Vouloir « arrêter la mer avec ses bras », tel semble être le combat de Modou Fall, « l’homme plastique », aujourd’hui bien connu des Sénégalais. Ex militaire et président de l’association “Sénégal Propre”, créée en 2006, il multiplie causeries et séances de sensibilisation auprès des populations, pour prévenir et lutter contre l’usage des plastiques à usage unique. Ce pionnier avait compris bien avant tout le monde, que le péril plastique était aux portes du pays.

Sénégal, une longue tradition de politique contre le plastique.

Les faits sont là : 71e mondial pour une population de 17 215 428 habitants selon des statistiques de PopulationData.net, le Sénégal est crédité être au 21e rang des plus grands pays pollueurs des océans du monde selon les données de l’Association “Sénégal Zéro Déchet” ! Toujours selon cette association, la quantité annuelle de déchets produits par personne dans le pays, atteint les 190 kilogrammes. La plupart de ces déchets est soit incinérée – bonjour les dégâts en ce qui concerne la couche d’ozone -, soit déversée dans l’environnement.

La réponse des pouvoirs publics ? Après une série de lois, de règlements et autres générations de textes législatifs, l’adoption de la loi n° 2020-04 du 08 janvier 2020 relative à la prévention et à la réduction de l’incidence sur l’environnement des produits plastiques qui abroge et remplaçant la loi n° 2015-09 du 04 mai 2015, était porteuse de beaucoup d’espoir.

Ce, pour avoir retenu les leçons du passé, quand par exemple, la loi de 2015 introduisait le tri des sachets à autoriser selon le micronnage, alors que les agents sur le terrain, eux, n’avaient aucun moyen de… distinguer les bons des mauvais !

Ainsi, la nouvelle loi de 2020, entre autres mesures, porte interdiction de certains produits plastiques à usage unique ou produits plastiques jetables (tasses à jeter, plats à jeter, pailles, etc.), le bannissement total des sacs plastiques sortie de caisse, la consignation des bouteilles en plastique.

Déchets plastiques sur les plages à Dakar – Sénégal – © Ibrahima Kebe Diallo / Greenpeace

 Interdiction des sachets plastiques au Sénégal : Une loi à l’épreuve de ses limites.

Pour autant, la loi n’est pas exempte de tout reproche. Comme le souligne une analyse effectuée, avec l’appui de la Fondation Heinrich Böll, par des consultants et la Coalition Andandoo Bayii Plastik (“Ensemble mettons fin au plastique”) dont Greenpeace Afrique est membre. Cette coalition, dont le porte-parole est l’Association Zéro Déchet Sénégal, constituée d’une vingtaine d’acteurs de la Société civile sénégalaise, a déclaré : « Nonobstant ces innovations juridiques de taille, nous pouvons noter également que cette loi comporte des lacunes qui peuvent compromettre son application dont, notamment : (1) la rigidité de certaines dispositions ; (2) la non prise en compte d’une commission chargée de gérer les infractions en matière de produits plastiques; (3) l’absence d’une disposition explicite sur le délai accordé (soit de six ou huit mois) aux acteurs du plastique pour se conformer à la loi au niveau des dispositions transitoires ; (4) l’absence d’une vulgarisation au niveau de tout le territoire national ; (5) l’absence de textes réglementaires d’application ».

Avec un retard à l’allumage, du fait de certaines dispositions à « fort impact économique et social » de la loi n°2020-04 du 08 janvier 2020, assouplies en raison de la pandémie du Covid-19 – ou « de lobbies qui murmurent à l’oreille des puissants ?», cette dernière, à ce jour, est partie pour rester…inopérante.

A cela s’ajoutent des mains étrangères dans ce tableau d’apocalypse, à l’image de ce bateau du géant allemand de transport maritime Hapag-Lloyd, intercepté par les services des Douanes. Il tentait d’introduire frauduleusement des centaines de tonnes de déchets plastiques sur le territoire sénégalais. Suscitant la réaction indignée au point d’ Awa Traoré de Greenpeace Afrique, qui s’exprimait dans un entretien avec TV5 Monde le 27 mai 2021, avec un lapidaire : « Le Sénégal n’est pas un dépotoir ».

A défaut de textes de loi pertinents, arrimés à une volonté politique sans faille, animaux, climat, êtres humains, sols, océans, continueront de subir, inéluctablement, la loi du plastique.

Modou Fall, l’homme plastique – Sénégal – © Clément Tardif / Greenpeace

Cheikh A. Bamba NDAO – Greenpeace Afrique – Twitter: @publicheikh