Le 7 avril 2022 

Objet : Publication de l’audit de l’IGF, spéculation sur les terres vertes et implications pour la lettre  d’intention 

Nous vous écrivons en réponse à l’audit de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les concessions  d’exploitation forestière industrielle en RDC, finalement publié par le Ministère de l’Environnement et  du Développement Durable (MEDD) le 1er avril, et pour vous demander de prendre des mesures  rapides et appropriées pour répondre à ses conclusions accablantes, notamment que le moratoire sur  les nouvelles concessions soit prorogé indéfiniment. Ne pas agir porterait un coup de marteau à la crédibilité de l’accord de protection des forêts de CAFI, signé il y a quelques mois à peine par le  président Tshisekedi et le Premier ministre Johnson lors de la COP26, pour un montant de 500 millions  de dollars. 

Le retard dansla publication de l’audit, deux ans après qu’il a été commandé en juin 2020 et trois mois  après l’échéance fixée par la nouvelle lettre d’intention CAFI (LoI), est en soi une source de  préoccupation significative, soulevant la question de savoir pourquoi il n’a pas été rendu public plus  tôt. 

Maintenant que le rapport est dans le domaine public, il met à nu l’anarchie de l’exploitation forestière  industrielle dans le pays et le “laxisme coupable” du MEDD qui a profité à ses ministres successifs.  Parmi ses nombreuses conclusions, pas moins de 18 concessions ont été attribuées en violation du  moratoire, y compris à une personnalité militaire de haut rang. Les concessions attribuées à ce dernier  représentent à elles seules 3,1 millions USD de redevances superficiaires impayées, alors que seuls  quatre opérateurs sur les 45 répertoriés se sont avérés avoir payé la redevance superficiaire. 

Cependant, l’audit de l’IGF, qui demande le maintien de l’interdiction de nouvelles concessions, ne  représente qu’une petite portion de l’étendue réelle du chaos de cette industrie. Par exemple, les  auditeurs n’ont pu localiser qu’un nombre “très limité” d’entreprises, la majorité des adresses étant  “inexactes ou tout simplement inexistantes”. De plus, la portée de l’audit n’inclut pas les violations  survenues après mai 2020, y compris l’attribution par Claude Nyamugabo de concessions dites de  “conservation” grandes comme la moitié de la Belgique à une obscure société commerciale, Tradelink.  Le même ministre a autorisé la conversion illégale de concessions forestières par le géant portugais  du bois, et le plus grand propriétaire foncier privé de la RDC, Norsudtimber. 

Pas plus tard qu’hier, une coalition d’ONG congolaises et RFUK a écrit à l’actuelle ministre Eve Bazaiba  concernant les actions illégales de Kanaka Management Services Private Limited (KMS), une société  indienne qui est parvenue à escroquer des dizaines de communautés dans la province de l’Equateur  afin qu’elles cédent les droits carbone de leurs forêts communautaires pendant cent ans. En 2018, la  société a obtenu du ministère de l’Environnement des certificats d’agrément pour 218 secteurs dans 

les provinces de l’Equateur, de la Tshuapa, de la Tshopo, du Maniema, du Sankuru et du Bas-Uélé  couvrant un tiers du territoire congolais. À notre connaissance, ces titres et certificats illégaux n’ont  pas encore été révoqués. 

Permettre cette braderie continue des forêts et du patrimoine congolais, que ce soit pour un accès  illicite au bois, au carbone ou à toute autre ressource naturelle, est totalement en décalage avec les  prétendues ambitions climatiques du gouvernement de la RDC et de ses partenaires internationaux.  Conformément à nos recommandations précédentes, un soutien supplémentaire de CAFI devrait être  conditionné par les éléments suivants : 

1. Le jalon de la lettre d’intention de CAFI concernant la publication et l’annulation des titres illégaux  est basé sur un examen entièrement transparent, participatif et complet de toutes les concessions  d’exploitation forestière et de conservation en RDC. Lorsque les informations sur la conformité  légale ne sont pas disponibles ou ne sont pas disponibles là où elles devraient l’être (c’est-à-dire  le site Web du MEDD, le Journal Officiel), la présomption devrait être que la concession est illégale  et donc restituée à l’État. 

2. Lié à cela, publier les rapports de l’audit légal des concessions financé par l’UE, en attendant la  publication de son rapport final. 

3. Inculper les responsables du pillage de la forêt congolaise en levant, le cas échéant, leur immunité  parlementaire. 

4. Mener une enquête sur la non-publication jusqu’en avril 2022 du rapport de l’IGF et sur la non exécution de l’ordre du président Tshisekedi d’octobre 2021 à l’actuel ministre de suspendre  immédiatement toutes les concessions forestières « douteuses ». 

5. Révoquer tous les contrats illégaux et les certificats d’homologation obtenus par KMS,  Norsudtimber et d’autres pour accéder aux droits relatifs au carbone et aux bois. 6. Veiller à ce que toute programmation géographique des futures zones de concession soit  effectuée en phase avec les réformes d’aménagement du territoire parrainées par CAFI qui sont  de nature multisectorielle et qui reconnaissent les droits des communautés locales et  autochtones. 

7. Effectuer une évaluation transparente et crédible de la gouvernance forestière en RDC par rapport  au cadre de gouvernance forestière de ProFor/FAO et s’assurer qu’il existe un plan d’action pour  remédier aux manquements constatés par cette évaluation. 

8. Veiller à ce que le moratoire d’exploitation forestière soit maintenu jusqu’à ce que les conditions  ci-dessus aient été correctement remplies. 

Sincèrement, 

Joe Eisen, Rainforest Foundation UK 

Irene Wabiwa, Greenpeace Africa