Il est important que les organismes internationaux de développement et le gouvernement camerounais puissent repenser leurs approches de développement. Ceci afin de s’assurer non seulement que leurs opérations n’amplifie pas les problèmes environnementaux et sociaux, mais aussi d’assumer leurs responsabilités lorsque ceux-ci surviennent. En effet, leurs décisions d’acquisition de terres pour “le développement’’ ainsi que le manque de consultation des communautés autochtones et locales affectent l’accès aux terres, à la nourriture, à une eau saine et à la sécurité de ces derniers. La dépossession progressive des terres des peuples autochtones, due à l’acquisition des terres à grande échelle au Cameroun, permet de souligner la nature précaire des droits des communautés autochtones et locales sur la terre et ses ressources.  

Le développement des plantations agro-industrielles et le fait que les forêts denses du Cameroun sont susceptibles d’être allouées  en concessions industrielles ont entraîné une frustration accrue parmi les populations autochtones en raison du manque de terres. Il est ainsi particulièrement important et urgent d’accorder aux communautés autochtones la gestion de leurs forêts et de leurs terres grâce à une réforme profonde du droit foncier et l’application indéniable du principe du consentement libre informé et préalable (CLIP). 

Ce problème de dépossessions des terres qui sévit depuis plusieurs années a fait l’objet d’un partage d’expérience entre les leaders traditionnels Bantu, les peuples autochtones Baka et Bagyeli de l’océan et du Dja et Lobo, réunis le mois dernier à Djoum. Au cours de ces échanges, plusieurs leaders traditionnels ont dénoncés les méfaits de l’accaparement de terres au sein de leurs communautés . Il est important de noter qu’au Cameroun, en plus des bergers mbororo, les peuples autochtones au sens de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones, comprennent aussi les peuples baka, bagyeli, bedzang et bakola.

Dans la région du Sud Cameroun par exemple, les communautés autochtones et  locales, plus particulièrement celles du Département du Dja et Lobo, où j’ai eu à réaliser plusieurs activités, font face à une discrimination de la part des autorités gouvernementales mais aussi des entreprises d’exploitations lorsqu’ils défendent et exercent leurs droits sur leurs territoires et leurs ressources naturelles vis-à-vis de l’accaparement de leur terre par la compagnie SudCam (Filiale camerounaise d’une des plus grandes compagnies de caoutchouc dans le monde Halcyon Agri). 

C’est la raison pour laquelle cette année, la célébration de la journée internationale des peuples autochtones le 09 août dernier a été l’occasion pour les peuples autochtones de réclamer une fois de plus la sécurisation de leur terres et pour moi, d’en appeler aux autorités compétentes à mettre fin à l’accaparement des terres en renforçant sa loi foncière mais aussi d’indemniser, relocaliser et compenser ces communautés autochtones et locales impactées par la compagnie SudCam. 

Reconnaissance formelle des droits humains des communautés autochtones et locales 

L’impact inévitable des opérations des agro-industries sur les droits des peuples autochtones et communautés locales démontre que celles-ci doivent mieux comprendre leurs responsabilités en matière de droits de l’homme. 

Les principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme des Nations Unies ainsi que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones  constituent des outils de référence pour les autorités et entreprises. Bien plus encore, le nouvel accord signé entre le PNUE et l’OHCHR pour renforcer leur engagement à protéger le droit humain à un environnement sain sont à mon avis des exemples que les autorités camerounaises devraient prendre en compte dans l’élaboration de ces politiques et lois afin d’assurer une meilleure protection des droits des communautés autochtones et locales. 

 

Reconnaître la propriété foncière coutumière dans la loi 

En 2011, le gouvernement camerounais a amorcée la réforme de la loi foncière qui jusqu’à ce jour tarde à être soumis au vote du parlement. Il est impératif que ce processus évolue et arrive à son terme. La loi résultant d’une telle réforme doit reconnaître les principes  coutumiers d’acquisition de terres et d’accès aux ressources naturelles par les communautés autochtones et locales et reconnaître de ce fait leur propriété foncière coutumière. Il est donc important que ce processus soit participatif et inclusif des peuples autochtones et locales.

Face à cette situation alarmante de l’accaparement des terres et à la lumière de la croissance des effets désastreux qu’elle entraine à l’encontre des communautés autochtones et locales dans le cas de la compagnie SudCam, il serait impératif que le gouvernement camerounais sécurise les droits coutumiers des peuples autochtones et de prendre en compte les propositions indiquées dans le rapport le caoutchouc qui dévaste les forêts publié en juillet 2018 par Greenpeace Afrique.