La présentation à grand renforts de publicité mensongère de projets d’agro-business, notamment de plantations industrielles, ne brille pas particulièrement par son originalité. De Dakar à Yaoundé en passant par Kinshasa, les promoteurs de plantations de bananes à Pakour (au sud du Sénégal) ou de palmiers à huile à Campo et Niete (la région du Sud du Cameroun), embauchent le même refrain : la création d’emplois, l’investissement de nationaux, le développement, le changement de vie des populations et tutti quanti…

CAMVERT, une menace contre la biodiversité et l’avenir des populations autochtones et locales

La vérité est que le seul point commun à tous ces projets, c’est l’appât du profit immédiat au détriment des ressources du pays et de l’intérêt général. Le projet Camvert ne prévoit ni plus ni moins, que de raser 60 000 ha de forêts pour y planter…du palmier à huile ! Les projets Sudcam, Hevécam, Socapalm sont passés par là, et ont démontré la nuisance des  projets de ce genre sur les forêts, sur la biodiversité, sur l’avenir des communautés qui habitaient les lieux et tiraient l’essentiel de leurs revenus mais également, leurs raisons de vivre, de ces forêts. Si Sudcam avait conduit à l’expulsion des communautés autochtones Baka de leurs terres ancestrales, Camvert s’affaire aujourd’hui à “acheter” les communautés autochtones Bagyéli – mais aussi les populations des villages bantous [1]. Il essaie ainsi d’acheter les Bagyeli avec des sacs de riz, des bouteilles d’huile de palme, du savon, des tomates en boîte et de l’argent [2].

Le gouvernement, lui, n’a pas la volonté de se doter des moyens idoines, pour veiller à la préservation des ressources forestières de tout un pays. C’est que la forêt du Cameroun est le deuxième massif forestier le plus important d’Afrique, après celui de la République Démocratique du Congo (RDC). Soit environ 22,5 millions d’hectares, dont 17 millions de forêts denses et humides. Cette superficie représente 48% de la surface du territoire national. Elle occupe le cinquième rang africain du point de vue de la diversité biologique, nous renseigne wikipdia.

Membre du village Nyamabande impacté par le projet Camvert – Cameroun – @copyright: Greenpeace Afrique

L’intérêt privé doit t-il primer sur un patrimoine commun? 

Entre 2011 et 2019, Sud Cameroun Hévéa (Sudcam) a rasé plus de 11 600 hectares de forêt vierge à un jet de pierre du village natal du président, Mvomeka, pour y créer une gigantesque plantation d’hévéa aux abords de la réserve de faune du Dja, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Greenpeace Afrique a collecté plusieurs preuves attestant de l’existence de liens avec la famille Biya [3].

Le projet Camvert donnera-t-il à la communauté plus que les effets dévastateurs attendus de par son action sur la nature et sur les hommes ? Assurément non, si l’on se réfère à l’avis unanime des experts, qui affirment que les forêts jouent par-dessus tout, un rôle essentiel dans l’absorption du CO2.

A Binyegue on retrouve trois (3) communautés autochtones Bagyeli – Cameroun – @copyright: Greenpeace Afrique

L’avenir de tout un pays, de tout un continent est en jeu

Selon les résultats publiés dans la revue Nature Climate Change, les forêts ont absorbé deux fois plus de gaz qu’elles n’en ont émis entre 2001 et 2019. Chaque année, elles ont ainsi piégé 16 milliards de tonnes de CO2 par an contre une moyenne annuelle de 8,1 milliards de tonnes libérées à cause de la déforestation et d’autres perturbations.Parce qu’en vérité, c’est l’avenir climatique voire l’avenir tout court, de tout un pays, de tout un continent, qui se joue, comme le souligne si justement Ranece Jovial, responsable de la campagne forêt chez Greenpeace Afrique, en parlant du projet Camvert : « Sur le plan environnemental, le projet contribuera à accentuer la pression sur la biodiversité du parc national de Campo Ma’an dont la zone déclassée constitue un corridor de passage pour la faune du parc. Les conflits homme-faune qui sont déjà décriés par les communautés  seront décuplés avec risque important d’accroissement du braconnage, rendant plus difficile la conservation de cette riche et unique biodiversité. Nul besoin d’y ajouter la perte du couvert forestier prévue avec des impacts certains sur le climat ».

Lisez le nouveau rapport de Greenpeace et GDA: Camvert, un cauchemar récurrent

Cheikh Bamba Ndao – Greenpeace Afrique

[1]  « Cahier des charges entre CAMVERT S.A et la communauté des peuples autochtones Bagyelis de campo, 2020 »

[2]  Ibid.

[3] Greenpeace, Ruinous Rubber, 2018, https://www.greenpeace.org/static/planet4-africa-stateless/2018/10/8f21a9bc-8f21a9bc-greenpeace-africa-sudcam-report-2018-1.pdf