurs. En 2014, Greenpeace a mené une enquête auprès de petits agriculteurs, enregistrant des données provenant de régions où l’Institut international de recherche travaillant sur la physiologie et l’écologie des insectes au Kenya et le Centre mondial d’agroforesterie au Malawi font la promotion de ces techniques.

Les résultats de ce travail sur le terrain démontrent la rentabilité d’une agroécologie exempte de tout pesticide chimique ou engrais. Au Kenya, les communautés agricoles qui adoptaient des pratiques éco-agro innovantes telles que la technologie push-pull obtenaient des rendements moyens de 2 347 kg par acre, alors que celles utilisant des produits chimiques luttaient avec un rendement moyen inférieur à la moitié. Dans l’ensemble, les petits exploitants pratiquant ces techniques ont également réalisé des revenus plus élevés que ceux utilisant des produits chimiques.

Greenpeace n’a pas encore mené de telles études au Cameroun. Certains progrès ont été réalisés dans cette direction, mais il reste encore à en explorer tout le potentiel. En tout état de cause, accepter de l’agriculture écologique au Cameroun et ailleurs commence au niveau local. C’est là que ses avantages deviennent évidents pour la sécurité alimentaire en ce qui concerne la productivité, les droits coutumiers, les ressources naturelles, l’emploi et la santé.

L’agriculture écologique permet aux petits exploitants locaux de contribuer activement à leur croissance économique tout en protégeant l’intégrité de la forêt et de sa biodiversité – élément essentiel pour maintenir la stabilité du climat et prévenir les changements climatiques incontrôlables. Cela leur permet d’utiliser les ressources disponibles localement de manière efficace et durable, afin de produire des aliments adaptés à la culture pour tous.

Les gouvernements africains doivent réagir à cette réalité et étendre les opportunités comme l’agriculture écologique à l’échelle nationale. Cela comprend des subventions pour l’agriculture écologique et les engrais organiques au lieu des produits agrochimiques, ainsi que l’allocation d’un budget à la recherche et au renforcement des capacités des agents de vulgarisation agricole locaux.

Une transition vers une utilisation durable des terres est essentielle pour la protection des forêts et de la biodiversité, pour réparer nos systèmes alimentaires défaillants et pour défendre les droits des communautés vulnérables. Un bon début consiste à développer l’agriculture écologique, mais la transition ne sera pas complète sans une action déterminée du gouvernement.